Ces 9 et 10 juillet 2024, à Hiroshima au Japon, se déroule un événement interreligieux historique: sur le lieu dévasté par la première bombe atomique en 1945, seize responsables des principales religions ont signé l’appel de Rome pour une éthique de l’intelligence artificielle. Une occasion pour le Pape François de rappeler que l’innovation technologique doit aller de pair avec la paix, dans le respect de la dignité humaine.
Message du Saint-Père aux participants
à la rencontre “AI Ethics for Peace”
[Hiroshima, 9-10 juillet 2024]
Chèrs amis, je vous adresse ces salutations pour votre rencontre intitulée «AI Ethics for Peace ». L'intelligence artificielle et la paix sont deux sujets d'une importance absolue, comme j'ai eu l'occasion de le souligner devant les dirigeants politiques du G7: «Il faut toujours garder à l’esprit que la machine peut, sous certaines formes et par ces nouveaux moyens, produire des choix algorithmiques. Ce que fait la machine est un choix technique entre plusieurs possibilités et se base soit sur des critères bien définis, soit sur des déductions statistiques. L’être humain, quant à lui, non seulement choisit, mais dans son cœur il est capable de décider. La décision est un élément que nous pourrions concevoir plus stratégique qu’un choix et nécessite une évaluation pratique. Parfois, et bien souvent dans la tâche difficile de gouverner, nous sommes appelés à prendre des décisions qui ont des conséquences pour de nombreuses personnes. Depuis toujours la réflexion humaine parle à ce propos de sagesse, la phronesis de la philosophie grecque et au moins en partie la sagesse de l’Ecriture Sainte. Face aux prodiges des machines, qui semblent capables de choisir de manière autonome, nous devons être clairs sur le fait que la décision doit toujours être laissée à l’être humain, même dans une tournure dramatique et urgente avec laquelle elle se présente parfois dans nos vies. Nous condamnerions l’humanité à un avenir sans espoir si nous retirions aux gens la capacité de décider d’eux-mêmes et de leur vie, les condamnant à dépendre des choix des machines. Nous devons garantir et protéger un espace de contrôle humain significatif sur le processus de choix des programmes d’intelligence artificielle: la dignité humaine elle-même en dépend» (Discours au G7, 14 juin 2024).
En saluant cette initiative, je vous demande de montrer au monde qu'unis, nous exigeons un engagement proactif pour protéger la dignité humaine dans cette nouvelle ère d'utilisation des machines.
Le fait que vous vous réunissiez à Hiroshima pour parler d'intelligence artificielle et de paix revêt une grande importance symbolique. Au milieu des conflits actuels qui secouent le monde, nous entendons malheureusement de plus en plus parler de cette technologie, en plus de la haine de la guerre. C'est pourquoi je considère que l'événement d'Hiroshima est d'une importance extraordinaire. Il est crucial que, unis comme des frères, nous puissions rappeler au monde que: «dans un drame tel qu’un conflit armé, il est urgent de repenser le développement et l’utilisation de dispositifs tels que les “armes autonomes létales” afin d’en interdire l’usage, en commençant déjà par un engagement dynamique et concret à introduire un contrôle humain de plus en plus significatif. Aucune machine ne devrait jamais choisir d’ôter la vie à un être humain» (Discours au G7, 14 juin 2024).
Face à la complexité des questions qui se posent à nous, y compris dans la gouvernance de l'intelligence artificielle, les richesses culturelles des peuples et des religions sont une clé stratégique du succès de votre engagement en vue d'une gestion avisée de l'innovation technologique.
Tout en souhaitant que cette réunion porte des fruits de fraternité et de collaboration, je prie pour que chacun d'entre nous devienne un instrument de paix pour le monde.
François