Comme après chaque voyage apostolique, le Pape François a consacré sa première catéchèse de retour à Rome au bilan de sa visite, lors de l’audience générale en salle Paul VI du Vatican. Ce 8 février 2023, l’évêque de Rome a évoqué son 40e voyage apostolique en RDC et au Soudan du Sud, accompli du 31 janvier au 5 février.
Audience Générale : Le voyage apostolique en République Démocratique du Congo et au Soudan du Sud
Chers frères et soeurs, bonjour !
La semaine dernière, je me suis rendu dans deux pays africains: la République démocratique du Congo et le Sud-Soudan. Je remercie Dieu qui m'a permis d'accomplir ce voyage, depuis longtemps désiré. Deux "rêves" : visiter le peuple congolais, gardien d'un pays immense, poumon vert de l'Afrique : avec l'Amazonie, ils sont les deux poumons du monde. Terre riche en ressources et ensanglantée par une guerre qui ne finit jamais parce qu'il y a toujours ceux qui alimentent le feu. Et visiter le peuple sud-soudanais, dans un pèlerinage de paix avec l'Archevêque de Cantorbéry Justin Welby et le Modérateur général de l'Église d'Écosse, Iain Greenshields : nous sommes allés ensemble pour témoigner qu'il est possible et nécessaire de collaborer dans la diversité, surtout si l'on partage la foi en Jésus-Christ.
Les trois premiers jours, je me suis rendu à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Je réitère ma gratitude au Président et aux autres autorités du pays pour l'accueil qui m'a été réservé. Immédiatement après mon arrivée au palais présidentiel, j'ai pu adresser le message à la Nation : le Congo est comme un diamant, par sa nature, par ses ressources, surtout pour son peuple ; mais ce diamant est devenu un motif de dispute, de violence, et paradoxalement d'appauvrissement du peuple. C'est une dynamique que l'on retrouve aussi dans d'autres régions d'Afrique, et qui vaut en général pour ce continent: continent colonisé, exploité, pillé. Face à tout cela, j’ai dit deux mots: le premier est négatif: "assez!", il suffit d’exploiter l’Afrique! J’ai dit à d’autres reprises que dans l’inconscient collectif, il y a "l’Afrique doit être exploitée": assez! C'est ce que j'ai dit. La deuxième est positive : ensemble, avec dignité, tous ensemble, avec respect mutuel, ensemble au nom du Christ, notre espérance, aller de l'avant. N'exploite pas et continue ensemble.
Et au nom du Christ, nous nous sommes rassemblés dans la grande célébration eucharistique.
A Kinshasa également ont eu lieu les différentes rencontres : celle avec les victimes de la violence dans l’est du pays, région déchirée depuis des années par la guerre entre groupes armés manoeuvrés par des intérêts économiques et politiques. Je ne pouvais pas aller à Goma. Les gens vivent dans la peur et l'insécurité, sacrifiés sur l'autel d'affaires illicites. J'ai entendu les témoignages choquants de certaines victimes, en particulier des femmes, qui ont déposé au pied de la Croix des armes et d'autres instruments de mort. Avec eux, j'ai dit "non" à la violence, "non" à la résignation, "oui" à la réconciliation et à l'espoir. Ils ont beaucoup souffert et continuent à souffrir.
J'ai également rencontré des représentants de diverses oeuvres caritatives dans le pays, pour les remercier et les encourager. Leur travail avec les pauvres et pour les pauvres ne fait pas de bruit, mais au jour le jour, il fait croître le bien commun. Et surtout avec la promotion : les initiatives de charité doivent toujours être en premier lieu pour la promotion, non seulement pour l'assistance mais pour la promotion. Assistance, oui, mais promotion.
Un moment passionnant a été celui avec les jeunes et les catéchistes congolais dans le stade. C'était comme une plongée dans le présent tourné vers l'avenir. Pensons à la force de renouveau que peut apporter cette nouvelle génération de chrétiens, formés et animés par la joie de l'Evangile ! À eux, aux jeunes, j'ai indiqué cinq voies : la prière, la communauté, l'honnêteté, le pardon et le service. J'ai dit aux jeunes du Congo : votre chemin est celui-ci : prière, vie communautaire, honnêteté, pardon et service. Que le Seigneur entende leur cri qui appelle la paix et la justice.
