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Un « voyage de rencontres » : le pape François a résumé ainsi sa journée à Genève lors de la Conférence de presse qu’il a tenue dans l’avion Genève-Rome, le 21 juin 2018, en réponse à une question, en espagnol, du journaliste suisse Arnaud Bédat, auteur de différents livres sur le pape Bergoglio dont François l’Argentin (Pygmalion).
Réponse faite par le pape François :
« Merci. Je crois que – je dirais – il y a un mot commun: rencontre. Cela a été une journée de rencontres. Variées. La parole juste de cette journée c’est « rencontre », et quand une personne en rencontre une autre et ressent le plaisir de la rencontre, cela touche toujours le cœur. Ce furent des rencontres positives, belles, à commencer par le dialogue avec le Président [de la Confédération helvétique], au début : cela n’a pas été seulement un dialogue de courtoisie, normal, mais un dialogue profond sur des sujets mondiaux profonds et avec une intelligence qui il m’a frappé. Voilà pour commencer.
Ensuite, les rencontres que vous avez tous vues … Et ce que vous n’avez pas vu, c’est la rencontre du déjeuner, qui a été très profonde dans la manière de toucher tant de sujets. Le sujet sur lequel nous avons passé le plus de temps c’est peut-être celui des jeunes, parce que toutes les Confessions sont préoccupées, dans le bon sens, pour les jeunes. Et le pré-synode qui a eu lieu à Rome, à partir du 19 mars, a pas mal attiré l’attention, parce qu’il y avait des jeunes de toutes les Confessions, même des agnostiques, et de tous les pays. Voyez: 315 jeunes présents et 15 000 connectés en ligne qui « entraient et sortaient ». Cela a peut-être réveillé un intérêt particulier. Mais la parole qui pour moi résume peut-être l’ensemble du voyage c’est que cela a été un voyage de rencontre. L’expérience de la rencontre. Pas de simple courtoisie, rien de purement formel, mais une rencontre humaine. Et cela, entre protestants et catholiques, c’est tout dire … Merci. »
Le pape François a résumé ainsi la position des évêques allemands et la position du cardinal espagnol Luis Ladaria Ferrer, SJ, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lors de la Conférence de presse qu’il a tenue dans l’avion Genève-Rome, le 21 juin 2018, en réponse à une question, en italien, du journaliste allemand Roland Juchem.
Réponse faite par le pape François :
« Bien. Ce n’est pas nouveau, car le code de droit canonique prévoit ce dont parlaient les évêques allemands: la communion dans des cas spéciaux. Et ils considéraient le problème des mariages mixtes: quand c’est possible ou quand cela ne l’est pas. Mais le Code dit que l’évêque de l’Église particulière – ce mot est important: particulière, s’il est d’un diocèse – doit gérer cela: c’est entre ses mains. Voilà ce que dit le Code.
Les évêques allemands, qui avaient vu que l’affaire n’était pas claire, et aussi que certains prêtres faisaient les choses pas d’accord avec l’évêque, ont voulu étudier ce thème et ils ont fait cette étude qui – je ne veux pas exagérer – a été une étude de plus d’un an, je ne sais pas bien mais plus d’un an, bien faite, bien faite.
Et cette étude est restrictive: ce que voulaient les évêques, c’est de dire clairement ce qu’il y a dans le Code. Et moi aussi, je le lis, je dis: c’est un document restrictif. Ce n’était pas une « ouverture à tout le monde ». Non. C’était une chose bien pensée, avec un esprit ecclésial. Et ils ont voulu le faire pour l’Église locale: pas le l’Eglise particulière. Ce n’était pas ce qu’ils voulaient.
La chose a glissé jusqu’à dire que c’était pour la Conférence épiscopale allemande. Et c’est là le problème, car le Code ne prévoit pas cela. Il prévoit la compétence de l’évêque diocésain, mais pas de la Conférence épiscopale. Pouquoi? Parce que quelque chose d’approuvé par une conférence épiscopale devient immédiatement universel. Et c’était la difficulté de la discussion: pas tant le contenu, que cela.
Ils ont envoyé le document. Puis il y a eu deux ou trois rencontres de dialogue et de clarification; et l’archevêque Ladaria a envoyé cette lettre, mais avec ma permission, il ne l’a pas fait tout seul. Je lui ai dit: « Oui, il est préférable de faire un pas en avant et de dire que le document n’est pas encore mûr – c’était ce que la lettre disait – et que l’on devait étudier davantage la question ».
Puis il y a eu une autre réunion, et finalement ils vont étudier la chose. Je crois que ce sera un document d’orientation, car chacun des évêques diocésains peut gérer ce que le Droit canonique permet déjà. Il n’y a pas eu de freinage, non. Il s’est agi de gérer la chose pour qu’elle aille sur la bonne voie.
