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 Le Pape exhorte à affronter les conflits pour promouvoir la paix

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Le Pape exhorte à affronter les conflits pour promouvoir la paix Empty
MessageSujet: Le Pape exhorte à affronter les conflits pour promouvoir la paix   Le Pape exhorte à affronter les conflits pour promouvoir la paix Icon_minitimeSam 18 Mai 2024 - 21:40

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Dans le cadre de sa visite pastorale à Vérone dans le nord de l’Italie, ce samedi 18 mai 2024, le Pape François a participé à l’«Arène de la paix», une grande conférence portant sur les divers défis mondiaux, et regroupant le travail de plus de 500 associations.

Visite à Vérone : Le Saint-Père préside la rencontre « Arènes de la paix - Justice et paix s’embrasseront »

[Multimédia]

1.LA PAIX DOIT ÊTRE ORGANISÉE (Table Démocratie Droits)
Question

Pape François, je suis Mahbouba Seraj, je suis venue ici, à l'Arène 2024, de Kaboul, en Afghanistan. J'ai toujours cru en Vous, Saint-Père : Vous êtes un homme de paix et Vous pouvez faire beaucoup. Ce que je conseille, c'est que, pour que Vous ayez plus de succès, Vous devrez préparer des institutions de paix, Vous devrez mettre tous vos efforts dans la constitution d'institutions de paix. Dans mon pays, l'Afghanistan, nous avons eu l'illusion de la démocratie, l'illusion de la paix. Depuis 44 ans, mon pays est en guerre et je voudrais savoir ce qu'on peut faire : Vous, Père, que nous conseillez-vous ? Mais pas seulement pour l'Afghanistan : Votre conseil éclairé vaut pour le monde entier. Comment pouvons-nous faire fonctionner l'œuvre de paix ? Et nous sommes tous à Vos côtés, dans cette entreprise.

Traduction des vers qui ont été prononcés par Mahbouba Seraj :

« La mosquée, La Mecque, le Temple, ce ne sont que des excuses. La vie de Dieu est dans ta maison. »

Réponse

La question porte sur le type de leadership qui peut mener à bien cette tâche que tu as exprimée si profondément. La culture fortement marquée par l'individualisme – et non par une communauté – risque toujours de faire disparaître la dimension communautaire : là où il y a un fort individualisme, la communauté disparaît. Et cela, si nous passons aux termes politiques et démographiques, est peut-être la racine des dictatures. Ainsi va-t-il. Disparaissent la dimension communautaire, la dimension des liens vitaux qui nous soutiennent et nous font avancer. Et cela produit inévitablement des conséquences sur la manière dont on comprend l'autorité. Celui qui occupe un rôle de responsabilité dans une institution politique, ou dans une entreprise ou dans une réalité d'engagement social, risque de se sentir investi du devoir de sauver les autres comme s'il était un héros. Et cela fait beaucoup de mal, cela empoisonne l'autorité. Et c'est l'une des causes de la solitude que tant de personnes en position de responsabilité avouent éprouver, ainsi que l'une des raisons pour lesquelles nous sommes témoins d'un désengagement croissant. Si l'idée que nous avons du leader est celle d'un solitaire, au-dessus de tous les autres, appelé à décider et à agir pour eux et en leur faveur, alors nous adoptons une vision appauvrie et appauvrissante, qui finit par épuiser les énergies créatives de celui qui est leader et par rendre stérile l'ensemble de la communauté et de la société. Les psychiatres disent que l'une des agressions les plus subtiles est l'idéalisation : c'est une manière d'agresser.

