« La première étape du processus synodal (octobre 2021 – avril 2022) c’est celle qui concerne les Églises diocésaines’, rappelle le pape François dans un long discours à son diocèse de Rome, prononcé ce samedi matin, 18 septembre 2021, dans la salle Paul VI du Vatican, pour expliquer le processus qui préparera le l’assemblée des évêques d’octobre 2023.
Discours du pape François :
Chers frères et sœurs, bonjour !
Comme vous le savez, un processus synodal est sur le point de commencer, un chemin dans lequel toute l’Église se trouve engagée autour du thème : « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ».
Il y a trois phases, qui se dérouleront entre octobre 2021 et octobre 2023.
Cet itinéraire a été conçu comme une dynamique d’écoute mutuelle, menée à tous les niveaux de l’Église, impliquant tout le peuple de Dieu. Il ne s’agit pas de récolter des opinions, mais d’écouter l’Esprit, comme on le trouve dans le livre de l’Apocalypse : « Quiconque a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Eglises » (2,7). Avoir des oreilles, écouter, c’est le premier engagement. Il s’agit d’entendre la voix de Dieu, de saisir sa présence, d’intercepter son passage et son souffle de vie. Il est arrivé au prophète Elie de découvrir que Dieu est toujours le Dieu des surprises, même dans la façon dont il passe et dont il se fait entendre :
« Il y eut un ouragan, si fort et si violent qu’il fendait les montagnes et brisait les rochers, mais le Seigneur n’était pas dans l’ouragan ; et après l’ouragan, il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre ; et après ce tremblement de terre, un feu, mais le Seigneur n’était pas dans ce feu ; et après ce feu, le murmure d’une brise légère. Aussitôt qu’il l’entendit, Élie se couvrit le visage avec son manteau »(1 Rois 19, 11-13).
C’est ainsi que Dieu nous parle et c’est pour cette « brise légère » – que les exégètes traduisent aussi « fine voix de silence » et à quelqu’un d’autre « un fil de silence retentissant » – que nous devons préparer nos oreilles.
La première étape du processus (octobre 2021 – avril 2022) est celle qui concerne les Églises diocésaines. Et c’est pourquoi je suis ici, en tant que votre Evêque, pour partager, parce qu’il est très important que le diocèse de Rome s’engage sur ce chemin avec conviction.
Le thème de la synodalité ce n’est pas le chapitre d’un traité d’ecclésiologie, encore moins une mode, un slogan ou un nouveau terme à utiliser ou à exploiter dans nos réunions. Non! La synodalité exprime la nature de l’Église, sa forme, son style, sa mission. Et donc on parle d’Église synodale, en évitant cependant de considérer qu’elle est un titre parmi d’autres, une manière de la penser qui offre des alternatives. Je ne dis pas cela sur la base d’une opinion théologique, pas même comme une pensée personnelle, mais en suivant ce que nous pouvons considérer comme le premier et le plus important « manuel » d’ecclésiologie, qui est le livre des Actes des Apôtres.
Le mot « synode » contient tout ce dont nous avons besoin pour comprendre: « marcher ensemble« .Le livre des Actes est l’histoire d’un chemin qui part de Jérusalem, et, en traversant la Samarie et la Judée, en poursuivant dans les régions de la Syrie et de l’Asie Mineure, et ensuite en Grèce, s’achève à Rome. Cette route raconte l’histoire dans laquelle marchent ensemble la Parole de Dieu et les personnes qui à cette Parole accordent attention et foi. Tous sont protagonistes, personne ne peut être considéré comme un simple figurant. Les ministères étaient alors encore considérés comme d’authentiques services. Et l’autorité naissait de l’écoute de la voix de Dieu et des gens – ne jamais les séparer! – qui maintenait « ne bas » ceux qui la recevaient. Il « bas » de la vie auquel il fallait rendre le service de la charité et de la foi. Mais cette histoire n’est pas en mouvement seulement en raison des lieux géographiques qu’elle traverse. Elle exprime une inquiétude intérieure continuelle qui naît de la foi, et qui nous invite à évaluer ce qu’il est meilleur de faire, ce qu’il faut maintenir ou changer. Cette histoire nous enseigne que rester immobiles ne peut pas être une bonne situation pour l’Eglise (cf. Evangelii gaudium, 23). Et le mouvement est conséquence de la docilité à l’Esprit Saint, qui est le réalisateur de cette histoire dans laquelle tous sont des protagonistes inquiets, jamais immobiles.