Quand j’ai visité l’église luthérienne à Rome, une question comme celle-là m’a été posée et j’ai répondu selon l’esprit du Code de droit canonique, l’esprit qu’ils [les évêques] cherchent maintenant. Il n’y a peut-être pas eu la bonne information au bon moment, il y a un peu de confusion, mais voilà la chose. Dans l’Église particulière, le Code le permet; dans l’Église locale, il ne peut pas, parce que ce serait universel. Voilà. »
Le journaliste demande si « Eglise locale » signifie bien la « conférence ». Le pape répond:
« … C’est la conférence. Mais la Conférence peut étudier et donner des directives pour aider les évêques à traiter des cas particuliers. Merci. »
Le pape François a résumé ainsi ses messages sur la dignité des réfugiés, le 21 juin 2018, en réponse à une question, en italien, de la journaliste espagnole Eva Fernández. Au lendemain de la Journée mondiale des réfugiés.
Réponse faite par le pape François :
« J’ai beaucoup parlé des réfugiés et les critères sont dans ce que j’ai dit: «accueillir, protéger, promouvoir, intégrer». Ce sont des critères pour tous les réfugiés. Puis j’ai dit que chaque pays doit faire cela avec la vertu du gouvernement qui est la prudence, car un pays doit accueillir autant de réfugiés que possible et autant qu’il peut les intégrer: intégrer, c’est-à-dire éduquer, donner du travail … Voilà, disons, le plan tranquille, serein, des réfugiés.
Ici, nous vivons une vague de réfugiés fuyant les guerres et la faim. Guerre et faim dans de nombreux pays d’Afrique, guerres et persécutions au Moyen-Orient. L’Italie et la Grèce ont été très généreuses dans l’accueil. Pour le Moyen-Orient – en ce qui concerne la Syrie – la Turquie en a reçu tant; Liban, tant: le Liban a autant de Syriens que de Libanais; puis la Jordanie et d’autres pays. Même l’Espagne en avait accueillis.
Il y a le problème du trafic des migrants. Et il y a aussi le problème des cas où ils repartent, parce qu’ils doivent repartir: il y a ce cas … Je ne connais pas bien les termes de l’accord, mais si ils sont dans les eaux libyennes, il doivent repartir … Et j’ai vu les photos des prisons de trafiquants. Les trafiquants séparent immédiatement les femmes des hommes: les femmes et les enfants vont Dieu sait où … C’est ce que font les trafiquants. Il y a aussi un cas, je le sais, où les trafiquants se sont approchés d’un navire qui avait recueilli des réfugiés des bateaux et ils ont dit: «Donnez-nous les femmes et les enfants et emmenez les hommes». Voilà ce que font les trafiquants.
Et les prisons des trafiquants, pour ceux qui sont retournés, sont terribles, elles sont terribles. Dans les camps de la Seconde Guerre mondiale on voyait cela. Même des mutilations, des tortures … Et puis ils les jettent dans les fosses communes, les hommes.
Voilà pourquoi les gouvernements se préoccupent de ne pas les faire repartir, pour qu’ils ne tombent pas entre les mains de ces gens-là. La préoccupation est mondiale. Je sais que les gouvernements en parlent et qu’ils veulent trouver un accord, même pour amender l’Accord de Dublin.
En Espagne, vous avez eu le cas de ce navire qui est arrivé à Valence. Mais tout ce phénomène est un désordre. Le problème des guerres est difficile à résoudre; le problème de la persécution des chrétiens aussi, au Moyen-Orient et aussi au Nigeria.
Mais le problème de la faim peut être résolu. Et beaucoup de gouvernements européens pensent à un plan d’urgence pour investir dans ces pays, investir intelligemment, donner du travail et une éducation, ces deux choses. Dans les pays d’où viennent ces personnes. Parce que – sans offenser, mais c’est la vérité – dans l’inconscient collectif, il y a une horrible devise: «L’Afrique doit être exploitée» – Africa es para ser explotada. C’est dans l’inconscient: « Eh, ce sont des Africains! … ». Terre d’esclaves. Et cela doit changer avec ce plan d’investissements, d’éducation, de développement, parce que le peuple africain a tant de richesses culturelles, tant ! Et ils ont une grande intelligence: les enfants sont très intelligents et ils peuvent, avec une bonne éducation, aller plus loin. Ce sera la route à moyen terme.
Mais sur le moment, les gouvernements doivent se mettre d’accord pour avancer avec cette urgence. Ceci, ici, en Europe.
Allons en Amérique. En Amérique, il y a un gros problème migratoire en Amérique latine, et il y a aussi le problème de la migration interne. Dans ma patrie, il y a un problème de migration du nord au sud; les gens quittent la campagne parce qu’il n’y a pas de travail et ils vont dans les grandes villes, et il y a ces mégapoles, ces bidonvilles, et toutes ces choses … Mais il y a aussi une migration externe vers d’autres pays qui donnent du travail. Pour parler concrètement, vers les États-Unis. Je suis d’accord avec ce que disent les évêques de ce pays. Je les soutiens. Merci. »
Le pape François a résumé ainsi la volonté des responsables chrétiens qu’il a rencontrés à Genève, en répondant, pendant le vol Genève-Rome, le 21 juin 2018, à une question, en italien, de la journaliste des Etats-Unis Deborah Castellano Lubov, sur la paix et la non-violence chrétienne.