C'est une vision bien éloignée de celle exprimée par le dicton bantou : « Je suis parce que nous sommes. » La sagesse de ce dicton réside dans le fait que l'accent est mis sur le lien entre les membres d'une communauté : « Nous sommes, je suis. » Personne n'existe sans les autres, personne ne peut tout faire seul. Alors l'autorité dont nous avons besoin est celle qui avant tout est capable de reconnaître ses propres points forts et ses propres limites, et donc de comprendre à qui s'adresser pour obtenir de l'aide et de la collaboration. L'autorité est essentiellement collaborative ; sinon, ce sera de l'autoritarisme et de nombreuses maladies en découleront. L'autorité pour construire des processus solides de paix sait en effet valoriser ce qu'il y a de bon en chacun, sait faire confiance, et ainsi permet aux personnes de se sentir elles aussi capables d'apporter une contribution significative. Ce type d'autorité favorise la participation, que l'on reconnaît souvent comme étant insuffisante tant en quantité qu'en qualité. Participation : n'oubliez pas ce mot. Nous travaillons tous, nous participons tous à l'œuvre que nous menons. Une bonne participation que vous décrivez ainsi : « Expression de questions et proposition de réponses collectives à des critiques et des aspirations, productrice de culture et de nouvelles visions du monde, énergie civile qui rend les individus et les communautés protagonistes de leur propre avenir » (Document Démocratie). Dans une société ou dans un pays ou dans une ville, même dans une petite entreprise, s'il n'y a pas de participation, les choses ne fonctionnent pas, car nous sommes communauté, nous ne sommes pas solitaires. N'oubliez pas ce mot : participation. C'est important.

Et un grand défi aujourd'hui est de réveiller chez les jeunes la passion de la participation. Il y a un petit mot que nous oublions lorsque nous disons : « Je le fais », « J'irai »… Quel est ce petit mot ? Ensemble. Cette force de l'ensemble, la participation est cela. Il faut investir dans les jeunes, dans leur formation, pour transmettre le message que la route vers l'avenir ne peut pas passer seulement par l'engagement d'un individu, aussi animé soit-il des meilleures intentions et de la préparation nécessaire, mais passe par l'action d'un peuple – le peuple est le protagoniste, n'oublions pas cela –, où chacun fait sa part, chacun selon ses tâches et selon ses capacités. Et je vous poserais une question : dans un peuple, le travail de l'ensemble est-il la somme du travail de chacun ? Seulement cela ? Non, c'est plus ! C'est plus. Un plus un fait trois : c'est le miracle de travailler ensemble.

2.LA PAIX DOIT ÊTRE PROMUE (Table Migrations)
Question

João Pedro Stédile : Pape François, je vous apporte une forte étreinte de tout le peuple « sans Terre » du Brésil : nous sommes unis et nous prions pour vous. Je porte aussi les paroles de notre évêque des Sans Terre, l'évêque Pedro Casaldáliga Plá, qui malheureusement n'est plus avec nous. Il nous a dit : « Maudites soient toutes les clôtures, maudites soient toutes les propriétés privées qui nous empêchent de vivre et d'aimer. Merci.

Pape François, je suis Elda Baggio, travailleuse humanitaire de « Médecins sans frontières » et je suis ici avec João Pedro Stédile, qui nous a rejoints du Brésil et porte avec lui toute la sagesse et l'expérience du Mouvement des sans terre. La paix et la construction de la paix nous tiennent également à cœur et nous avons expérimenté que le premier pas consiste à se mettre du côté des migrants, des victimes, à les écouter, à les laisser se raconter et faire entendre leur voix. Vivre tout cela désarme cependant nos cœurs, nos regards, nos esprits et rend évidentes les injustices qui existent. Mais ce n'est pas un pas facile à faire : comment vivre cette conversion de perspective, ce changement de perspective ? Que pouvons-nous faire pour nous y aider ?

Réponse

C'est justement l'Évangile qui nous dit de nous mettre du côté des petits, du côté des faibles, du côté des oubliés. L'Évangile nous dit cela. Et Jésus, par le geste du lavement des pieds qui renverse les hiérarchies conventionnelles, nous dit la même chose. C'est toujours Lui qui appelle les petits et les exclus et les place au centre, les invite à être au milieu des autres, les présente à tous comme témoins d'un changement nécessaire et possible. Par ses actions, Jésus brise les conventions et les préjugés, rend visibles les personnes que la société de son temps cachait ou méprisait. Cela est très important : ne pas cacher les limitations. Il y a des personnes très limitées, physiquement, spirituellement, socialement, économiquement… Ne pas cacher les limitations. Jésus ne les cachait pas. Et Jésus le fait sans vouloir se substituer à elles, sans les instrumentaliser, sans les priver de leur voix, de leur histoire, de leur vécu. J'aime quand je vois des personnes avec des limitations physiques participer aux rencontres, comme dans ce cas, parce que Jésus ne les cachait pas, c'est la vérité. Chacun a sa propre voix, que ce soit en parlant avec la langue ou en parlant avec sa propre existence. Chacun de nous a sa propre voix. Et souvent nous ne savons pas l'écouter parce que nous pensons chacun à ses propres choses ou, pire encore, nous passons toute la journée avec le téléphone et cela nous empêche de voir la réalité : souvent, non ?

