Le pape François, toujours enrhumé, a présidé la messe en rite zaïrois, ce dimanche 1er décembre 2019, à l’autel de la « Chaire de Saint Pierre » de la basilique vaticane, à l’occasion du jubilé d’argent de l’aumônerie congolaise de Rome et de la béatification (24 avril 1994) du bienheureux Isidore Bakanja (1885 – 1909), et de la fête de la bienheureuse Anuarite Marie-Clémentine Nengapeta (1939-1964) béatifiée le 15 août 1985 , deux martyrs. Différentes langues de RDC ont été intégrées à la messe.
Homélie du pape François :
Pape François: Boboto [paix]
Assemblée: Bondeko [faternité]
Pape François: Bondeko
Assemblée: Esengo [joie]
Dans les Lectures d’aujourd’hui figure un verbe, venir, qu’on retrouve trois fois dans la première Lecture, tandis que l’Évangile, pour conclure, affirme que « le Fils de l’homme viendra » (Mt 24, 44). Jésus vient : l’Avent nous rappelle cette certitude déjà par son sens même, car le mot Avent signifie venue.
Le Seigneur vient : voici la racine de notre espérance, la certitude qu’au milieu des tribulations du monde arrive la consolation de Dieu, une consolation qui n’est pas faite de paroles, mais de présence, de la présence de celui qui vient parmi nous. Le Seigneur vient ; aujourd’hui, premier jour de l’Année liturgique, cette annonce représente notre point de départ : nous savons qu’au-delà de tout événement favorable ou contrariant, le Seigneur ne nous laisse pas seuls. Il est venu il y a deux mille ans et il viendra encore à la fin des temps, mais il vient aujourd’hui également dans ma vie, dans ta vie. Oui, notre vie, avec tous ses problèmes, ses angoisses et ses incertitudes, reçoit la visite du Seigneur. Voilà la source de notre joie : le Seigneur ne s’est pas lassé et ne se lassera jamais de nous, il désire venir, il désire nous rendre visite.
Aujourd’hui, le verbe venir a non seulement comme sujet Dieu, mais nous aussi. En effet, dans la première Lecture Isaïe prédit : « Viendront des peuples nombreux. Ils diront : « Venez ! montons à la montagne du Seigneur » (2, 3). Tandis que le mal sur la terre vient du fait que chacun suit son propre chemin sans les autres, le prophète offre une vision merveilleuse : tous les peuples viennent ensemble à la montagne du Seigneur. Sur la montagne, il y avait le temple de Dieu, la maison de Dieu. Isaïe nous transmet donc une invitation de la part de Dieu à aller chez lui. Nous sommes les invités de Dieu, et celui qui est invité est attendu, désiré. ‘‘Venez, dit Dieu, car dans ma maison il y a de la place pour tout le monde. Venez, car je ne porte pas dans mon cœur seulement un peuple, mais chaque peuple’’.
Chers frères et sœurs, vous êtes venus de loin. Vous avez quitté vos maisons, vous avez quitté des proches et des choses qui vous sont chères. Arrivés ici, vous avez trouvé à la fois accueil, difficultés et imprévus. Mais pour Dieu, vous êtes toujours des invités bienvenus. Pour lui, nous ne sommes pas des étrangers, mais des enfants attendus. Et l’Église est la maison de Dieu : sentez-vous donc toujours chez vous ici. Nous venons ici pour marcher ensemble vers le Seigneur et réaliser les paroles par lesquelles se conclut la prophétie d’Isaïe : « Venez […] ! Marchons à la lumière du Seigneur » (v. 5).
Mais on peut préférer les ténèbres à la lumière du Seigneur. On peut répondre ‘‘non’’ au Seigneur qui vient, tout comme à son invitation à aller chez lui. Souvent, il ne s’agit pas d’un ‘‘non’’ direct, insolent, mais sournois. C’est le ‘‘non’’ contre lequel Jésus met en garde dans l’Évangile, en nous exhortant à ne pas faire comme « aux jours de Noé » (Mt 24, 37). Que s’est-il passé aux jours de Noé ? Il est arrivé que, alors que quelque chose de nouveau et de bouleversant était sur le point de se produire, personne n’y faisait attention, car tout le monde ne pensait qu’à manger et à boire (cf. v. 38). En d’autres termes, chacun réduisait la vie à ses besoins, se contentait d’une vie plate, horizontale, sans élan. Il n’y avait pas l’attente de quelqu’un, mais uniquement la prétention d’avoir quelque chose pour soi, à consommer.
