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 François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort

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François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort Empty
MessageSujet: François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort   François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort Icon_minitimeMar 13 Juin 2023 - 20:59

François: défendre la dignité des pauvres plutôt que de s’émouvoir de leur sort Cq5dam.thumbnail.cropped.750.422


Ce mardi 13 juin 2023, dans son message pour la VIIe Journée mondiale des pauvres, le Pape François invite à ne pas détourner le regard de ceux qui sont en difficulté, comme les enfants qui vivent dans les zones de guerre, ceux qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, ceux qui sont exploités au travail, et les jeunes qui sont prisonniers d'une culture qui leur donne le sentiment «d'être des ratés».

Message du Saint-Père à l'occasion de la
VIIe Journée mondiale des Pauvres [du 19 septembre 2023] :

« Ne détourne pas le regard du pauvre » (Tb 4,7)

1. La Journée Mondiale des Pauvres, signe fécond de la miséricorde du Père, vient pour la septième fois soutenir le chemin de nos communautés. C'est un rendez-vous que l'Eglise est en train d'enraciner progressivement dans sa pastorale, pour découvrir chaque fois davantage le contenu central de l'Evangile. Chaque jour, nous sommes engagés dans l'accueil des pauvres, mais cela ne suffit pas. Un fleuve de pauvreté traverse nos villes et devient de plus en plus grand au point de déborder ; ce fleuve semble nous submerger tant le cri des frères et sœurs qui demandent aide, soutien et solidarité se lève de plus en plus fort. C'est pourquoi, le dimanche qui précède la fête de Jésus-Christ Roi de l'Univers, nous nous retrouvons autour de sa Cantine pour recevoir à nouveau de Lui le don et l'engagement de vivre la pauvreté et de servir les pauvres.

« Ne détourne pas le regard du pauvre » (Tb 4,7). Cette Parole nous aide à saisir l'essence de notre témoignage. En nous arrêtant sur le Livre de Tobia, un texte peu connu de l'Ancien Testament, captivant et riche en sagesse, nous nous permettrons de mieux entrer dans le contenu que l'auteur sacré souhaite transmettre. Une scène de vie familiale s'ouvre devant nous : un père, Tobi, salue son fils, Tobia, qui s'apprête à entreprendre un long voyage. Le vieux Tobi craint de ne plus pouvoir revoir son fils, et c'est pourquoi il lui laisse son « testament spirituel ». Il a été déporté à Ninive et maintenant il est aveugle, donc doublement pauvre, mais il a toujours eu une certitude, exprimée par le nom qu'il porte : « le Seigneur a été mon bien ». Cet homme, qui a toujours confié au Seigneur, en bon père, désire laisser à son fils non pas tant des biens matériels, mais le témoignage du chemin à suivre dans la vie, c'est pourquoi il lui dit : « Chaque jour, fils, souviens-toi du Seigneur ; ne pèche ni ne transgresse ses commandements. Fais de bonnes œuvres tous les jours de ta vie et ne te mets pas sur le chemin de l'injustice » (4,5).

2. Comme on peut l'observer tout de suite, le souvenir que le vieux Tobi demande à son fils ne se limite pas à un simple acte de mémoire ou à une prière à adresser à Dieu. Il fait référence à des gestes concrets qui consistent à faire de bonnes œuvres et à vivre avec justice. Cette exhortation se spécifie encore plus : « À tous ceux qui pratiquent la justice, fais l'aumône avec tes biens et, en faisant l'aumône, ton œil n'ait pas de regrets » (4,7).

Les paroles de ce vieux sage sont assez surprenantes. N'oublions pas, en effet, que Tobi a perdu la vue juste après avoir accompli un acte de miséricorde. Comme il le raconte lui-même, sa vie, dès son plus jeune âge, était consacrée à des œuvres de charité : « À mes frères et à mes compatriotes, qui avaient été emmenés avec moi en captivité à Ninive, au pays des Assyriens, je faisais beaucoup d'aumônes. [...] Je donnais du pain aux affamés, des vêtements aux ignués et, si je voyais un de mes compatriotes mort et jeté derrière les murs de Ninive, je l'enterrais » (1,3.17).