Comme vous l'avez écrit dans le document de l'une de vos tables de travail, pour mettre fin à toute forme de guerre et de violence, il faut être aux côtés des petits, respecter leur dignité, les écouter et faire en sorte que leur voix puisse se faire entendre sans être filtrée. Toujours proche des petits, pour que leur voix se fasse entendre. Rencontrer les petits et partager leur douleur. Et prendre position à leurs côtés contre les violences dont ils sont victimes, en sortant de cette culture de l'indifférence qui se justifie tant.

Une question – je sais que vous savez cela – : avons-nous pensé aujourd'hui à combien d'enfants sont contraints de travailler, des travaux d'esclaves, pour gagner leur vie ? Les petits… Cet enfant qui n'a peut-être jamais eu de jouet parce qu'il doit aller ici, là, là-bas pour gagner son pain, peut-être dans les décharges à chercher des choses à vendre… Il y en a beaucoup, d'enfants ainsi, qui ne savent pas jouer parce que la vie les a contraints à vivre ainsi. Les petits : les petits souffrent. Et souffrent-ils à cause du mauvais temps ? Non, à cause de nous. Nous sommes responsables. « Non, Père, pas moi, parce que je suis… » Nous sommes tous responsables, tous responsables de tous. Mais aujourd'hui, je pense que le « prix Nobel » que nous pouvons donner à beaucoup, à beaucoup d'entre nous, est le « prix Nobel » de Ponce Pilate, car nous sommes des maîtres dans l'art de nous laver les mains.

Voilà, c'est cette conversion qui change notre vie, la conversion qui change le monde. Une conversion qui concerne chacun de nous individuellement, mais aussi en tant que membres des communautés, des mouvements, des réalités associatives auxquelles nous appartenons, et en tant que citoyens. Et elle concerne aussi les institutions, qui ne sont ni externes ni étrangères à ce processus de conversion. Le premier pas est de reconnaître que ce n'est pas nous qui sommes au centre… [voit un vieil homme marcher au centre de l'Arène]… au centre, il y a ce vieillard : il est aussi important que chacun de nous. Ce ne sont pas nos visions, nos idées qui sont au centre. Et ensuite, accepter que notre mode de vie en sera inévitablement affecté et modifié. Lorsque nous sommes aux côtés des petits, nous sommes « dérangés ». Les petits nous dérangent, car ils touchent, touchent le cœur. Marcher avec les petits nous oblige à changer de rythme, à revoir ce que nous portons dans notre sac à dos, pour nous alléger de nombreux poids et fardeaux et faire de la place à des choses nouvelles. Alors il est important de vivre tout cela non comme une perte, mais comme un enrichissement, une taille judicieuse, qui enlève ce qui est sans vie et valorise ce qui est prometteur. Une taille n'est pas une perte : elle est douloureuse, oui, au moment, elle te retire quelque chose, mais c'est une chose qui te donne la vie. Nous devons vivre la proximité avec les petits comme une taille. Regardons la liste des petits, des nombreux « petits » que nous avons. Et pensons à une catégorie que nous avons tous dans la famille, les petits dans le sens, disons, de diminués par l'âge : pensons aux grands-parents. Il me vient à l'esprit une histoire très belle qui n'est pas une chose qui s'est produite historiquement, c'est un récit. Il y a une belle famille – papa, maman, enfants – et avec eux vivait le grand-père : un vieil homme, déjà, et il mangeait avec eux. Mais le grand-père, en vieillissant, prenait la soupe ainsi [fait le geste avec la main tremblante] et se salissait tout. À un moment donné, le papa a dit, un jour : « Demain, le grand-père commencera à manger à la cuisine, parce qu'il mange mal, et nous pourrons ainsi inviter des gens avec nous ». Le jour suivant, le grand-père a commencé à manger à la cuisine. La semaine suivante, le papa rentre à la maison, et il y a l'enfant de cinq ans qui joue, et il joue avec des bois, des morceaux de bois… « Mais que fais-tu ? » – « Ah, une petite table, papa ! » – « Une petite table ? Pourquoi ? » – « Pour toi, quand tu seras vieux ». Faisons attention aux anciens : les anciens sont la sagesse. N'oublions pas cela. Je le dis avec douleur : cette société cache souvent les anciens, abandonne les anciens. Merci.

