« Je n’ai pas l’impression d’être un homme exceptionnel », « je ne suis qu’un homme qui fait ce qu’il peut ». C’est ce que confie le Pape François dans un entretien accordé à l’hebdomadaire allemand Die Zeit et publié ce mercredi 8 mars 2017. Interrogé sur de nombreux sujets, liés intrinsèquement à l’Église, à la situation politique en Europe et à sa vie personnelle, le Pape répond sans ambages et directement au rédacteur en chef de la revue. Les précisions de Xavier Sartre
« Le manque de vocations est un problème que l’Église doit résoudre ». Dès le début de l’entretien, le Pape est confronté à l’une des crises les plus préoccupantes, au moins en Europe : celle des vocations. Pour l’affronter, il faut prier, ce qui nous manque, constate François. Il faut ensuite travailler avec les jeunes « qui sont les grands oubliés de la société moderne parce qu’ils n’ont pas de travail dans de nombreux pays ».
Un autre obstacle apparait : celui de la natalité. « S’il n’y a pas de jeunes, il n’y aura pas de prêtres ». En outre, pour susciter les vocations, il ne faut pas avoir recours au prosélytisme, avertit François. « Aujourd’hui, affirme-t-il, il y a tant de jeunes et ensuite, ceux-ci ruineront l’Église parce qu’ils ne sont pas prêtres par vocation. La vocation est importante » explique le Pape. « L’Église fait l’eucharistie, mais l’eucharistie fait l’Église » résume-t-il.
Concernant le célibat optionnel, François reconnait qu’il fait partie du débat, surtout là où il y a un grand manque de prêtres. « Mais le célibat optionnel n’est pas la solution » répète-t-il. Quant aux viri probati, ces hommes mariés qui deviennent diacres, c’est une possibilité reconnait-il. « Mais on doit aussi décider du type de tâches qu’ils doivent assumer, par exemple pour les communautés isolées ». Une chose est sûre pour le Pape François. Il ne faut pas avoir peur car la peur ferme les portes tandis que la liberté les ouvre.
Attaques personnelles
Revenant sur les affiches critiques à son égard qui ont été placardées dans les rues de Rome, le Pape préfère en rire : « le romanaccio (le dialecte romain NDLR) utilisé dans ces manifestes, c’était magnifique ». En revanche il n’a pas apprécié le faux numéro de l’Osservatore Romano envoyé aux membres de la Curie au sujet d’Amoris Laetita. Une chose est sûre : depuis qu’il a été élu pape, François n’a pas perdu la paix. Il comprend que sa façon d’agir ne plaise pas à tout le monde. Il confesse demander dans ses prières « le sens de l’humour » pour affronter toutes ces épreuves.
A l’inverse de ces attaques et de ces critiques, il y a une sorte d’idéalisation dont fait l’objet le Pape pour ses prises de parole et son style. Le Pape François n’est pas pour autant à l’aise avec cela. Il reconnait volontiers être un pécheur. « Mais il ne faut pas oublier que l’idéalisation d’une personne est une forme subtile d’agression ». « Et quand on m’idéalise, je me sens agressé ».
Die Zeit a abordé la crise qu’il y a eu entre le Saint-Siège et l’Ordre de Malte au sujet de l’ancien grand chancelier, Albrecht von Boeselager. François reconnait qu’il y avait des problèmes au sein de l’Ordre et qu’ils devaient être résolus, « c’est pourquoi j’ai nommé un délégué capable de les résoudre, avec un charisme que n’a pas le cardinal Burke », ce dernier restant toutefois patron de l’Ordre.
Concernant les voyages à venir, il a confirmé des déplacements en Inde, au Bangladesh et en Colombie. Il aurait aimé se rendre au Congo-Brazzaville et coupler cette visite avec la République démocratique du Congo mais « avec Kabila, ça ne va pas ». Il a exprimé de nouveau son souhait d’aller en Russie, mais cela implique d’aller également en Ukraine. « L’important serait d’aller au Soudan du Sud », mais il reconnait que ce ne sera pas possible. Un voyage en Égypte serait aussi à l’étude.
Crise de la foi
Interrogé sur la crise de la foi que peuvent vivre les fidèles, le Pape admet que « la crise fait partie de la vie de la foi ; une foi qui n’entre pas en crise pour grandir, reste, en général, non ? infantile ». Reconnaissant avoir lui-même traversé des moments de doute, le Pape affirme que « la foi est un don, on te la donne ». « Je demande à Dieu et Lui me répond » poursuit-il, concluant : « la foi n’est pas un acquis ».
Revenant sur la prière, le Pape rappelle une évidence : il faut « prier pour les bonnes choses ». François revient sur ce que Jésus a demandé au Père pour les apôtres : les protéger de l’esprit du monde, c’est-à-dire « l’esprit de l’orgueil, du pouvoir de dominer ». Faire le signe de la croix avant de tuer quelqu’un comme le font les mafiosi, « c’est une maladie » déplore le Pape. Mais ce qui le met en colère le plus, « c’est quand l’Église, la Sainte Mère l’Église, ma mère, mon épouse, ne témoigne pas de sa fidélité à l’évangile : cela me fait mal ».
Le Pape est également interrogé sur les crises politiques qui secouent l’Europe. « Derrière les populismes, affirme-t-il, il y a toujours un messianisme. Il y a aussi une justification : l’identité du peuple ». Or, « le populisme est mauvais et à la fin, cela finit mal comme nous le montre le siècle passé », faisant explicitement référence au nazisme.