Puis, dans la cathédrale de Kinshasa, j'ai rencontré les prêtres, les diacres, les consacrés et les séminaristes. Ils sont nombreux et ils sont jeunes, parce que les vocations sont nombreuses : c'est une grâce de Dieu. Je les ai exhortés à être serviteurs du peuple comme témoins de l'amour du Christ, en surmontant trois tentations : la médiocrité spirituelle, le confort mondain et la superficialité. Que ce sont des tentations - je dirais - universelles, pour les séminaristes et pour les prêtres. Certes, la médiocrité spirituelle, quand un prêtre tombe dans la médiocrité, est triste ; le confort mondain, c'est-à-dire la mondanité, qui est l'un des pires maux qui peuvent arriver à l'Eglise ; et la superficialité. Enfin, avec les Evêques congolais, j'ai partagé la joie et la fatigue du service pastoral. Je les ai invités à se laisser consoler par la proximité de Dieu et à être des prophètes pour le peuple, par la force de la Parole de Dieu, être des signes de la façon dont est le Seigneur, de l'attitude que le Seigneur a avec nous : la compassion, la proximité et la tendresse. Ce sont trois manières de la façon dont le Seigneur fait avec nous : il se rapproche - la proximité - avec compassion et avec tendresse. C'est ce que j'ai demandé aux prêtres et aux évêques.
Puis, la deuxième partie du voyage s'est déroulée à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, Etat né en 2011. Cette visite a eu une physionomie tout à fait particulière, exprimée par la devise qui reprenait les paroles de Jésus : "Je prie pour qu'ils soient tous une seule chose" (cf. Jn 17, 21). Il s'agissait en effet d'un pèlerinage oecuménique de paix, accompli avec les chefs de deux Églises historiquement présentes sur cette terre : la Communion anglicane et l'Église d'Écosse. C'était le point d'arrivée d'un chemin entamé il y a quelques années, qui nous avait vus réunis à Rome en 2019, avec les Autorités sud-soudanaises, pour prendre l'engagement de surmonter le conflit et de construire la paix. En 2019, il y a eu une retraite spirituelle ici, à la Curie, de deux jours, avec tous ces politiciens, avec tous ces gens aspirant à des postes, certains ennemis entre eux, mais ils étaient tous dans la retraite. Et cela a donné de la force pour aller de l'avant. Malheureusement, le processus de réconciliation n'a pas progressé aussi loin et le Sud-Soudan, nouveau-né, est victime de la vieille logique du pouvoir, de la rivalité, qui engendre la guerre, la violence, les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Je remercie vivement le président de l’accueil qu’il nous a réservé et de la manière dont il tente de gérer cette voie difficile, pour dire "non" à la corruption et au trafic d’armes et "oui" à la rencontre et au dialogue. C’est une honte: de nombreux pays dits civilisés offrent leur aide au Sud-Soudan, et l’aide consiste en armes, en armes, en armes pour fomenter la guerre. C'est une honte. Et oui, aller de l’avant en disant "non" à la corruption et au trafic d’armes et "oui" à la rencontre et au dialogue. Ce n'est qu'ainsi que le développement pourra se développer, que les gens pourront travailler en paix, que les malades pourront se soigner, que les enfants pourront aller à l'école.
Le caractère oecuménique de la visite au Soudan du Sud s'est manifesté en particulier au moment de prière célébré avec les frères anglicans et ceux de l'Église d'Écosse. Ensemble, nous avons écouté la Parole de Dieu, ensemble nous lui avons adressé des prières de louange, de supplication et d'intercession. Dans une réalité fortement conflictuelle comme celle du Sud-Soudan, ce signe est fondamental, et il n'est pas acquis, parce que malheureusement, il y a ceux qui abusent du nom de Dieu pour justifier la violence et les abus.
Frères et soeurs, le Sud-Soudan est un pays d'environ 11 millions d'habitants - petit ! Deux millions d’entre eux ont été déplacés à l’intérieur du pays à la suite de conflits armés et deux millions ont fui vers des pays voisins. C'est pour cela que j'ai voulu rencontrer un grand groupe de personnes déplacées à l'intérieur, les écouter et leur faire sentir la proximité de l'Eglise. En effet, les Églises et les organisations d'inspiration chrétienne sont en première ligne aux côtés de ces pauvres gens, qui vivent depuis des années dans des camps pour personnes déplacées. Je me suis particulièrement tourné vers les femmes - il y a de bonnes femmes là-bas -, qui sont la force capable de transformer le pays ; et j'ai encouragé tout le monde à être les graines d'un nouveau Sud-Soudan, sans violence, réconcilié et pacifié.
Puis, dans la rencontre avec les pasteurs et les consacrés de cette Église locale, nous avons regardé Moïse comme un modèle de docilité à Dieu et de persévérance dans l'intercession.