3.LA PAIX DOIT ÊTRE SOIGNÉE (Table Environnement/Création)
Question

Je m'appelle Vanessa Nakate, je suis une militante ougandaise, une militante pour le climat. La première fois que j'ai vu le Pape, c'était lorsqu'il est venu en visite dans mon pays. Je l'ai vu dans sa Papa mobile, j'ai dit : Je suis contente, même si nous sommes séparés par une vitre, mais au moins je l'ai vu. Je n'aurais jamais imaginé que neuf ans plus tard je serais sur la même scène que lui… c'est vraiment un honneur, un honneur infini ! Il n'est pas nécessaire de triompher comme des sujets individuels, mais comme l'humanité, comme une collectivité ; une planète vivable est une solution optimale pour tous, pas pour certains.

Annamaria Panarotto :
Voici que je relis le verset que Vanessa vient de dire : Nous n'avons pas besoin de gagner comme individus, nous devons gagner ensemble comme humanité ! Une planète saine et vivable est une victoire pour tous, pas seulement pour certains ! Voici, cher Pape François, je suis l'une des mamans No-Pfas de la Vénétie. Les mamans se font entendre, toujours ! Un groupe qui est engagé depuis de nombreuses années contre la pollution des eaux ici en Vénétie qui a rendu nos enfants malades et je suis ici avec Vanessa Nakate, jeune et courageuse gardienne de la maison commune venue d'Ouganda. La paix se fait ensemble. Il ne peut pas y avoir de paix entre les êtres humains si les hommes et les femmes ne font pas la paix avec la Création. Construire des relations de justice entre tous les êtres vivants prend du temps. Comment le retrouver à cette époque marquée par la vitesse et l'immédiateté ? Ensuite, cher Pape François, je voulais dire qu'aujourd'hui, nous sommes nombreux, très nombreux, et nous sommes tous des artisans de paix, nous sommes des représentants de groupes, de mouvements, d'associations, d'Églises, mais nous voulons être et rester des artisans de paix. Mais nous ressentons aussi l'urgence presque de contraindre la politique à avoir des visions différentes, à donner des réponses plus immédiates. Alors je voulais vous demander si vous pouvez nous aider et comprendre quelles étapes suivre…

Réponse

Merci ! J'ai aimé… surtout j'ai aimé ton « mais ». Merci ! Je regarde ce panneau : « Démilitarisons les esprits et les territoires ». Nous parlons de paix, mais vous savez que les actions qui sont les plus rentables dans certains pays sont celles des usines d'armes ? C'est moche, c'est moche. Et ainsi, nous ne pouvons pas démilitariser, car c'est une affaire très lucrative. Vous regardez la liste des pays qui fabriquent des armes, et vous voyez un peu quelle belle affaire c'est. Préparer pour la mort. Quelle chose horrible ! Et ton « mais » pointe du doigt cette situation de contradiction.