Pierre et Paul ne sont pas seulement deux personnes avec leurs caractères, ce sont des visions insérées dans des horizons plus grands qu’eux, capables de se repenser en relation avec ce qui se passe, des témoins d’un élan qui les met en question, qui les pousse à oser, à se poser des questions, à changer d’avis, à se tromper, et à apprendre de leurs erreurs, surtout d’espérer en dépit des difficultés. Ce sont des disciples de l’Esprit Saint qui leur fait découvrir la géographie du salut divin, en ouvrant les portes et les fenêtres, en abattant les murs, en brisant les chaînes, en libérant les frontières. Alors il peut être nécessaire de partir, de changer de route, de dépasser les convictions qui retiennent et qui empêchent de bouger et de marcher ensemble.
Nous pouvons voir l’Esprit qui pousse Pierre à aller dans la maison de Corneille, le centurion païen, en dépit de ses hésitations. Rappelez-vous: Pierre avait eu une vision qui l’avait troublé, et dans laquelle il lui était demandé de manger des choses considérées comme impures, et malgré l’assurance que ce que Dieu purifie ne doit plus être considéré comme impur, il était perplexe.
Il cherchait à comprendre, et voici les hommes envoyés par Corneille. Lui aussi avait reçu une vision et un message. C’était un officier romain pieux, sympathisant avec le judaïsme, mais cela ne suffisait pas encore pour être pleinement juif ou chrétien : aucune « douane » religieuse ne l’aurait laissé passer. Pourtant, il lui est révélé que ses prières sont parvenues à Dieu, et qu’il doit envoyer quelqu’un pour dire à Pierre de se rendre chez lui. Dans cet intervalle, d’un côté Pierre avec ses doutes, et de l’autre Corneille qui attend dans cette zone d’ombre, c’est l’Esprit qui dénoue les résistances de Pierre et qui ouvre une nouvelle page de la mission. La rencontre des deux scelle l’une des plus belles phrases du christianisme. Corneille est allé à sa rencontre, s’est jeté à ses pieds, mais Pierre le relevant lui dit : « Lève-toi : moi aussi je suis un homme ! (Actes 10, 26), et le texte souligne qu’il s’est entretenu avec lui d’une façon familière (cf. v. 27). Le christianisme doit toujours être humain et humanisant, concilier différences et distances, les transformer en familiarité, proximité. Saint Paul VI aimait citer la maxime de Térence : « Je suis un homme, je ne considère rien de ce qui est humain comme étranger à moi ». La rencontre entre Pierre et Corneille a résolu un problème, elle a favorisé la décision de se sentir libres de prêcher directement aux païens, avec cette conviction – selon les paroles de Pierre – « que Dieu ne fait pas acception de personnes » (Actes 10, 34). Au nom de Dieu, on ne peut pas faire de discrimination.
Et vous voyez, on ne peut pas comprendre la « catholicité » sans se référer à ce champ large et hospitalier, qui ne marque jamais les frontières. Etre Église c’est une manière d’entrer dans cette ampleur de Dieu. Ensuite, pour revenir aux Actes des Apôtres, il y a les problèmes qui naissent à propos de l’organisation du nombre croissant de chrétiens, et surtout pour subvenir aux besoins des pauvres. Certains signalent le fait que les veuves sont négligées. La manière dont la solution sera trouvée sera de rassembler l’assemblée des disciples, et de prendre ensemble la décision de désigner ces sept hommes qui
se seraient engagés à plein temps dans la diakonia, en servant aux tables (Actes 6, 1-7).
