Avec l’audience générale de ce mercredi 29 avril 2020, le Pape François a clos son cycle catéchétique sur les Béatitudes, s’attardant sur la dernière d’entre elles : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux » (Mt 5, 10). Loin de toute victimisation, le drame de la persécution nous configure au Christ crucifié et nous associe à sa Passion, a affirmé le Saint-Père.
Cette dernière Béatitude est étroitement liée à la première et parle de la même joie : le royaume des Cieux est celui des persécutés comme celui des pauvres en esprit. Elle vient couronner un seul et même parcours. Et l’on comprend que la pauvreté en esprit, les pleurs, la douceur, la soif de sainteté, la miséricorde, la purification du cœur et les œuvres de paix peuvent conduire à la persécution à cause du Christ, mais qu'elle deviendra in fine source de joie et de grande récompense au Ciel. Ces Béatitudes représentent un «cheminement pascal» qui nous fait passer «d’une vie selon le monde à une vie selon Dieu, d’une existence vécue selon le monde et selon la chair à une existence guidée par l’Esprit».
Vie selon le monde et vie selon l'Esprit
Or, le monde, avec ses idoles et ses compromis ne peut approuver cette existence, note le Pape. «Pour les structures de péché engendrées par la mentalité humaine, la vie selon l’Evangile est une erreur et un problème». Dans un monde basé sur l’argent, quiconque montre que la vie peut s’accomplir dans le don et le renoncement de soi représente une «nuisance» pour «le système de l’avidité». Ainsi, «dans la beauté de la sainteté et la vie des enfants de Dieu il y a quelque chose d’inconfortable qui appelle à une prise de position : se laisser interroger et s’ouvrir à la bonté, ou rejeter cette lumière et endurcir son cœur, jusqu'à l'opposition et l’acharnement».
Le drame de la persécution
Voilà pourquoi «le drame de la persécution est aussi le lieu de la libération de l’assujettissement au succès, à la vaine gloire et aux compromis mondains». Et le Pape d’évoquer la douloureuse réalité de ces nombreux chrétiens devenus «membres ensanglantés du corps du Christ» en raison des persécutions qu'ils subissent encore aujourd’hui.
Prenons garde toutefois à ne pas appréhender cette béatitude sous un prisme victimaire, avertit le Souverain Pontife qui poursuit : «le mépris des hommes n’est pas toujours synonyme de persécutions». Il existe un mépris qui est de notre faute, lorsque, par exemple, nous perdons la saveur du Christ et de l’Evangile. De là, le besoin de rester sur l’humble sentier des Béatitudes qui nous porte vers le Christ, non vers le monde.
L’exclusion et la persécution, manifestation de la vie nouvelle, nous configurent au Christ crucifié en nous associant à sa passion. Accepter son Esprit peut remplir notre cœur d’amour au point d’offrir notre vie pour le monde, sans se compromettre avec ses erreurs et en acceptant d'en être rejeté. C’est là, conclut le Pape, « la vie du Royaume des Cieux, le vrai bonheur ».
Fête de saint Joseph
S’adressant aux fidèles francophones, le Souverain Pontife a évoqué la fête de saint Joseph, travailleur, le 1er mai prochain : «je confie à la miséricorde de Dieu toutes les personnes frappées par le chômage dû à la pandémie actuelle. Que le Seigneur soit la Providence de tous ceux qui sont dans le besoin et nous incite à leur venir en aide ! Que Dieu vous bénisse !»
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Source : www.vaticannews.va/fr/Texte intégral de la Catéchèse :
Chers frères et sœurs, bonjour !
Avec l’audience d’aujourd’hui, nous concluons le parcours sur les Béatitudes évangéliques. Comme nous l’avons entendu, la dernière proclame la joie eschatologique de ceux qui sont persécutés pour la justice.
Cette béatitude annonce le même bonheur que la première : le Royaume des Cieux appartient aux persécutés, comme aux pauvres en esprit ; ainsi nous comprenons que nous sommes parvenus au terme d’un parcours unitaire qui s’est déroulé dans les annonces précédentes.
La pauvreté en esprit, les pleurs, la douceur, la soif de sainteté, la miséricorde, la purification du coeur et les oeuvres de paix peuvent conduire à la persécution à cause du Christ, mais cette persécution est finalement cause de joie et de grande récompense dans les cieux. Le sentier des Béatitudes est un chemin pascal qui conduit d’une vie selon le monde à une vie selon Dieu, d’une existence guidée par la chair – c’est-à-dire par l’égoïsme – à une existence guidée par l’Esprit.