Par ce témoignage de charité, le roi l'avait privé de tous ses biens, le rendant complètement pauvre. Mais le Seigneur avait encore besoin de lui ; il reprit son poste d'administrateur, il n'eut pas peur de continuer dans son style de vie. Écoutons son récit, qui nous parle aussi aujourd’hui : « Pour notre fête de Pentecôte, c'est-à-dire la fête des Semaines, j'avais fait préparer un bon déjeuner et je me suis mis à table : la table était remplie de nombreux plats. J'ai dit au fils Tobia : « Mon fils, va-t'en, et si tu trouves parmi nos frères déportés à Ninive quelque pauvre, qui soit pourtant de cœur fidèle, emmène-le déjeuner avec nous. Je reste à attendre que tu reviennes, mon fils » (2,1-2). Comme il serait significatif que, dans la Journée des Pauvres, cette préoccupation de Tobi soit aussi la nôtre ! Inviter à partager le déjeuner du dimanche, après avoir partagé la Cantine eucharistique. L'Eucharistie célébrée deviendrait réellement un critère de communion. D'ailleurs, si autour de l'autel du Seigneur nous sommes conscients d'être tous frères et sœurs, combien plus cette fraternité deviendrait visible en partageant le repas festif avec ceux qui sont privés du nécessaire !

Tobia fit ce que son père lui avait dit, mais il revint avec la nouvelle qu'un pauvre avait été tué et laissé au milieu de la place. Sans hésiter, le vieux Tobi se leva de table et alla enterrer cet homme. De retour à la maison fatigué, il s'endormit dans la cour ; il tomba sur les yeux de la bouse d'oiseaux et devint aveugle (cf. 2,1-10). Ironie du sort : faites un geste de charité et il vous arrive un malheur ! C'est ainsi que nous devons penser ; mais la foi nous enseigne d'aller plus en profondeur. L'aveuglement de Tobi deviendra sa force pour reconnaître encore mieux les nombreuses formes de pauvreté qui l'entouraient. Et le Seigneur veillera en son temps à rendre au vieux père la vue et la joie de revoir son fils Tobia. Quand ce jour est venu, « Tobi se jeta à son cou et pleura, disant : « Je te vois, fils, lumière de mes yeux ! ». Et il s'exclama : « Béni Dieu ! Béni soit son grand nom ! Bénis tous ses anges saints ! Soyez votre saint nom sur nous et bénissez vos anges pour tous les siècles. Car il m'a frappé, mais maintenant je contemplerai mon fils Tobia » (11,13-14).

3. Nous pouvons nous demander : d'où Tobi puise-t-il le courage et la force intérieure qui lui permettent de servir Dieu au milieu d'un peuple païen et d'aimer à ce point le prochain au risque de sa propre vie ? Nous sommes devant un exemple extraordinaire : Tobi est un époux fidèle et un père attentionné ; il a été déporté loin de sa terre et souffre injustement ; il est persécuté par le roi et ses voisins... Malgré son âme si bonne, il est mis à l'épreuve. Comme l'Écriture sainte nous l'enseigne souvent, Dieu n'épargne pas les épreuves à ceux qui font le bien. Pourquoi ? Il ne le fait pas pour nous humilier, mais pour que notre foi en Lui soit consolidée.

Tobi, au moment de l'épreuve, découvre sa propre pauvreté, qui le rend capable de reconnaître les pauvres. Il est fidèle à la Loi de Dieu et observe les commandements, mais cela ne lui suffit pas. L'attention active aux pauvres lui est possible parce qu'il a vécu la pauvreté sur sa propre peau. Ainsi, les paroles qu'il adresse à son fils Tobia sont son véritable héritage : « Ne détourne pas le regard de tout pauvre » (4,7). En somme, quand nous sommes devant un pauvre, nous ne pouvons pas tourner le regard ailleurs, parce que nous nous empêcherions de rencontrer le visage du Seigneur Jésus. Et nous remarquons bien cette expression « de chaque pauvre ». Chacun est notre prochain. Peu importe la couleur de la peau, la condition sociale, l'origine... Si je suis pauvre, je peux reconnaître qui est vraiment le frère qui a besoin de moi. Nous sommes appelés à rencontrer tout pauvre et tout type de pauvreté, en secouant chez nous l'indifférence et l'évidence avec lesquelles nous faisons bouclier à un illusoire bien-être.