En outre, il y a aussi la confrontation entre des visions et des attentes différentes. Nous n’avons pas à craindre que ce arrive encore aujourd’hui. Ce sont des signes de docilité et d’ouverture à l’Esprit. Il peut aussi y avoir des affrontements qui atteignent des sommets dramatiques, comme cela s’est produit face au problème de la circoncision des païens, jusqu’à la délibération de ce que nous appelons le Concile de Jérusalem. Comme cela arrive aujourd’hui aussi, il existe une façon rigide de considérer les circonstances, qui mortifie la makrothymía de Dieu, c’est-à-dire cette patience du regard qui se nourrit de visions profondes, larges et longues : Dieu voit loin, Dieu n’est pas pressé.
Voilà que qui arrivé alors : certains, convertis du judaïsme, estimaient, dans leur auto-référence qu’il ne pouvait y avoir de salut sans se soumettre à la Loi de Moïse. On contestait ainsi Paul, qui proclamait directement le salut au nom de Jésus : s’opposer à son action aurait compromis l’accueil des païens, qui entre-temps se convertissaient. Paul et Barnabé ont été envoyés à Jérusalem chez les Apôtres et les anciens. Cela n’a pas été facile : les positions semblaient inconciliables, on a longuement discuté. Il s’agissait de reconnaître la liberté de l’action de Dieu, et qu’il n’y avait aucun obstacle qui puisse l’empêcher d’atteindre le cœur des gens, quelle que soit leur situation d’origine, morale ou religieuse. La situation a été débloquée par l’adhésion cette évidence que « Dieu, qui connaît les cœurs », soutenait lui-même la cause en faveur de la possibilité que les païens puissent être admis au salut, « leur accordant aussi l’Esprit Saint, comme à nous » (Actes 15, 8 ). C’est ainsi que l’a emporté le respect de toutes les sensibilités, en tempérant les excès ; on a fait trésor de l’expérience que Pierre a eue avec Corneille : ainsi, dans le document final, nous trouvons le témoignage du rôle de l’Esprit dans ce chemin de décisions, et de la sagesse qu’il est toujours capable d’inspirer : « Il a semblé bon, à l’Esprit Saint et nous, de ne vous imposer aucune autre obligation » que celle qui est nécessaire (Actes 15, 28).
« Le Saint-Esprit et nous ». Au contraire, il y a toujours la tentation de faire cavalier seul, en exprimant une l’ecclésiologie substitutive, comme si, étant monté au Ciel, le Seigneur avait laissé un vide à combler. Mais les paroles de Jésus sont claires : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet pour rester avec vous pour toujours. […] Je ne vous laisserai pas orphelins » (Jn 14,16.18). Pour l’accomplissement de cette promesse, l’Église est un sacrement, comme le dit Lumen gentium 1 : « L’Église est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Dans cette phrase, qui recueille le témoignage du Concile de Jérusalem, il y a le désaveu de ceux qui s’obstinent à prendre la place de Dieu, prétendant modeler l’Église sur leurs propres convictions culturelles, historiques, la forçant à des frontières armées, à des douanes culpabilisantes, à une spiritualité qui blasphème la gratuité de l’action bouleversante de Dieu. Lorsque l’Église est témoin, en paroles et en faits, de l’amour inconditionnel de Dieu, de sa largeur hospitalière, elle exprime vraiment sa propre catholicité. Et elle est poussée, intérieurement et extérieurement, à traverser les espaces et les temps. L’impulsion et la capacité viennent de l’Esprit : « Vous allez recevoir la force du Saint-Esprit qui descendra sur vous , et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8 ).