Dans notre société, nous vivons cette tension : d'un côté, tout nous pousse à agir rapidement, nous sommes habitués à avoir une réponse immédiate à nos demandes et nous devenons impatients si un retard se produit. Par exemple, la révolution numérique des dernières années nous a permis d'être constamment connectés, de pouvoir communiquer facilement avec des personnes très éloignées, de pouvoir travailler à distance. Nous devrions avoir plus de temps à notre disposition et pourtant nous nous rendons compte que nous sommes toujours pressés, courant après l'urgence de la dernière minute. D'un autre côté, nous sentons que tout cela n'est pas naturel. C'est « belliqueux », c'est la guerre, ce n'est pas naturel. Dans notre société, on respire un air fatigué, il y a de la fatigue dans l'air, beaucoup ne trouvent pas de raisons de poursuivre leurs activités quotidiennes, accablés par la sensation d'être toujours en retard, comme piégés dans la répétition de ce que l'on fait, car on n'a pas la force ou le temps de chercher une harmonie. La paix ne s'invente pas du jour au lendemain. La paix doit être soignée. Si nous ne soignons pas la paix, il y aura la guerre, des petites guerres, des grandes guerres. La paix doit être soignée, et aujourd'hui dans le monde, il y a ce péché grave : ne pas soigner la paix ! Le monde est en course, il faudrait parfois savoir ralentir la course et ne pas nous laisser submerger par les activités et faire de la place en nous à l'action de Dieu, à l'action des frères, à l'action de la société qui cherche le bien commun.

« Ralentir » peut sembler un mot hors de propos, en réalité, c'est une invitation à recalibrer nos attentes et nos actions. Il s'agit de faire une « révolution » au sens astronomique : aller chercher la paix, et comment faire cela ? Toujours avec le dialogue : la paix se fait dans le dialogue. Reconnaître les autres, les respecter avec sagesse. Le grand défi que nous avons devant nous est celui d'aller à contre-courant pour redécouvrir et préserver des contextes où tout cela soit possible de le vivre avec les autres. Et nous ne devons pas tout inventer à partir de zéro, nous devons prendre en charge l'histoire.

Souvent, les guerres viennent de l'impatience de faire vite les choses et de ne pas avoir la patience de construire la paix, lentement, avec le dialogue. La patience est le mot que nous devons répéter continuellement : la patience pour faire la paix. Et si quelqu'un – nous le voyons dans la vie naturelle – si quelqu'un t'insulte, tu as tout de suite envie de lui dire le double, puis le quadruple et ainsi, l'agression se multiplie, les agressions se multiplient. Nous devons arrêter, arrêter l'agression. Une fois – c'était une scène très amusante – il y avait une personne qui est allée acheter quelque chose, et il semble qu'on ne lui donnait pas le bon prix, alors il a crié de tout, il a crié de tout. Et le commerçant l'a écouté et quand celui-ci a fini de crier, il lui a dit : « Monsieur, avez-vous fini ? » – « Oui, j'ai fini ! » – « Allez faire un tour. » Il ne l'a pas dit avec ces mots, avec des mots plus forts, mais il l'a envoyé faire une promenade. Quand nous voyons que les choses commencent à chauffer, arrêtons-nous, faisons une promenade ou disons un mot, et les choses iront mieux. S'arrêter à temps, s'arrêter à temps !

4.LA PAIX DOIT ÊTRE EXPÉRIMENTÉE (Désarmement)
Question

[Sergio Paronetto] Quelques vers d'une personne très active dans nos Arènes précédentes : Giulio Girardello, prêtre missionnaire, poète, amour de Giulio Battistella, autre témoin et promoteur des Arènes. Je voudrais cependant préambuler en 30 secondes, Pape François, une chose. Je voudrais vous dire, au nom de beaucoup, notre merci pour votre courage. Je voudrais vous dire que nous vous sommes proches, que nous voulons vous aider parce qu'en vous aidant, nous nous aidons nous-mêmes, nous aidons le monde à devenir humain, et nous sommes coresponsables en marchant à vos côtés.

Giulio disait : « Seules des mains plantées dans le sentiment du monde naît la paix. Je n'ai que deux mains et le sentiment du monde pour faire la paix. »