4. Nous vivons un moment historique qui ne favorise pas l'attention envers les plus pauvres. Le volume des appels au bien-être s'accroît de plus en plus, tandis que le silence est mis sur les voix de ceux qui vivent dans la pauvreté. On a tendance à négliger tout ce qui n'entre pas dans les modèles de vie destinés surtout aux générations les plus jeunes, qui sont les plus fragiles face au changement culturel en cours. On met entre parenthèses ce qui est désagréable et provoque de la souffrance, tandis que l'on met en valeur les qualités physiques comme si elles étaient la destination principale à atteindre. La réalité virtuelle prend le pas sur la vie réelle et il arrive de plus en plus facilement que les deux mondes se confondent. Les pauvres deviennent des images qui peuvent émouvoir quelques instants, mais quand ils se rencontrent en chair et en os dans la rue, alors l'inconfort et la marginalisation prennent le dessus. La précipitation, quotidienne compagne de vie, empêche de s'arrêter, de secourir et de prendre soin de l'autre. La parabole du bon samaritain (cf. Lc 10,25-37) n'est pas un récit du passé, elle interpelle le présent de chacun de nous. Déléguer à d'autres est facile ; offrir de l'argent pour que d'autres fassent la charité est un geste généreux ; s'impliquer personnellement est la vocation de tout chrétien.

5. Nous remercions le Seigneur parce qu'il y a tant d'hommes et de femmes qui vivent le dévouement aux pauvres et aux exclus et le partage avec eux ; des personnes de tous âges et de toutes conditions sociales qui pratiquent l'accueil et s'engagent aux côtés de ceux qui se trouvent dans des situations de marginalisation et de souffrance. Ce ne sont pas des super-hommes, mais des « voisins » que nous rencontrons tous les jours et qui, dans le silence, se font pauvres avec les pauvres. Ils ne se contentent pas de donner quelque chose : ils écoutent, ils dialoguent, ils cherchent à comprendre la situation et ses causes, pour donner des conseils adéquats et justes. Ils sont attentifs au besoin matériel et aussi spirituel, à la promotion intégrale de la personne. Le Royaume de Dieu se rend présent et visible dans ce service généreux et gratuit ; il est réellement comme la graine tombée dans le bon terrain de vie de ces personnes qui porte son fruit (cf. Lc 8,4-15). La gratitude envers tant de bénévoles demande de se faire prier pour que leur témoignage puisse être fécond.

6. En ce 60e anniversaire de l'Encyclique Pacem in terris, il est urgent de reprendre les paroles du saint Pape Jean XXIII lorsqu’il écrivait : « Tout être humain a le droit à l'existence, à l'intégrité physique, aux moyens indispensables et suffisants pour un niveau de vie digne, en particulier en ce qui concerne l'alimentation, l'habillement, l'habitation, le repos, les soins médicaux, les services sociaux nécessaires ; et il a donc le droit à la sécurité en cas de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse, de chômage, et en tout autre cas de perte des moyens de subsistance pour des circonstances indépendantes de sa volonté » (no 6).

Quel travail nous avons encore à faire pour que ces paroles deviennent réalité, notamment grâce à un engagement politique et législatif sérieux et efficace ! Malgré les limites et parfois les manquements de la politique à voir et servir le bien commun, la solidarité et la subsidiarité de tant de citoyens qui croient en la valeur de l'engagement volontaire de dévouement aux pauvres peuvent se développer. Il s'agit certes de stimuler et de faire pression pour que les institutions publiques accomplissent bien leur devoir ; mais il ne sert à rien de rester passifs en attendant de tout recevoir « d'en haut » : ceux qui vivent dans la pauvreté doivent également être impliqués et accompagnés dans un parcours de changement et de responsabilité.

7. Une fois de plus, malheureusement, nous devons constater de nouvelles formes de pauvreté qui s'ajoutent à celles déjà décrites précédemment. Je pense en particulier aux populations qui vivent dans des lieux de guerre, en particulier aux enfants privés d'un présent serein et d'un avenir digne. Personne ne pourra jamais s'habituer à cette situation ; gardons vivante toute tentative pour que la paix s'affirme comme don du Seigneur Ressuscité et fruit de l'engagement pour la justice et le dialogue.

Je ne peux pas oublier les spéculations qui, dans divers secteurs, entraînent une augmentation dramatique des coûts qui rend de nombreuses familles encore plus pauvres. Les salaires s'épuisent rapidement, ce qui entraîne des privations qui portent atteinte à la dignité de chaque personne. Si, dans une famille, il faut choisir entre la nourriture pour se nourrir et les médicaments pour se soigner, alors il faut faire entendre la voix de ceux qui réclament le droit aux deux biens, au nom de la dignité de la personne humaine.

