- Le pape reçoit des avocats de divers pays européens signataires de l'Appel de Vienne pour la défense de l'État de droit.
- Il les remercie pour leur contribution à la promotion de la démocratie et des libertés.
- Il souligne l'importance de rester fidèle aux principes démocratiques même en temps de crise.
- L'Etat de droit est au service de la dignité humaine et ne souffre aucune exception.
- Une conception erronée de la personne humaine fragilise sa protection et ouvre à des abus.
- Le respect des droits humains dépend de la recherche de la vérité sur l'homme selon le dessein de Dieu.
- Le pape salue le rappel du secret professionnel, espace de confiance essentiel et apprécie l'engagement des avocats pour la protection de l'environnement.
- Il les encourage à poursuivre leur mission au service de la vérité et de la justice.
Texte en intégralité :
Madame, Messieurs !
Je suis heureux de vous recevoir, avocats de divers pays membres du Conseil de l’Europe. Vous avez signé, le 11 juin 2022, l’Appel de Vienne qui invite les États membres du Conseil à s’engager en faveur de l’État de droit et de l’indépendance de la justice. Cet Appel se situe dans le contexte actuel, difficile sous bien des aspects, que connaît l’Europe, en raison - entre autres - de cette guerre insensée en Ukraine. Je vous remercie pour la contribution importante que vous offrez à la promotion de la démocratie, de la liberté et de la dignité humaine. Les temps de crises sociales, économiques, sécuritaires et identitaires mettent au défi les démocraties occidentales d’y répondre efficacement, mais en restant toujours fidèles à leurs principes ; des principes sans cesse à reconquérir et dont la sauvegarde demande une grande vigilance.
La peur des troubles et des violences, la perspective de bouleversement des équilibres établis, la nécessité d’agir efficacement devant l’urgence peuvent induire la tentation de faire exception, de contourner – ne serait-ce que provisoirement – l’État de droit dans la recherche de solutions faciles et immédiates. Il me parait donc important que vous réclamiez, dans l’une de vos propositions, que « l’État de droit ne fasse plus jamais l’objet de la moindre exception, y compris en temps de crise » (Appel de Vienne, n. 7). La raison en est que l’État de droit est au service de la personne humaine et vise à en sauvegarder la dignité, ce qui ne souffre jamais aucune exception. C’est un principe.
Cependant, ce ne sont pas seulement les crises à être à l’origine de menaces contre les libertés et l’État de droit au sein même des démocraties. En effet, une conception erronée de la nature et de la personne humaines se répand de plus en plus, une conception qui en fragilise la protection même et qui ouvre peu à peu à de graves abus sous couvert de bien.
Il faut rappeler que le fondement de la dignité de la personne humaine se trouve dans son origine transcendante qui en interdit, par conséquent, toute violation ; et cette transcendance exige que, dans toute activité humaine, la personne soit mise au centre et ne se retrouve pas à la merci des modes et des pouvoirs du moment (cf. Discours au Parlement européen, 25/11/2014). « Une Europe qui n’aurait plus la capacité de s’ouvrir à la dimension transcendante de la vie est une Europe qui lentement risque de perdre son âme ainsi que cet esprit humaniste qu’elle aime et défend cependant » (Ibid.).
Le respect des droits humains ne peut être assuré, et un État de droit ne peut trouver de solidité, que dans la mesure où les peuples restent fidèles à leurs racines qui s’alimentent de la vérité, qui constitue la sève vitale de n’importe quelle société qui désire être vraiment libre, humaine et solidaire (cf. Discours au Conseil de l’Europe, 25/11/14). Sans cette recherche de la vérité sur l’homme, selon le projet de Dieu, chacun devient la mesure de soi-même et de son propre agir. Or, de fait, il y a aujourd’hui une tendance à une revendication toujours plus grande de droits individualistes ne tenant plus compte que tout être humain est lié à un contexte social dans lequel ses droits et devoirs sont connexes à ceux des autres et au bien commun de la société elle-même (cf. Discours au Parlement européen). Un malentendu sur le concept de droits humains, et leur abus paradoxal, pourraient livrer les peuples « aux purismes angéliques, aux totalitarismes du relativisme, aux fondamentalismes anhistoriques, aux éthiques sans bonté et aux intellectualismes sans sagesse » (Evangelii gaudium, n. 231) où l’État de droit ne serait plus au service que d’une personne humaine falsifiée et manipulée, devenue le jouet de puissances et d’idéologies non universelles.
Chers avocats, je salue dans votre Appel, parmi les points de vigilance concernant votre profession, le rappel du principe fondamental du secret professionnel dont vous regrettez la violation dans plusieurs États membres. Je comprends et partage votre préoccupation et vous encourage dans votre action. Il est indispensable que soient sauvegardés dans nos sociétés des espaces de confiance où les personnes puissent s’exprimer et déposer leur fardeau. Ceci est très important. Dans l’Église, nous avons le secret de la Confession ; vous aussi avez cet espace, où une personne peut dire la vérité à son avocat afin qu’il l’aide…
Je suis sensible enfin au souci que vous portez à la maison commune et votre engagement à participer à l’élaboration d’un cadre normatif en faveur de la protection de l’environnement. Nous ne devons jamais oublier que les jeunes générations ont droit à ce que nous leur laissions un monde beau et vivable, ce qui crée pour nous de graves devoirs envers la création que nous avons généreusement reçue des mains de Dieu. Merci pour cette contribution. Je suis entrain d’écrire une deuxième partie de Laudato si’ pour mettre à jour les problèmes actuels.
Je vous renouvelle tous mes encouragements à persévérer dans l’exercice de votre belle profession, tout orientée au service de la vérité et de la justice, nécessaires à l’établissement de la paix dans le monde et à l’harmonie de nos sociétés. Que la Vierge Marie et saint Yves vous protègent et vous gardent. Et je vous bénis de grand cœur et vous demande de prier pour moi, s’il vous plaît. Merci.