[Andrea Riccardi] Je voudrais dire qu'être ici ressemble à un rêve : un peuple, avec le Pape François, qui croit en la paix. Cependant, le monde est différent, le monde est très différent car il y a des guerres, et nous le savons : des guerres ouvertes, et nous nous sommes mis du côté des victimes qui sont nombreuses. Mais aussi dans ce monde, il y a une absence de pensées et de plans de paix qui frustrent les espoirs de la fin de la guerre de nombreux peuples. Vous voyez, Pape François, la paix est bannie comme une naïveté, en fait, comme vous le dites : la paix est devenue un gros mot, et c'est extrêmement triste car la paix est la vie de tous, la paix est une grande bénédiction. Mais l'alternative existe : nous devons avouer que beaucoup, hommes et femmes ordinaires, se sentent impuissants, ne savent pas quoi faire, et l'impuissance génère de l'indifférence et l'indifférence devient finalement, aussi, un consentement, une complicité à des décisions erronées, à des chemins de guerre, ce qui est vraiment dramatique. Alors, ce que nous voulions vous demander, c'est : comment être, en ce moment si complexe, des artisans de paix, des médiateurs même face aux conflits proches et lointains ? Merci.

Réponse

Merci. Merci pour vos réflexions. S'il y a de la vie, s'il y a une communauté active, s'il y a une dynamique positive dans la société, alors il y a aussi des conflits et des tensions. C'est un fait : l'absence de conflit ne signifie pas qu'il y ait la paix, mais qu'on a cessé de vivre, de penser, de se dévouer à ce en quoi on croit. Il y a un dicton espagnol qui dit : « L'eau stagnante est la première à pourrir, à se décomposer. » Les personnes immobiles sont les premières à tomber malades.

Dans notre vie, dans nos réalités, dans nos territoires, nous serons toujours appelés à faire face aux tensions et aux conflits. Devant cela, on ne peut pas rester immobile : tu dois faire un choix, tu dois être créatif. Un conflit est justement un défi à la créativité. D'un conflit, on ne peut jamais sortir, d'abord, seul : d'un conflit, tu ne sortiras jamais seul, il faut la communauté, il faut l'aide à la fois de la famille, des amis, mais jamais d'un conflit, on ne peut sortir seul. Et, ensuite, d'un conflit, on ne sort que « par le haut ». Sinon, tu iras en bas. Le conflit a quelque chose de labyrinthique : d'un labyrinthe, tu ne peux pas sortir seul, il faut au moins le fil, celui d'Ariane, qui t'aidera ensuite à sortir. Et d'un conflit, on sort pour être meilleur, « par le haut ». D'un conflit, on ne peut pas sortir avec de l'anesthésie, non, d'un conflit, il faut sortir avec du réalisme : je suis dans le labyrinthe ; nous devons être capables de nommer les conflits, de les prendre en main et de sortir, de sortir par le haut et de sortir accompagné, au moins avec le fil. Dans notre vie, nous serons toujours appelés à faire des progrès avec les conflits, à dialoguer avec les conflits.

Souvent, nous sommes tentés de penser que la solution pour sortir des conflits et des tensions est celle de leur suppression. Non ! Je les ignore, je les cache, je les marginalise. Non. C'est une bombe à retardement. Ce faisant, j'ampute la réalité d'un morceau gênant mais aussi important. Nous savons que le résultat final de cette façon de vivre les conflits est celui d'augmenter les injustices et de générer des réactions de mal-être, de frustration, qui peuvent se traduire également par des gestes violents. Et cela, nous le voyons aussi en politique, dans la société. Lorsque dans la politique, toute politique, les conflits sont cachés, ils éclatent ensuite, et éclatent mal. Il n'y a pas d'harmonie. Ni en famille, ni dans la société, les conflits ne peuvent être cachés. C'est pourquoi, lorsqu'il y a des problèmes en famille, nous devons en parler pour les clarifier. Et lorsqu'il y a des problèmes dans la société, nous devons les partager pour les résoudre. Mais seul, on ne s'en sort pas.

Une autre réponse à court souffle est celle de chercher à résoudre les tensions en faisant prévaloir l'un des pôles en jeu, et c'est un suicide, car cela réduit la pluralité des positions à une perspective unique. Aujourd'hui, l'Évêque m'a montré l'acte de naissance d'un grand, Romano Guardini, qui est né ici à Vérone. Il disait que les conflits se résolvent toujours sur un plan supérieur, car ainsi les conflits se transforment en levain de nouvelle culture, de nouvelles choses pour aller de l'avant. L'uniformité est une impasse : au lieu d'avancer, on va en bas ; l'uniformité ne sert à rien, ce qui sert, c'est l'unité, et pour atteindre l'unité, il faut travailler avec les conflits. Lorsque l'on a peur de la pluralité, on peut dire que cette famille, cette société se suicide psychologiquement et culturellement.