Comment ne pas relever, en outre, le désordre éthique qui marque le monde du travail ? Le traitement inhumain réservé à tant de travailleurs et travailleuses ; la rémunération inégale du travail accompli ; le fléau de la précarité ; les trop nombreuses victimes d'accidents, souvent à cause de la mentalité qui préfère le profit immédiat au détriment de la sécurité... Rappellent les paroles de saint Jean-Paul II : « Le premier fondement de la valeur du travail est l'homme lui-même. [...] L'homme est destiné et appelé au travail, mais avant tout le travail est « pour l'homme », et non l'homme « pour le travail » (Enc. Laborem exercens, 6).

8. Cette liste déjà dramatique ne rend compte que partiellement des situations de pauvreté qui font partie de notre quotidien. Je ne peux, en particulier, négliger une forme de malaise qui apparaît chaque jour plus évident et qui touche le monde des jeunes. Combien de vies frustrées, voire suicidaires, de jeunes gens, bercés par une culture qui les conduit à se sentir « inconcluants » et « ratés ». Aidons-les à réagir face à ces instigations néfastes, afin que chacun puisse trouver le chemin à suivre pour acquérir une identité forte et généreuse.

Il est facile, en parlant des pauvres, de tomber dans la rhétorique. C'est aussi une tentation insidieuse de s'arrêter aux statistiques et aux chiffres. Les pauvres sont des gens, ils ont des visages, des histoires, des cœurs et des âmes. Ils sont frères et sœurs avec leurs qualités et leurs défauts, comme tout le monde, et il est important d'entrer dans une relation personnelle avec chacun d'eux.

Le Livre de Tobie nous enseigne le caractère concret de notre action avec et pour les pauvres. C'est une question de justice qui nous engage tous à nous chercher et à nous rencontrer réciproquement, afin de favoriser l'harmonie nécessaire pour qu'une communauté puisse s'identifier comme telle. S'intéresser aux pauvres ne se limite donc pas à des aumônes hâtives ; il demande de rétablir les justes relations interpersonnelles qui ont été affectées par la pauvreté. Ainsi, « ne pas détourner le regard du pauvre » conduit à obtenir les bienfaits de la miséricorde, de la charité qui donne sens et valeur à toute la vie chrétienne.

9. Que notre attention envers les pauvres soit toujours marquée par le réalisme évangélique. Le partage doit correspondre aux besoins concrets de l’autre, et non me libérer de mon superflu. Ici aussi, il faut du discernement, sous la direction de l'Esprit Saint, pour reconnaître les vrais besoins des frères et non pas nos aspirations. Ce dont ils ont certainement besoin de toute urgence, c'est de notre humanité, de notre cœur ouvert à l'amour. N'oublions pas : « Nous sommes appelés à découvrir le Christ en eux, à leur prêter notre voix dans leurs causes, mais aussi à être leurs amis, à les écouter, à les comprendre et à accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux » (Evangelii gaudium, 198). La foi nous enseigne que tout pauvre est fils de Dieu et que le Christ est présent en lui ou en elle : « Tout ce que vous avez fait à un seul de mes frères les plus petits, vous l'avez fait à moi » (Mt 25,40).

10. Cette année marque le 150e anniversaire de la naissance de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus. Dans une page de son Histoire d'une âme, il écrit ainsi : « Je comprends maintenant que la charité parfaite consiste à supporter les défauts d'autrui, à ne pas s'étonner absolument de leurs faiblesses, à s'édifier dans les moindres actes de vertu que nous voyons pratiquer, mais surtout j'ai compris que la charité ne doit pas rester enfermée au fond du cœur : « Personne, a dit Jésus, n'allume un flambeau pour le mettre sous le boisseau, mais on le met sur le chandelier, afin qu'il éclaire tous ceux qui sont dans la maison ». Il me semble que ce flambeau représente la charité qui doit illuminer, réjouir non seulement ceux qui me sont les plus chers, mais tous ceux qui sont dans la maison, sans exception » (Ms C, 12r : Oeuvres complètes, Rome 1997, 247).

Dans cette maison qui est le monde, tout le monde a droit à être éclairé par la charité, personne ne peut en être privé. Que la ténacité de l'amour de Sainte-Thérèse puisse inspirer nos cœurs en cette Journée mondiale, nous aide à « ne pas détourner le regard du pauvre » et à le maintenir toujours fixe sur le visage humain et divin du Seigneur Jésus-Christ.

Rome, Saint Jean de Latran, 13 juin 2023, Mémoire de Saint Antoine de Padoue, patron des pauvres.

FRANÇOIS
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source : www.vatican.va
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http://www.papefrancois.fr
 
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