Une Église synodale signifie une Église sacrement de cette promesse, qui se manifeste en cultivant l’intimité avec l’Esprit et avec le monde à venir. Il y aura toujours des discussions, mais il faut chercher des solutions en donnant la parole à Dieu et à ses voix parmi nous ; prier et ouvrir les yeux sur tout ce qui nous entoure ; pratiquer une vie fidèle à l’Evangile; en interrogeant la Révélation selon une herméneutique pèlerine qui sait sauvegarder le chemin commencé dans les Actes des Apôtres. Sinon, on humilierait l’Esprit Saint. Gustav Mahler estimait que la fidélité à la tradition ne consiste pas à adorer les cendres mais à garder le feu. C’était un grand compositeur, mais il est aussi un maître de sagesse avec cette réflexion. Dei Verbum (n. 8 ), citant la Lettre aux Hébreux, affirme : « Dieu, qui de nombreuses fois et de différentes manières dans les temps anciens a parlé aux pères » ne cesse de parler avec l’Épouse de son Fils ». Il y a une heureuse formule de saint Vincent de Lérins qui, en comparant l’être humain en croissance et la Tradition qui se transmet d’une génération à l’autre, affirme que le « dépôt de la foi » ne peut être conservé sans le faire progresser : « en se consolidant avec les années, en se développant avec le temps, en s’approfondissant avec l’âge » (Commonitorium primum, 23, 9).
Vous voyez combien notre Tradition est une pâte levée, une réalité en fermentation où nous pouvons reconnaître la croissance, et dans la pâte une communion qui s’accomplit en mouvement : marcher ensemble réalise la vraie communion. C’est encore le livre des Actes des Apôtres qui nous aide, en nous montrant que la communion ne supprime pas les différences. C’est la surprise de la Pentecôte, quand les différentes langues ne sont pas des obstacles : bien qu’étrangers les uns aux autres, grâce à l’action de l’Esprit « chacun entend parler de sa propre langue maternelle » (Ac 2, 8 ). Se sentir à la maison, différents mais solidaires sur ce chemin.
Pour en revenir au processus synodal, la phase diocésaine est très importante, car elle implique l’écoute de la totalité des baptisés, sujet du sensus fidei l’infaillible in credendo. Il y a beaucoup de résistances pour surmonter l’image d’une Église qui distingue rigidement entre chefs et subordonnés, entre ceux qui enseignent et ceux qui doivent apprendre, en oubliant que Dieu aime renverser les positions : « Il a renversé les puissants de leurs trônes, il a exalté les humble » (Lc 1, 52). Marcher ensemble découvre l’horizontalité plutôt que la verticalité comme sa ligne. L’Église synodale restaure l’horizon d’où surgit le Christ soleil : ériger des monuments hiérarchisés, c’est le recouvrir. Que les pasteurs marchent avec le peuple, parfois devant, parfois au milieu, parfois derrière. Devant pour guider, au milieu pour encourager et ne pas oublier l’odeur du troupeau, derrière car le peuple a du « flair ». Il a le flair pour trouver de nouveaux chemins pour le chemin, ou pour retrouver la route perdue.
Le sensus fidei qualifie tous dans la dignité de la fonction prophétique de Jésus-Christ (cf. Lumen gentium, 34-35), de façon à pouvoir discerner quelles sont les voies de l’Évangile au présent. C’est le « flair » des brebis, mais prenons garde que, dans l’histoire du salut, nous soyons tous des brebis par rapport au Pasteur qui est le Seigneur. L’image nous aide à comprendre les deux dimensions qui contribuent à ce « flair ». L’une personnelle et l’autre communautaire : nous sommes des brebis et nous faisons partie du troupeau, qui dans ce cas représente l’Église. Ces deux aspects, personnel et ecclésial, sont inséparables: il ne peut pas y avoir de sensus fidei sans participation à la vie de l’Église, qui n’est pas seulement l’activisme catholique, il doit y avoir avant tout ce « sentir » qui se nourrit des « sentiments de Christ » (Ph 2,5).