Le premier pas à faire pour vivre sainement les tensions et les conflits est de reconnaître qu'ils font partie de notre vie, ils sont physiologiques, tant qu'ils ne dépassent pas le seuil de la violence. Donc, ne pas en avoir peur : bienvenus, pour les résoudre. Ne pas en avoir peur. Ne pas craindre s'il y a des idées différentes qui se confrontent et peut-être se heurtent. Dans ces situations, nous sommes appelés à un exercice différent. Se laisser interpeller par le conflit, se laisser provoquer par les tensions, pour nous mettre en recherche : comment résoudre, comment aller à la recherche de l'harmonie. C'est un travail auquel nous ne sommes pas habitués : et pourtant, c'est la richesse, c'est la richesse sociale, cela, à la fois de la famille et de la société. Y a-t-il des conflits ? Allons, parlons des conflits, confrontons-nous pour les résoudre. S'il vous plaît, ne craignez pas les conflits, qu'ils soient familiaux ou sociaux. Et il est clair que si je n'ai pas peur du conflit, je suis porté à dialoguer. Et le dialogue nous aide à résoudre les conflits, toujours. Mais le dialogue, ce n'est pas arriver à l'égalité, non, car chacun a sa propre idée ; mais il nous fait partager la pluralité. Le péché des régimes politiques qui ont fini en dictatures est qu'ils n'admettent pas la pluralité ; et la pluralité est dans la société plus grande comme en famille : la belle-mère avec la belle-fille – belle chose à résoudre, non ? –, mais ce conflit familial doit être résolu comme un conflit mondial doit être résolu. Nous devons apprendre à vivre avec les conflits : lorsque les enfants adolescents commencent à demander des choses que nous ne sommes pas habitués à leur donner, il y a un conflit familial : les écouter, dialogue

. Le père dialogue avec les enfants, la mère dialogue avec les enfants, les citoyens dialoguent entre eux… Le dialogue. Et les conflits te font progresser. Une société sans conflit est une société morte ; une société où les conflits sont cachés est une société suicidaire ; une société où l'on prend les conflits en main et où l'on dialogue est une société tournée vers l'avenir.

5.LA PAIX DOIT ÊTRE PRÉPARÉE (Table Travail et Économie)
Question

C’est un grand honneur, Pape François, d’être ici. Vous êtes un leader de la paix. Nous sommes ici avec 12 000 bâtisseurs de paix. Nous vous apportons des paroles de paix de la Terre Sainte.

Roberto Romano :
Je vais essayer de rendre efficace ce qui a été dit, car en italien, ce n’est pas la même chose : « Je lève les yeux avec espoir, non à travers le viseur des fusils, chante une chanson pour l'amour, pas pour la guerre ! Ne dis pas que le jour viendra, apporte ce jour car c’est un rêve en toi ; et dans toutes les places de la ville, vraiment dans toutes, on soutient seulement la paix ! »
C’était le premier poème, cantique, éloge à l’espoir. Maintenant, il y a une deuxième représentation de ce que nous pouvons voir pas à pas : « Demain, les citrons fleuriront, tes yeux danseront, et tes enfants joueront encore et pères et enfants se rencontreront. Ma ville, oui, vraiment ma ville, la ville de la paix est la ville des oliviers. »

Pape François, je m’appelle Maoz Inon, je viens d’Israël et mes parents ont été tués par le Hamas. Pape François, je m’appelle Aziz Sarah, je viens de Palestine et cette guerre et les soldats israéliens m’ont pris mon frère. Notre douleur, notre souffrance nous ont rapprochés, nous ont amenés à dialoguer pour créer un avenir meilleur. Nous sommes entrepreneurs et croyons que la paix est la plus grande entreprise à réaliser. Nous sommes ici avec Roberto Romano qui partage nos idées. Il ne peut y avoir de paix sans une économie de paix. Une économie qui ne tue pas, qui ne produit pas de guerre, une économie basée sur la justice ; et nous demandons : comment les jeunes peuvent-ils devenir entrepreneurs de paix quand les lieux de formation sont souvent influencés par des paradigmes technocratiques et par la culture du profit à tout prix ?

