Le secrétaire d’État du Saint-Siège s’est exprimé, ce jeudi 14 décembre 2023, à l’occasion du Forum mondiale sur les réfugiés, organisé par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés du 13 au 15 décembre à Genève. Transmettant un message du Pape, le cardinal a rappelé que la protection et la sauvegarde de la vie humaine devait «rester notre priorité absolue».
Message du Saint-Père au deuxième Forum mondial sur les réfugiés
lu par S.Em. le Cardinal Secrétaire d'État Pietro Parolin
[Genève, 13-15 décembre 2023] :
J’ai l’honneur de vous transmettre le Message que Sa Sainteté le Pape François a envoyé pour cette occasion :
[Monsieur le Secrétaire Général,]
Honorable Haut-Commissaire,
Distingués co-organisateurs et co-responsables,
Chers participants,
Je vous adresse mes cordiales salutations à tous, et vous souhaite plein succès dans cette importante réunion, qui nous permet de faire une pause et de réfléchir au chemin parcouru quatre ans après le premier Forum mondial sur les réfugiés.
Tout d’abord, le simple fait que nous soyons réunis ici aujourd’hui montre notre engagement clair à résoudre la détresse des réfugiés comme une responsabilité partagée. C’est un signe d’espoir qui s’ajoute aux nombreux signes positifs que je rencontre chaque jour : des pays et des communautés d’accueil qui ont gardé leurs frontières et leurs cœurs ouverts pour accueillir les réfugiés ; les mains tendues de ceux qui sauvent des vies en mer, dont beaucoup offrent la solidarité dans les centres d’accueil ; les yeux pleins de vie et d’espoir des migrants qui veulent changer leur vie et contribuer aux sociétés où ils déménagent ; et chacun de nous qui considère encore la coopération comme la solution clé aux problèmes mondiaux.
Avant de discuter des défis des réfugiés, nous ne devrions jamais oublier que chacun devrait être libre de choisir s’il veut ou non migrer. Chacun devrait avoir la possibilité de vivre une vie digne dans son propre pays.[1]
Malheureusement, « nos propres jours [...] semblent montrer des signes d’une certaine régression ».[2] Aujourd’hui, près de 114 millions de personnes sont déplacées de force, beaucoup à l’intérieur de leur propre pays, en raison de conflits, de violences et de persécutions, y compris sur la base de croyances religieuses, ainsi que des effets du changement climatique. Ces facteurs sont devenus de plus en plus complexes, et pourtant nos réponses n’ont pas adéquatement traité ces défis émergents et pressants. En conséquence, nous continuons à pleurer les innombrables vies perdues sur terre et en mer pendant que ces personnes cherchaient une protection ou fuyaient un avenir sans espoir.
La protection et le sauvetage de vies humaines doivent rester notre priorité absolue. Aujourd’hui, nous sommes submergés par une abondance de nouvelles et de statistiques, et nous oublions souvent que derrière ces chiffres il y a des visages humains, chacun avec sa propre histoire et sa propre souffrance. Chaque nombre représente l’un de nos frères et sœurs qui a besoin d’aide.
Par conséquent, le principe du retour volontaire et sûr de ceux qui sont forcés de fuir doit être strictement respecté. Personne ne devrait être rapatrié dans un pays où il pourrait être confronté à de graves violations des droits de l’homme ou même à la mort. À l’inverse, « nous sommes tous appelés à créer des communautés prêtes et ouvertes pour accueillir, promouvoir, accompagner et intégrer ceux qui frappent à nos portes »[3].
À cette fin, nous devons reconnaître que le fait d'être réfugié ne devrait pas être une simple attribution d'un statut, mais une reconnaissance de la pleine dignité humaine donnée par Dieu. En tant que membres de la même famille humaine, chaque individu mérite un endroit à appeler sa maison. Cela signifie avoir de la nourriture, un accès aux soins de santé et à l'éducation, et un travail décent. Cependant, cela signifie également avoir une place où vous êtes compris et inclus, aimé et soigné, où vous pouvez participer et contribuer. Les réfugiés sont des personnes avec des droits et des devoirs, et pas seulement des objets d'assistance. Ils ne peuvent peut-être pas toujours choisir quand déménager, mais lorsque les circonstances l'imposent, il ne faut pas leur refuser un nouveau départ, où leurs talents et leurs compétences deviennent une ressource pour les communautés d'accueil. Ce n’est qu’en incluant les réfugiés dans la solution que ceux-ci peuvent s’épanouir en tant qu’êtres humains et semer leurs graines dans le lieu où ils vivent.
Reconnaissant les progrès accomplis et le travail qui reste à faire, nous sommes à un moment crucial, celui de choisir « soit la culture de l'humanité et de la fraternité, soit la culture de l'indifférence »[4]. La décision est vitale, car « l’histoire nous met au défi de faire un saut de conscience pour empêcher le naufrage de la civilisation ».[5] Puisse ce Forum mondial donner l’exemple d’un multilatéralisme adapté à notre époque.
J’espère donc sincèrement que ce Forum s’efforcera de raviver à la fois « l’esprit » et « la vision » de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, tout en saisissant l’occasion de réaffirmer les principes de fraternité, de solidarité et de non-refoulement grâce à une plus grande coopération internationale et à un partage des responsabilités, allégeant ainsi la pression sur les pays d’accueil de réfugiés.
Ayant à l’esprit et au cœur que nous sommes tous responsables les uns des autres, j’invoque les bénédictions de Dieu sur tous les participants au deuxième Forum mondial sur les réfugiés, sur les États et les organisations présents aujourd’hui, et sur tous les réfugiés et leurs familles.