Et dans la célébration eucharistique, dernier acte de la visite au Soudan du Sud et même de tout le voyage, je me suis fait l'écho de l'Evangile en encourageant les chrétiens à être "sel et lumière" dans cette terre si tribulée. Dieu place son espérance non pas dans les grands et les puissants, mais dans les petits et les humbles. Et c'est ainsi que Dieu va.
Je remercie les autorités du Sud-Soudan, M. le Président, les organisateurs de voyages et tous ceux qui ont mis leur effort, leur travail pour que la visite puisse aller bien. Je remercie mes frères, Justin Welby et Iain Greenshields, de m'avoir accompagné dans ce voyage oecuménique.
Prions pour que, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, et dans toute l'Afrique, germent les graines de son Royaume d'amour, de justice et de paix.
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Salutations :Je salue cordialement les personnes de langue française en particulier les jeunes venus de France, de Belgique et les pèlerins du Cameroun. Frères et soeurs, prions pour que, en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud, puissent s’ouvrir des chemins nouveaux de paix et de pardon, et que des graines d’amour, de justice et de paix puissent germer dans toute l’Afrique. Que Dieu vous bénisse !
Je souhaite la bienvenue à tous les pèlerins anglophones, en particulier ceux d'Angleterre et des États-Unis d'Amérique. J'adresse un salut particulier aux nombreux groupes de jeunes étudiants présents. Sur vous tous et sur vos familles, j'invoque la joie et la paix du Seigneur Jésus. Que Dieu vous bénisse !
Je salue cordialement les pèlerins de langue allemande. Aujourd'hui, l'Eglise célèbre la mémoire de la sainte Soudanaise Joséphine Bakhita, dont le témoignage de vie nous remplit d'espérance chrétienne. En comptant sur son intercession, nous prions pour un avenir de justice et de paix pour nos frères et soeurs en Afrique.
Je salue cordialement les pèlerins de langue portugaise. Je vous souhaite d'apporter toujours dans votre coeur l'amour de Jésus et la prière au Père céleste pour tous ses enfants, spécialement pour ceux qui n'ont pas la paix. Sur vous et sur vos familles, descendez la bénédiction de Dieu !
Je salue les fidèles de langue arabe. Je vous invite à vous engager sur votre terre, votre patrie, votre histoire, à ne jamais perdre espoir. Et à être fidèles à l'appel de Dieu : être le sel de la terre et la lumière du monde. Que le Seigneur vous bénisse tous et vous protège toujours de tout mal !
Je salue cordialement tous les Polonais. Samedi 11 février, à la mémoire de la Bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, sera célébrée la Journée mondiale du malade. Nous rappelons dans la prière nos chers malades pour qu'ils soient entourés d'affection et que soient assurés les soins de santé et l'accompagnement spirituel. Nous prions aussi pour les professionnels de la santé et pour tous ceux qui s'occupent des malades. Je vous bénis de tout coeur !
APPEL :Mes pensées vont, en ce moment, aux populations de la Turquie et de la Syrie durement touchées par le tremblement de terre, qui a fait des milliers de morts et de blessés. Je prie avec émotion pour eux et j'exprime ma sympathie à ces peuples, aux familles des victimes et à tous ceux qui souffrent de cette catastrophe dévastatrice. Je remercie tous ceux qui s'efforcent de porter secours et j'encourage tout le monde à la solidarité avec ces territoires, en partie déjà meurtris par une longue guerre. Prions ensemble pour que nos frères et soeurs puissent aller de l'avant, en surmontant cette tragédie, et demandons à la Vierge qui les protège : "Ave Maria...".
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Je souhaite la bienvenue aux pèlerins de langue italienne. En particulier, je salue la Délégation de la Fiaccola Benedettina, l'Association d'Infirmiers hospitaliers, l'Institut Soeurs Sacramentines de Cesano Maderno, la Banda musicale de Fiano Romano, qui s'est déjà fait entendre pendant l'audience ; et puis continuez à jouer...
N'oublions pas la souffrance du peuple ukrainien, si meurtri : avec ce froid, sans lumière, sans chauffage, et en guerre.
Ma pensée va enfin, comme d'habitude, aux jeunes, aux malades, aux personnes âgées et aux jeunes mariés. Nous sommes en Novéna en préparation à la mémoire liturgique de la Bienheureuse Vierge de Lourdes, qui aura lieu le samedi 11 février prochain. J'appelle sur vous la protection de la Vierge Immaculée, afin que vous conserviez toujours un coeur joyeux et que vous vous souteniez sur le chemin de la vie.
À tous ma bénédiction.