Réponse faite par le pape François :
« Vous avez a mis le doigt dans la plaie … Aujourd’hui, au déjeuner, un pasteur a dit que peut-être le premier droit humain c’est le droit d’à l’espérance, et cela m’a plu, et entre un peu dans ce sujet. Nous avons parlé de la crise des droits humains aujourd’hui. Je pense que je dois commencer par cela pour arriver à votre question. La crise des droits de l’homme semble claire. On parle un peu de droits de l’homme, mais beaucoup de groupes ou certains pays prennent leurs distances. Oui, nous avons des droits humains mais … il n’y a pas la force, l’enthousiasme, la conviction, je ne dis pas d’il y a 70 ans, mais d’il y a 20 ans. Et c’est grave, car nous devons voir les causes. Quelles sont les causes qui font que nous en sommes arrivés à cela? Qu’aujourd’hui les droits de l’homme sont relatifs. Même le droit à la paix est relatif. C’est une crise des droits de l’homme. Je pense que nous devons y réfléchir à fond.
Ensuite, ce qu’on appelle les « Églises de la paix ». Je crois que toutes les Églises qui ont cet esprit de paix doivent s’unir et travailler ensemble, comme nous l’avons dit dans les discours d’aujourd’hui, moi et les autres personnes qui ont pris la parole, et au déjeuner, on en a parlé. L’unité pour la paix. Aujourd’hui, la paix est une exigence, car il y a un risque de guerre … Quelqu’un a dit: cette troisième guerre mondiale, si elle se fait, nous savons quelles armes elle se fera, mais s’il y en a une quatrième, nous le ferons avec des bâtons, parce que l’humanité sera détruite. L’engagement pour la paix c’est une affaire sérieuse.
Quand on pense à l’argent que l’on dépense en armements! C’est pourquoi il y a les « Églises de la paix »: mais c’est le commandement de Dieu! La paix, la fraternité, l’humanité unie … Et les conflits, il ne faut pas les résoudre comme Caïn, mais les résoudre par la négociation, le dialogue et les médiations.
Par exemple, nous sommes en crise de médiations! La médiation, qui est une figure juridique si précieuse, est en crise aujourd’hui. Crises d’espérance, crises des droits de l’homme, crises des médiations, crises de paix. Mais ensuite, si vous dites qu’il y a des «Églises de la paix», je me demande: y a-t-il des «Églises de guerre»? C’est difficile à comprendre, c’est difficile, mais il y a certainement des groupes, et je dirais dans presque toutes les religions, des petits groupes, en simplifiant un peu, je dirai des «fondamentalistes», qui cherchent les guerres. Nous autres catholiques en avons aussi, qui cherchent toujours la destruction. Et c’est très important de l’avoir sous les yeux. Je ne sais pas si j’ai répondu … »
Le « prosélytisme » : voilà un mot à rayer du dictionnaire, a expliqué le pape François, spontanément, devant la presse :
« Juste un mot que je veux dire clairement: aujourd’hui c’était une journée œcuménique, vraiment œcuménique. Et au déjeuner, nous avons dit une belle chose, que je vous laisse pour que vous y pensiez et que vous y réfléchissiez : dans le mouvement oecuménique, nous devons retirer un mot du dictionnaire: le prosélytisme. Est-ce que c’est clair? Il ne peut y avoir d’oecuménisme avec le prosélytisme, il faut choisir: soit tu as l’esprit oecuménique, soit tu es un «prosélyte». »
Le pape François considère ici tous les baptisés. Il avait déjà répondu sur ce thème à un jeune, dans la cathédrale de Tbilissi (Géorgie) le 1er octobre 2017, à propos des relations avec les chrétiens orthodoxes : le pape dénonçait dans le prosélytisme un « gros péché ».
Le pape disait : « Qu’est-ce que je dois faire avec un ami, un voisin, une personne orthodoxe ? Etre ouvert, être un ami. » Et puis il s’était demandé: « Mais est-ce que je dois forcément le convertir ? » Il avait répondu clairement : « Il y a un gros péché contre l’œcuménisme : le prosélytisme. On ne doit jamais faire du prosélytisme avec les orthodoxes ! Ce sont nos frères et nos sœurs, des disciples de Jésus-Christ. En raison de situations historiques très complexes, nous sommes devenus ainsi. Eux et nous, nous croyons dans le Père, le Fils et l’Esprit Saint, nous croyons à la Sainte Mère de Dieu. « Et qu’est-ce que je dois faire ? » Ne pas condamner – non, je ne peux pas ! -. Amitié, marcher ensemble, prier les uns pour les autres. Prier et faire des œuvres de charité ensemble, quand c’est possible. Voilà l’œcuménisme. Mais ne jamais condamner un frère ou une sœur, ne jamais refuser de saluer une personne parce qu’elle est orthodoxe. »