Intriguer, susciter la curiosité, rejoindre le cœur de l'autre, découvrir en lui l'expérience de Dieu, faciliter la rencontre avec le Seigneur : ce sont tout autant d'attitudes que le pape François recommande pour la pastorale des villes.
Le pape a reçu ce matin, 27 novembre 2014, les archevêques des cinq continents qui ont participé la seconde phase du Congrès international de la pastorale des grandes villes qui a eu lieu à Barcelone, du 24 au 26 novembre.
Le pape a parlé de son expérience personnelle, comme pasteur de la ville de Buenos Aires, treizième ville du monde la plus densément peuplée (8 millions de personnes le jour, trois millions la nuit, a-t-il rappelé).
Il a donné quelques conseils pastoraux, issus d'un chantier mis en œuvre à Buenos Aires, avec les évêques des 11 diocèses de la région ecclésiastique, pour
l'évangélisation des 13 millions d'habitants de la région.
Rejoindre le cœur de l'autre
Il s'agit d'abord d'opérer « un changement dans la mentalité pastorale » : « dans les cités il faut d'autres plans », a souligné le pape, car l’Église n'est plus à l'époque où elle était « l'unique référence » de la culture, des valeurs, des réponses aux questions sur le sens ultime de la vie.
Changer, a-t-il précisé, ce n'est pas adopter « une "pastorale relativiste" qui pour être présente dans la "cuisine culturelle" perd l'horizon évangélique, en laissant l'homme livré à lui-même et émancipé de la main de Dieu ». La route relativiste semble « la plus confortable » mais elle conduit « à la solitude et à la mort » car elle comprend « deux graves dangers » : « elle cache Jésus et la vérité sur l'homme ».
Pour le pape, le travail-clé de cette pastorale est de chercher « comment n'avoir ni peur ni honte d'annoncer le Christ » : l’Église est appelée à « avoir le courage de faire une pastorale évangélisatrice audacieuse et sans peur », car « l'homme, la femme, les familles et les divers groupes qui peuplent la ville ont besoin de la Bonne nouvelle de l’Évangile pour vivre ».
Deuxième point : le pape a encouragé à « dialoguer avec la multiculturalité », sans « négocier l’identité chrétienne », dans l'objectif de « rejoindre le cœur de l'autre, différent, pour y semer l’Évangile ».
Il faut pour cela « une attitude contemplative », qui « sans refuser l’apport des diverses sciences pour connaître le phénomène urbain, cherche à découvrir le fondement des cultures, qui dans leur noyau le plus profond sont toujours ouvertes et assoiffées de Dieu ». Il faut « de l'empathie » et « de la créativité » pour « se faire comprendre de la multiculturalité », souvent éloignée de la pensée judéo-chrétienne, a fait observer le pape.
En rejoignant l'autre, on rejoint aussi – et c'est le troisième point – la « religiosité du peuple », a-t-il poursuivi en incitant à « découvrir dans cette religiosité l’authentique substrat religieux ».
L'évangélisation consiste donc à « aller au cœur » des personnes en cherchant en elles « cette expérience de Dieu » parfois « perdue ou confuse », expérience « qui demande à être découverte et non construite ». Pour le pape, ce n'est pas simplement « une expression de religiosité naturelle » mais ce sont « les semina Verbi de l'Esprit du Seigneur ».
La foi des migrants notamment, est « un potentiel énorme pour l’évangélisation des zones urbaines », a ajouté le pape en décrivant une double mission envers eux : « les accueillir » et « chercher, valoriser et évangéliser leur foi », qui est parfois « mélangée à des éléments d'une pensée superstitieuse ».
Quatrième et dernier point d'attention pour une pastorale des villes renouvelée : « Aller vers les pauvres, les exclus, les rejetés, les marginalisés... [vers] toutes les victimes des nouvelles pauvretés, structurelles, économiques, sociales, morales et spirituelles ».
Un témoignage qui intrigue
Le pape a enfin formulé deux propositions d'attitude pour la pastorale des villes, qui n'est pas seulement à considérer « en terme d'actions » mais aussi « de présence, d'attitudes, de gestes ».
D'abord « sortir et faciliter » : il s'agit de passer « de l'attente à la recherche », de « sortir pour rencontrer Dieu qui habite dans les villes et dans les pauvres », de « sortir pour écouter, pour bénir, pour marcher avec les gens ».
Il a exhorté à « éveiller chez les interlocuteurs la curiosité et l’intérêt pour Jésus-Christ. Cette curiosité a un saint patron : Zachée », a-t-il ajouté en invitant à « apprendre à susciter la foi ».
Pour le pape, la qualité de la pastorale urbaine « dépendra de la capacité de témoignage des Églises et de tout chrétien ». L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais par attraction, par un témoignage qui intrigue, a-t-il rappelé en citant Benoît XVI.
« Faciliter la rencontre avec le Seigneur » consiste concrètement à « rendre les sacrements accessibles », à garder les portes des Églises « ouvertes », à adapter les horaires des secrétariats aux personnes qui travaillent, etc.
La deuxième attitude, c'est « l’Église samaritaine » : le témoignage de la charité de l’Église peut « avoir des répercussions au cœur même de la culture des villes. Le témoignage concret de la miséricorde et de la tendresse qui cherchent à être présentes dans les périphéries existentielles et pauvres, agit directement sur les imaginaires sociaux, en générant des orientations pour la vie de la ville », a affirmé le pape.
Dans la pastorale sociale, « l’Église se charge des plus pauvres avec des actions significatives, qui rendent le Royaume de Dieu présent en le manifestant et en l'élargissant », a-t-il poursuivi. En outre, cette pastorale est un lieu « propice à la pastorale œcuménique caritative », qui se développe par des services accomplis « au côté des frères d'autres Églises et communautés ecclésiales ».
En conclusion, le pape a souligné l'importance « que les laïcs et les pauvres eux-mêmes soient protagonistes » dans ces œuvres, car « la maladie du cléricalisme » est « un des problèmes les plus graves » et « emprisonne » la pastorale.