Réponse

Je crois que devant la souffrance de ces deux frères, qui est la souffrance de deux peuples, il n'y a rien à dire…, il n'y a rien à dire. Ils ont eu le courage de s'embrasser. Et ce n'est pas seulement du courage et un témoignage de vouloir la paix, mais c'est aussi un projet pour l'avenir. S'embrasser. Tous deux ont perdu des membres de leur famille, la famille est brisée par cette guerre. À quoi sert la guerre ? S'il vous plaît, faisons un petit moment de silence, car on ne peut pas parler trop de cela, mais « sentir ». Et en regardant l'étreinte de ces deux-là, chacun de son cœur prie le Seigneur pour la paix, et prend une décision intérieure de faire quelque chose pour que les guerres finissent. En silence, un moment…

Et pensons aux enfants dans cette guerre, dans tant de guerres… Quel avenir auront-ils ? Je pense aux enfants ukrainiens qui viennent à Rome : ils ne savent pas sourire. Les enfants dans la guerre perdent le sourire. Et pensons aux vieux qui ont travaillé toute leur vie pour faire avancer ces deux pays, et maintenant… Une défaite, une défaite historique et une défaite pour nous tous. Prions pour la paix, et disons à ces deux frères qu'ils portent ce désir et cette volonté de travailler pour la paix à leur peuple. Merci, frères !

Intervention conclusive du Saint-Père

Nous avons écouté les femmes. Et le monde a besoin de regarder les femmes pour trouver la paix. Ce sont les mamans.

Les témoignages de ces courageuses bâtisseuses de ponts entre Israéliens et Palestiniens le confirment.

Je suis de plus en plus convaincu que « l'avenir de l'humanité n'est pas seulement entre les mains des grands leaders, des grandes puissances et des élites. Il est surtout entre les mains des peuples – les peuples ! –, dans leur capacité à s'organiser et aussi entre leurs mains qui arrosent, avec humilité et conviction, ce processus de changement » (Discours à la IIe Rencontre mondiale des mouvements populaires, Santa Cruz de la Sierra, 9 juillet 2015). Le peuple doit prendre conscience de lui-même et agir comme un peuple, agir avec cette volonté de faire la paix.

Vous, cependant, tisserandes et tisserands de dialogue en Terre Sainte, s'il vous plaît, demandez aux leaders mondiaux d'écouter votre voix, de vous impliquer dans les processus de négociation, pour que les accords naissent de la réalité et non des idéologies. Rappelons-nous que les idéologies n'ont pas de pieds pour marcher, n'ont pas de mains pour soigner les blessures, n'ont pas d'yeux pour voir les souffrances de l'autre. La paix se fait avec les pieds, les mains et les yeux des peuples impliqués, tous ensemble.

La paix ne sera jamais le fruit de la méfiance, le fruit des murs, des armes pointées les uns contre les autres. Saint Paul dit : « Chacun récoltera ce qu'il aura semé » (Gal 6,7). Frères et sœurs, nos civilisations en ce moment sèment la destruction, la peur. Semons, frères et sœurs, l'espérance ! Soyons des semeurs d'espérance ! Chacun cherche la manière de le faire, mais semeurs d'espérance, toujours. C'est ce que vous faites aussi, dans cette Arène de la Paix : semer l'espérance. Ne cessez pas. Ne vous découragez pas. Ne devenez pas des spectateurs de la guerre prétendue « inévitable ». Non, spectateurs d'une guerre prétendue inévitable, non. Comme disait l'évêque Tonino Bello : « Debout tous, bâtisseurs de paix ! » Tous ensemble. Merci.

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[1] Discours au Mouvement Eucharistique des Jeunes, 7 août 2015.

[2] « Dans un parcours d'écologie intégrale, on met au centre la valeur propre de chaque créature, en relation avec les personnes et la réalité qui l'entoure, et on propose un style de vie qui rejette la culture du déchet » (Message pour le lancement du Pacte Éducatif Global, 12 septembre 2019).
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Source : www.vatican.va
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http://www.papefrancois.fr
 
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