Le monde, avec ses idoles, ses compromis et ses priorités, ne peut approuver ce type d’existence. Les « structures de péché » (1), souvent produites par la mentalité humaine, si étrangères à l’Esprit de vérité que le monde ne peut pas recevoir (cf. Jn 14,17), ne peuvent que refuser la pauvreté ou la douceur ou la pureté et déclarer que la vie selon l’Évangile est une erreur et un problème, par conséquent quelque chose qu’il faut marginaliser. Le monde pense ceci : « Ce sont des idéalistes ou des fanatiques… ». C’est ce qu’ils pensent.
Si le monde vit en fonction de l’argent, quiconque démontre que la vie peut se réaliser dans le don et dans le renoncement devient une gêne pour le système de l’avidité. Ce mot « gêne » est un mot-clé, parce que le seul témoignage chrétien, qui fait tant de bien à tant de monde qui le suit, gêne ceux qui ont une mentalité mondaine. Ils vivent cela comme un reproche. Quand apparaît la sainteté et qu’émerge la vie des enfants de Dieu, il y a dans cette beauté quelque chose qui dérange et qui invite à une prise de position : soit accepter de se remettre en cause et de s’ouvrir au bien soit refuser cette lumière et endurcir son coeur, y compris jusqu’à l’opposition et l’acharnement (cf. Sg 2, 14-15). C’est curieux, il est frappant de voir combien, dans les persécutions des martyrs, l’hostilité grandit jusqu’à l’acharnement. Il suffit de voir les persécutions du siècle dernier, des dictatures européennes : comment on en arrive à l’acharnement contre les chrétiens et contre l’héroïcité des chrétiens.
Mais cela montre que le drame de la persécution est aussi le lieu de la libération de l’assujettissement au succès, à la vaine gloire et aux compromis du monde. De quoi se réjouit celui qui est refusé par le monde à cause du Christ ? Il se réjouit d’avoir trouvé quelque chose qui vaut plus que le monde entier. « Quel avantage, en effet, un homme a-t-il à gagner le monde entier si c’est au prix de sa vie ? » (Mc 8,36). Quel avantage y a-t-il ?
Il est douloureux de se souvenir qu’en ce moment de nombreux chrétiens subissent des persécutions dans différentes zones du monde et nous devons espérer et prier afin que soit mis fin à leur tribulation le plus tôt possible. Ils sont nombreux : les martyrs d’aujourd’hui sont plus nombreux que ceux des premiers siècles. Exprimons notre proximité à ces frères et soeurs : nous sommes un unique corps et ces chrétiens sont les membres sanglants du corps du Christ qu’est l’Église.
Mais nous devons rester attentifs à ne pas lire non plus cette béatitude dans une perspective victimiste, d’auto-commisération. En effet, le mépris des hommes n’est pas toujours synonyme de persécution : justement, peu de temps après, Jésus dit que les chrétiens sont le « sel de la terre », et il met en garde contre le danger de « perdre sa saveur », sinon le sel « ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens » (Mt 5,13). Il y a donc également un mépris qui vient de notre faute, quand nous perdons la saveur du Christ et de l’Évangile.
Il faut être fidèles à l’humble sentier des Béatitudes, parce c’est celui qui conduit à appartenir au Christ et non au monde. Cela vaut la peine de se souvenir du parcours de saint Paul : quand il pensait être un juste, en fait, il était un persécuteur, mais quand il a découvert qu’il était un persécuteur, il est devenu un homme d’amour, affrontant joyeusement les souffrances de la persécution qu’il subissait (cf. Col 1,24).
L’exclusion et la persécution, si Dieu nous en accorde la grâce, nous font ressembler au Christ crucifié et, en nous associant à sa passion, elles sont la manifestation de la vie nouvelle. Cette vie est celle du Christ qui, pour nous les hommes et pour notre salut, fut « méprisé et rejeté par les hommes » (cf. Is 53,3 ; Ac 8, 30-35). Accueillir son Esprit peut nous conduire à avoir assez d’amour dans le coeur pour offrir sa vie pour le monde, sans faire de compromis avec ses mensonges et en acceptant qu’il nous refuse. Les compromis avec le monde sont le danger : le chrétien est toujours tenté de faire des compromis avec le monde, avec l’esprit du monde. Cette vie – refuser les compromis et emprunter la route de Jésus-Christ – est la vie du Royaume des Cieux, la plus grande joie, la véritable allégresse. Et ensuite, dans les persécutions, il y a toujours la présence de Jésus qui nous accompagne, la présence de Jésus qui nous console et la force de l’Esprit qui nous aide à aller de l’avant. Ne nous décourageons pas quand une vie cohérente avec l’Évangile attire les persécutions des gens : l’Esprit est là qui nous soutient, sur ce chemin.
(1) Cf. Discours aux participants au séminaire : « Nouvelles formes de fraternité solidaire, d’inclusion, d’intégration et d’innovation », 5 février 2020 : « L’idolâtrie de l’argent, l’avidité, la corruption, sont toutes des « structures de péché » – comme les définissait Jean-Paul II – produites par la « mondialisation de l’indifférence ».