L’exercice du sensus fidei ne peut pas être réduit à la communication et à la comparaison des opinions que l’on peut avoir sur telle ou telle question, sur tel seul aspect de la doctrine, ou sur telle règle de discipline. Et l’idée de distinguer majorités et minorités ne pourrait pas prévaloir. Combien de fois les « rejets » sont devenus la « pierre angulaire » (cf. Ps 118,22 ; Mt 21,42), les « lointains » sont devenus « proches » (Ep 2,13). Les marginaux, les pauvres, les sans espérance ont été élus sacrement du Christ (cf. Mt 25, 31-46). Nous sommes si préoccupés, à juste titre, que tout puisse honorer les célébrations liturgiques – même si nous finissons souvent par ne réconforter que nous-mêmes – mais saint Jean Chrysostome nous avertit : « Tu veux honorer le corps du Christ ? Ne permets pas qu’il soit un objet de mépris dans ses membres, c’est-à-dire dans les pauvres, sans vêtements pour se couvrir. Ne l’honore pas ici dans l’Eglise avec des tissus de soie, tandis qu’à l’extérieur tu le négliges quand il souffre de froid et de nudité. Celui qui a dit : « Ceci est mon corps », confirmant le fait par la parole, a également dit: « Tu m’as vu affamé et tu ne m’as pas nourri » et : « Chaque fois que tu n’as pas fait ces choses à l’un des plus petits d’entre eux , tu ne l’as même pas fait non plus à moi » (Homélies sur l’Evangile de Matthieu, 50, 3).
Il faut se sentir membre d’un seul grand peuple, destinataire des promesses divines, ouvert à un avenir qui attend chacun pour participer au banquet préparé par Dieu pour tous les peuples (cf. Is 25, 6). Et ici je voudrais préciser que même sur le concept de « peuple de Dieu » il peut y avoir des herméneutiques rigides et antagonistes, restant piégées dans l’idée d’exclusivité, d’un privilège, comme cela s’est produit pour l’interprétation du concept d’ « élection » que les prophètes ont corrigée, indiquant comment elle doit être correctement comprise.
Etre le peuple de Dieu, il ne s’agit pas d’un privilège, mais d’un don que quelqu’un reçoit… Pour lui-même ? Non : pour chacun, le don est fait pour être donné : voilà la vocation. C’est un don que quelqu’un reçoit pour tout le monde, que nous avons reçu pour les autres, c’est un don qui est aussi une responsabilité. La responsabilité de témoigner dans les faits et pas seulement en paroles des merveilles de Dieu qui, si elles sont connues, aident les gens à découvrir son existence et à accueillir son salut. L’élection est un don, et la question est : mon être chrétien, ma confession chrétienne, comment la donner, comment la donner ? La volonté salvifique universelle de Dieu est offerte à l’histoire, à toute l’humanité par l’incarnation du Fils, afin que tous, par la médiation de l’Église, deviennent ses enfants et frères et sœurs entre eux. C’est ainsi que se réalise la réconciliation universelle entre Dieu et l’humanité, cette unité de tout le genre humain dont l’Église est signe et instrument (cf. Lumen Gentium, 1). Avant même le Concile Vatican II, la réflexion, élaborée sur l’étude attentive des Pères, avait mûri que le peuple de Dieu tend la main vers la réalisation du Royaume, vers l’unité du genre humain créé et aimé par Dieu. L’Église, comme l’a dit saint Paul VI, est une maîtresse d’humanité qui a aujourd’hui pour objectif de devenir une école de fraternité. Et l’Église telle que nous la connaissons et la vivons, dans la succession apostolique, cette Église doit se sentir liée à cette élection universelle et pour cela mener à bien sa mission. C’est dans cet esprit que j’ai écrit Fratelli tutti. L’Église, comme l’a dit saint Paul VI, est une maîtresse d’humanité qui a aujourd’hui pour objectif de devenir une école de fraternité.
