« Eduquer les jeunes, les évangéliser, et en faire des disciples missionnaires est une tâche ardue, patiente, mais très urgente et nécessaire », déclare le pape François dans le discours prononcé ce vendredi matin, 28 février, devant les membres de la Commission pontificale pour l’Amérique latine et les Caraïbes, présidée par le cardinal canadien Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques.
Le pape a commenté l’Evangile du jeune homme riche, manifestant les trois attitudes de Jésus à imiter dans les relations avec les jeunes : accueil sans condition, dialogue franc, et appel à le suivre.
Les jeunes, a insisté le pape, « ont besoin d’être des amis du Christ », de sentir « la chaleur de la Sainte Mère Eglise » et de Marie.
Et pour cela, fait observer le pape, « il ne suffit pas de leur ouvrir les portes, il faut sortir les chercher »
Discours du pape François :
Chers frères,
Vous recevoir ce matin me remplit de joie. Je remercie le cardinal Marc Ouellet pour la salutation qu’il m’a adressée au nom de tous, en me présentant les lignes directrices de vos travaux et les objectifs qui animent votre travail. Cette année, dans le sillage de la Journée mondiale de la jeunesse de Rio de Janeiro, vous avez voulu centrer vos réflexions sur les millions de jeunes d’Amérique latine et des Caraïbes, qui vivent dans des situations « d’urgence éducative » et pour lesquels se pose la question fondamentale de la transmission de la foi. L’Eglise veut imiter Jésus dans son approche des jeunes. Elle désire leur redire que cela vaut la peine de suivre l’exemple qu’il nous a donné, un exemple d’engagement, de service, d’amour désintéressé, de lutte pour la justice et pour la vérité. La Sainte Mère Eglise est convaincue que le meilleur Maître pour les jeunes, c’est Jésus-Christ. Elle veut inculquer en eux tous ses propres sentiments, en leur montrant ainsi qu’il est beau de vivre comme il l’a fait, en bannissant l’égoïsme et en se laissant attirer par la beauté de la bonté.
Qui connaît Jésus en profondeur ne reste pas sur son divan. Il adopte son style de vie et devient un disciple missionnaire de son Evangile, en donnant le témoignage enthousiaste de sa foi, sans épargner les sacrifices. J’ai toujours été impressionné par la rencontre de Jésus avec le jeune homme riche (cf. Lc 18,18-23). Je crois que c’est un beau modèle, qui expose sur le vif la pédagogie du Seigneur. Je me limite à trois aspects de ce récit : comment le Christ accueille, écoute et appelle ce jeune à le suivre.
1. L’accueil
C’est le premier geste de Jésus et aussi le nôtre. Il est préalable à tout enseignement ou toute mission apostolique. Le Christ s’est arrêté avec ce jeune, il l’a regardé avec affection, avec beaucoup d’amour : c’est la charité qui embrasse sans conditions. Le Seigneur se place dans la situation de chacun, y compris de ceux qui le rejettent. Il ne les paye pas de la même monnaie. Etre proche des jeunes dans tous leurs milieux de vie : l’école, la famille, le travail..., attentifs à leurs besoins et à leurs aspirations, pas seulement matérielles. Beaucoup passent par des problèmes graves. Comment ne pas penser à l’échec scolaire, au chômage, à la solitude, à l’amertume des familles désunies. Ce sont des moments difficiles, qui leur font faire l’expérience de la frustration et de la vulnérabilité ; ils deviennent vulnérables à la drogue, au sexe sans amour, à la violence… Il nous est demandé de ne pas abandonner les jeunes, de ne pas les laisser au bord du chemin ; ils ont besoin de se sentir mis en valeur dans leur dignité, entourés d’affection, compris.
2. Ensuite, Jésus engage un dialogue franc et cordial avec ce jeune. Il a entendu ses inquiétudes et il les a éclairées par la lumière de l’Ecriture sainte. D’emblée, Jésus ne condamne pas, n’a pas de préjugés, ne tombe pas dans les éternels clichés ; de la même manière, les jeunes doivent se sentir chez eux dans l’Eglise. Il ne suffit pas de leur ouvrir les portes, il faut sortir les chercher, en se mettant au diapason de leurs demandes, et en leur donnant un espace pour qu’ils se sentent écoutés. L’[Eglise] est mère et ne peut pas demeurer indifférente, mais connaître leurs préoccupations et les présenter au cœur de Dieu.
3. Et à la fin, Jésus invite le jeune à le suivre : « Vends tout… et ensuite viens et suis-moi » (cf. Lc 18,22). Ces paroles n’ont rien perdu de leur actualité. Les jeunes doivent les entendre de nous. Qu’ils entendent que Jésus n’est pas un personnage de roman, mais une personne vivante, qui veut partager ce désir irrépressible qu’ils ont de vivre, de se dévouer, de s’engager. Si nous nous contentons de leur apporter une simple consolation humaine, nous les décevons. C’est important que leur offrir le meilleur que nous ayons : Jésus-Christ, son Evangile, et avec lui, un horizon nouveau qui leur permette d’affronter la vie avec cohérence, honnêteté, hauteur de vues. Ils voient les maux du monde et ils ne se taisent pas, ils mettent le doigt sur la plaie, ils demandent un monde meilleur, ils n’admettent pas de succédanés. Ils veulent être les acteurs de leur présent et des bâtisseurs d’un avenir sans mensonge, sans corruption, sans manque de solidarité… L’Eglise qui est en Amérique latine ne peut pas laisser de côté le trésor de sa jeunesse, avec toutes ses potentialités, pour la croissance de la société, avec ses grandes aspirations à forger une grande famille de frères réconciliés dans l’amour. Sur ce chemin, Jésus va, sort la rencontre de nos jeunes, il les appelle à ses côtés et il leur offre sa force, sa Parole, dans laquelle ils peuvent trouver l’inspiration pour relever les défis qui se présentent. Ils ont besoin d’être des amis du Christ, pour devenir des « jeunes des rues de la foi » et le porter à tous les coins de rue, sur toutes les places, dans tous les angles de la terre (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, 106). Et qu’ils sentent la chaleur de la Sainte Mère Eglise, quand elle les reçoit et quand elle les accompagne ; et la chaleur d’une autre mère, celle de Jésus, et la nôtre. Quand nous marchons saisis par sa main, la peur nous quitte et nous apprenons à sourire d’une façon nouvelle.
Chers frères, les jeunes nous attendent. Ne les décevons pas. Je vous invite à relever ce défi avec décision. Que les communautés chrétiennes d’Amérique latine et des Caraïbes sachent être des accompagnatrices, maîtresses et mères de tous et de chacun de ses jeunes. Eduquer les jeunes, les évangéliser, et en faire des disciples missionnaires est une tâche ardue, patiente, mais très urgente et nécessaire. Je vous avoue que cela en vaut la peine. Saluez les jeunes en mon nom en leur disant que je leur demande la faveur de prier pour moi. Que Jésus vous accompagne toujours et vous bénisse.