Le consumérisme est un virus qui attaque la foi à la racine, car il te fait croire que la vie dépend uniquement de ce que tu fais, et ainsi tu oublies Dieu qui vient à ta rencontre et celui qui est à côté de toi. Le Seigneur vient, mais tu suis plutôt tes appétits ; ton frère frappe à ta porte, mais il te dérange, parce qu’il perturbe tes plans. Dans l’Évangile, quand Jésus signale les dangers pour la foi, il ne se soucie pas des ennemis puissants, des hostilités et des persécutions. Tout cela a existé, existe et existera, mais n’affaiblit pas la foi. Le vrai danger, c’est plutôt ce qui anesthésie le cœur : c’est de dépendre de la consommation, c’est de laisser les besoins appesantir et dissiper le cœur (cf. Lc 21, 34).
On vit alors des choses et on ne sait plus pour quoi ; on a beaucoup de biens mais on ne fait plus le bien ; les maisons se remplissent de choses mais se vident d’enfants ; on gaspille le temps dans des passetemps, mais on n’a plus du temps pour Dieu et pour les autres. Et quand on vit pour les choses, elles ne suffisent jamais, l’avidité grandit et les autres deviennent des entraves dans la course et ainsi, on finit par se sentir menacé et, toujours insatisfait et énervé ; la haine gagne du terrain. Nous le voyons aujourd’hui là où le consumérisme règne en maître : que de violence et de volonté de chercher un ennemi à tout prix ! Ainsi, tandis que le monde est rempli d’armes qui causent des morts, nous ne nous rendons pas compte que nous continuons à armer notre cœur de rage.
Jésus veut nous réveiller de tout cela. Il le fait en se servant d’un verbe : « Veillez » (Mt 24, 42). Veiller, c’était le travail de la sentinelle, qui veillait en restant en éveil tandis que tout le monde dormait. Veiller, c’est résister au sommeil qui nous gagne tous. Pour pouvoir veiller, il faut avoir une espérance certaine : que la nuit ne durera pas toujours, que bientôt l’aube pointera. Il en est de même pour nous : Dieu vient et sa lumière éclairera même les ténèbres les plus épaisses. Mais nous, il nous faut veiller aujourd’hui : vaincre la tentation qui fait croire que le sens de la vie réside dans l’accumulation ; démasquer l’illusion qu’on est heureux si on a beaucoup de chose ; résister aux lumières aveuglantes de la consommation qui brillent partout en ce mois et croire que la prière et la charité ne sont pas du temps perdu, mais les plus grands trésors.
Quand nous ouvrons le cœur au Seigneur et à nos frères, arrive le bien précieux que les choses ne pourront jamais nous donner et qu’Isaïe annonce dans la première Lecture, la paix : « De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2, 4). Ce sont des paroles qui nous font penser aussi à votre patrie. Aujourd’hui, nous prions pour la paix, gravement menacée dans l’est du pays, surtout dans les territoires de Béni et de Minembwe, où font rage des conflits, nourris également de l’extérieur, alors que beaucoup se taisent.
Aujourd’hui, vous faites mémoire d’une très belle figure, la Bienheureuse Marie-Clémentine Anuarite Nengapeta, violemment tuée, non sans avoir dit à son bourreau, comme Jésus : « Je te pardonne, parce que tu ne sais pas ce que tu fais ». Par son intercession, demandons qu’au nom du Dieu-Amour, et avec l’aide des populations voisines, on renonce aux armes, en vue d’un avenir où les uns ne soient plus contre les autres, mais où les uns soient avec les autres, et où l’on se détourne d’une économie qui se sert de la guerre pour une économie qui sert la paix !