Pourquoi je vous dis ces choses ? Parce que sur le chemin synodal, l’écoute doit tenir compte du sensus fidei, mais ne doit pas négliger tous ces « pressentiments » incarnés là où on ne s’y attendrait pas : il peut y avoir un « flair sans citoyenneté », mais non moins efficace. L’Esprit Saint, dans sa liberté, ne connaît pas de frontières, et ne se laisse pas non plus limiter par les appartenances. Si la paroisse est la maison de tous dans le quartier, pas un club exclusif, je vous le recommande: laissez portes et fenêtres ouvertes, ne vous limitez pas à prendre en considération ceux qui [la] fréquentent ou pensent comme vous – qui seront 3, 4 ou 5%, pas plus. Permettez à tous d’entrer… Permettez-vous d’aller à leur rencontre et laissez-vous interroger, que leurs questions soient les vôtres, permettez-nous de marcher ensemble : l’Esprit vous conduira, ayez confiance en l’Esprit. N’ayez pas peur d’entrer en dialogue et de vous laisser impliquer dans le dialogue : c’est le dialogue du salut.
Ne soyez pas désenchantés, préparez-vous à des surprises. Il y a un épisode du livre des Nombres (ch. 22) qui parle d’une ânesse qui deviendra prophète de Dieu.Les Hébreux terminent le long voyage qui les conduira à la terre promise. Leur passage effraie le roi Balak de Moab, qui s’appuie sur les pouvoirs du magicien Balaam pour bloquer ces personnes, en espérant éviter une guerre. Le magicien, croyant à sa manière, demande à Dieu ce qu’il doit faire. Dieu lui dit de ne pas aider le roi, mais il insiste, puis il cède et monte sur une ânesse pour accomplir l’ordre reçu. Mais l’ânesse change de direction car elle voit un ange avec une épée dégainée qui se tient là pour signifier que Dieu est contraire. Balaam la tire, la bat, sans réussir à la remettre sur la route. Jusqu’à ce que l’ânesse se mette à parler, entamant un dialogue qui ouvrira les yeux du magicien, transformant sa mission de malédiction et de mort en une mission de bénédiction et de vie.
Cette histoire nous enseigne à avoir confiance que l’Esprit fera toujours entendre sa voix. Même une ânesse peut devenir la voix de Dieu, ouvrir nos yeux et faire changer nos mauvaises directions. Si une ânesse peut le faire, combien plus un baptisé, une baptisée, un prêtre, un évêque, un pape… Il suffit de s’en remettre à l’Esprit Saint qui se sert de toutes les créatures pour nous parler : il nous demande seulement de laver nos oreilles pour bien entendre.
Je suis venu ici pour vous encourager à prendre au sérieux ce processus synodal et pour vous dire que l’Esprit Saint a besoin de vous. Et c’est vrai : le Saint-Esprit a besoin de nous. Écoutez-le en vous écoutant mutuellement. Ne laissez personne dehors ou en arrière. Cela fera du bien au diocèse de Rome et à toute l’Église, qui ne se fortifie pas seulement en réformant les structures – c’est la grande tromperie ! -, en donnant des instructions, en proposant des retraites et des conférences, ou à force de directives et de programmes – c’est bien, mais comme partie d’autre chose – mais si l’on redécouvre que l’on est un peuple qui veut marcher ensemble, entre nous nous et avec l’humanité. Un peuple, celui de Rome, qui contient la variété de tous les peuples et de toutes les conditions : quelle richesse extraordinaire, dans sa complexité ! Mais il faut sortir des 3-4% qui représentent les plus proches, et aller plus loin pour écouter les autres, qui parfois vous insulteront, vous chasseront, mais il faut entendre ce qu’ils pensent, sans vouloir imposer nos choses : laisser l’Esprit nous parler.
In questo tempo di pandemia, il Signore spinge la missione di una Chiesa che sia sacramento di cura. Il mondo ha elevato il suo grido, ha manifestato la sua vulnerabilità: il mondo ha bisogno di cura.
Coraggio e avanti! Grazie!
En cette période de pandémie, le Seigneur pousse la mission d’une Église qui soit un sacrement du soin. Le monde a poussé un cri, a manifesté sa vulnérabilité : le monde a besoin de soin.
Courage et en avant ! Merci !