Aux prêtres hispaniques: «recherchez l'humilité pastorale»

Le Souverain pontife a reçu, ce jeudi 16 novembre 2023, au Vatican, la délégation des prêtres hispaniques travaillant aux États-Unis. François dans son discours les a invités à «s’abandonner à Celui qui vous a appelés à vous donner, et qui ne demande que fidélité et constance», et à être au service des autres.


Chers frères,

Merci d'être venus ici, c'est la maison de Pierre, votre maison, parce que l'Église est une maison aux portes ouvertes, où tous viennent d'orient en occident pour s'asseoir à la table que le Seigneur nous a préparée (cf. Mt 8, 11). Et quand nous voulons rendre l'Église raffinée, c'est une maison aux portes fermées, et cela ne va pas. Attention au raffinement ecclésiastique. J'ai lu avec attention les questions que vous m'avez fait parvenir - elles sont nombreuses - et pendant que je réfléchissais à la façon d'y répondre, je me suis souvenu des paroles que le Seigneur a dites à Sainte Thérèse de Jésus quand on lui a enlevé les livres auxquels elle se fiait : "Je te donnerai un livre vivant", le Christ est le livre que je vous recommande vivement. Mais il faut le chercher, dans les Écritures et dans l'Évangile, dans l'adoration silencieuse, parce que nous avons un peu perdu le sens de l'adoration, nous devons trouver le Seigneur dans le silence de l'adoration. Si je demandais maintenant - je ne le demanderai pas pour ne gêner personne - mais si je demandais maintenant combien d'heures d'adoration vous faites chaque semaine, ce serait un bon test. Je lance la question mais chacun y répond en lui-même. Non, parce que c'est trop fatigant, parce que ceci, parce que cela. Si vous ne priez pas, si vous n'adorez pas, votre vie vaut peu.

Aux États-Unis, un Congrès eucharistique national est en préparation pour l'année prochaine et le bienheureux Carlo Acutis et saint Manuel González ont été choisis comme patrons, tous deux excellents - comme tant de saints de l'Église - dans l'art de lire ce livre vivant, devant le tabernacle, dans une école silencieuse et à genoux. Et c'est justement parmi les catéchèses de saint Manuel que je voudrais prendre une clé de réponse aux questions que vous m'avez posées. À une occasion, saint Manuel s'adressa à un groupe de fidèles, réfléchissant au rôle des saintes femmes au Calvaire, comme modèles de chaque disciple face à la croix du Seigneur, alors comme aujourd'hui. Elles sont un modèle. La même impuissance, le même désir d'agir contre l'injustice qu'ont vécu les saintes femmes en ces moments, nous pouvons les éprouver face aux problèmes des immigrants, à la fermeture de certaines autorités civiles et religieuses, aux défis de l'interculturalité, à la complexité de l'annonce, tant de choses.

Face à ces difficultés, le saint nous avertit que "Jésus ne cesse de souffrir". Jésus dit qu'il restera sur le Calvaire jusqu'à la fin des temps, même s'il est ressuscité, il continue à être sur le Calvaire dans la personne des frères. Dans chaque tabernacle, dans chaque calice consacré, nous voyons se dresser la croix, et elle nous demande : Pouvons-nous faire quelque chose pour soulager le Christ souffrant d'aujourd'hui ? "Faites-le, faites-le au plus vite", mais faites-le en sachant que "la Passion sera la compagne du Jésus de vos tabernacles" en chaque frère et sœur qui souffre, et ce que Dieu vous demande est de ne pas les laisser seuls. Ne laissez pas seuls ceux qui souffrent, ne laissez pas seul le Seigneur du tabernacle, convainquez-vous que vous ne pouvez rien faire avec les mains si vous ne le faites pas avec les genoux. Adoration, silence eucharistique et intercession devant le tabernacle. Et puis oui, service. Mais c'est comme le ping-pong, l'un amène à l'autre, l'un amène à l'autre.

Jésus, nous dit saint Manuel, ne prétend pas de nous que nous empêchions la Passion, mais que nous lui rendions gloire même au milieu d'elle. À cet égard, je vous en prie : méfiez-vous de vous installer confortablement, ne vous installez pas confortablement, parfois le monde moderne nous amène à des horaires. "Mon père, pouvez-vous me confesser ?" "Non, les horaires sont de telle heure à telle heure". S'il vous plaît, d'abord les gens, puis l'horaire. Ne devenez pas des "employés" du sacré. C'est le danger de cette culture. Revoyez votre dévouement aux gens, votre ouverture de cœur.

M'inspirant de ces saints, je laisse le Seigneur dans le tabernacle répondre à vos préoccupations. Certaines réponses pourront vous sembler naïves, comme les efforts du jeune Carlo Acutis pour diffuser ce qui fut pour lui une découverte exceptionnelle, "une autoroute pour le ciel". D'autres vous sembleront plus grandes que vous, comme poursuivre les œuvres sociales et apostoliques promues par saint Manuel. En réalité, ce pasteur, dans ses recommandations, affirmait que, par-dessus tout, ce qu'un prêtre peut faire commence aujourd'hui, avec la prière simple, la parole proche, l'accueil fraternel et le travail persévérant. Prière simple, parole proche, accueil fraternel et travail persévérant. Ne vous ménagez pas ! Disait un prêtre d'un quartier pauvre et populaire, qu'il a envie de boucher la fenêtre. Parce que les gens viennent lui demander des choses à n'importe quelle heure, ou viennent demander des bénédictions, n'importe quoi. Parce que les gens sont très importuns, comme le Seigneur, qui est importun. Et le prêtre me disait : "Quand ils voient la porte fermée, ils frappent à la fenêtre, je dois boucher la fenêtre". Non, ouvre la porte. C'est fondamental : des prêtres pour les gens. Et ici je veux mentionner une chose. N'ayez pas les ongles sales, mais les ongles propres, parce que les ongles se salissent quand le prêtre commence à gravir les échelons. Et des grimpeurs pour tel poste, pour telle paroisse, pour tel canonicat, et alors la promotion humaine dépasse la gratitude de l'annonce. Et si vous perdez cela, vous serez de pauvres prêtres qui ont perdu la joie de leur vie. Retrouvez toujours l'appel de Jésus à servir, à la disposition des autres. N'ayez pas les ongles sales pour gravir les échelons, parce qu'après, quand on arrive au sommet, ce qu'on voit est assez indécent, je ne veux pas le dire.

Frères, ne placez pas votre confiance uniquement dans les grandes idées, ni dans des propositions pastorales bien définies. Je me méfie quand ils arrivent avec tous ces programmes pastoraux. Pour que les autres les réalisent, pas moi. Ne cherchez pas de coupables. "Ça n'a pas marché parce que c'est la faute de untel ou untel". D'abord, qu'est-ce que j'ai fait, moi ?". Cherchez en vous-mêmes pour voir... la faute ; c'est l'humilité pastorale. Abandonnez-vous à Celui qui vous a appelés à vous donner, et qui vous demande seulement fidélité et constance, avec la certitude que c'est Lui qui mènera l'œuvre à bien et fera en sorte que vos efforts portent du fruit. Et espérons que vous semiez beaucoup, et espérons que vous n'ayez pas à prendre des pilules pour dormir parce que vous arrivez épuisés le soir. Espérons ! Merci.

L'Osservatore Romano, Anno CLXIII n. 263, jeudi 16 novembre 2023, p. 7.

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