François prône une mondialisation de la solidarité

En recevant 6 000 membres de la Croix Rouge Italienne, ce samedi 6 mars 2024, au Vatican, le Pape a soutenu l’effort humanitaire du mouvement, qui célèbre cette année son 160e anniversaire, particulièrement en direction des plus vulnérables, qu’il s’agisse de populations dans les zones de guerre ou touchées par les catastrophes naturelles.


Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis heureux de vous rencontrer à l'occasion du 160e anniversaire de la fondation de la Croix-Rouge italienne. C'était en effet le 15 juin 1864 que le Comité de l'Association italienne pour le secours aux blessés et aux malades de guerre était institué à Milan. Face aux dévastations et aux souffrances causées par la guerre - n'oublions pas cela aujourd'hui non plus ! - il y eut un sursaut d'humanité qui se traduisit par des gestes et des œuvres concrets d'assistance et de soins, sans distinction de nationalité, de classe sociale, de religion ou d'opinions politiques. Ce courant d'amour ne s'est jamais arrêté : aujourd'hui comme hier, votre présence est efficace et précieuse, spécialement dans tous ces contextes où le fracas des armes étouffe le cri des peuples, leur aspiration à la paix et leur désir d'avenir.

Aujourd'hui est une occasion spéciale de vous exprimer une immense gratitude pour le service que vous rendez dans les contextes de guerre et pour l'aide que vous apportez chaque jour à ceux qui sont dans le besoin dans de multiples situations d'urgence. Merci, merci beaucoup pour cela !

Votre engagement, inspiré par les principes d'humanité, d'impartialité, de neutralité, d'indépendance, de volontariat, d'unité et d'universalité, est aussi un signe visible que la fraternité est possible. Si l'on met la personne au centre, on peut dialoguer, travailler ensemble pour le bien commun, en allant au-delà des divisions, en abattant les murs de l'inimitié, en surmontant les logiques de l'intérêt et du pouvoir qui aveuglent et font de l'autre un ennemi. Pour le croyant, chaque personne est sacrée. Chaque créature humaine est aimée de Dieu et, pour cette raison, porteuse de droits inaliénables. Animées par cette conviction, de nombreuses personnes de bonne volonté se rencontrent, reconnaissant la valeur suprême de la vie et donc la nécessité de défendre surtout les plus vulnérables. Sur cette réalité des plus vulnérables, je voudrais vous dire quelque chose : ce sont les enfants. Ici, en Italie, de nombreux enfants sont arrivés à cause de la guerre en Ukraine. Savez-vous une chose ? Que ces enfants ne sourient pas, ils ont oublié la capacité de sourire. C'est triste pour un enfant. Réfléchissons-y.

En vous remerciant pour votre service irremplaçable dans les zones de conflit et les zones touchées par des catastrophes environnementales, dans le domaine de la formation et de la santé, ainsi que pour ce que vous faites en faveur des migrants, des derniers et des plus vulnérables, je veux vous encourager à poursuivre cette grande œuvre de charité qui embrasse l'Italie et le monde. Puisse la Croix-Rouge rester toujours un symbole éloquent d'un amour pour les frères qui n'a pas de frontières, ni géographiques, ni culturelles, sociales, économiques ou religieuses. Ce n'est pas par hasard que le slogan que vous avez choisi pour célébrer le 160e anniversaire est "Partout pour tous". C'est une chose universelle. Il s'agit d'une expression qui, tout en racontant un engagement, décrit aussi un style, une manière d'être et d'être présent.

Partout, car aucun contexte ne peut être dit exempt de souffrance, exempt des blessures du corps et de l'âme, que ce soit dans les petites communautés ou dans les coins les plus oubliés de la Terre. Il faut mondialiser la solidarité, en opérant aux niveaux national et international, parce que "reconnaître chaque être humain comme un frère ou une sœur et rechercher une amitié sociale qui inclut tous ne sont pas de simples utopies - ce sont des réalités ! - . Cela exige la décision et la capacité de trouver les chemins efficaces qui en assurent la réelle possibilité. [...] Il s'agit de progresser vers un ordre social et politique dont l'âme est la charité sociale" (Lettre enc. Fratelli Tutti, 180). Pour cette raison, il faut des normes qui garantissent les droits humains en tout lieu, des pratiques qui alimentent la culture de la rencontre et des personnes capables de regarder le monde avec une perspective large. En regardant l'horizon.

Partout et pour tous, car la nôtre est la société du moi plus que du nous, du petit groupe plus que de tous. C'est une société égoïste en ce sens. Le mot "tous" nous rappelle que chaque personne a sa dignité et mérite notre attention : nous ne pouvons pas nous détourner ou l'écarter en raison de sa condition, de son handicap, de son origine ou de son statut social. C'est pourquoi je vous exhorte à continuer à être aux côtés des frères et sœurs qui ont besoin, avec compétence, générosité et dévouement, surtout à une époque où le racisme et le mépris croissent comme l'ivraie. En effet, "ce n'est qu'en cultivant ce mode de relation que nous rendrons possible l'amitié sociale qui n'exclut personne et la fraternité ouverte à tous" (ibid., 94).

Ce slogan - "Partout pour tous" - rappelle la phrase que nous lisons dans la Première Lettre de Saint Paul aux Corinthiens : "Je me suis fait tout à tous" (9,22). L'Apôtre résumait ainsi sa mission : atteindre tous pour amener tous à la joie de l'Évangile. C'est le style que vous réalisez aussi chaque fois que, dans un esprit fraternel, vous intervenez au moins pour alléger une souffrance.

En ce temps de Pâques, demandons la grâce d'être des instruments de fraternité et de paix, des protagonistes de la charité et des bâtisseurs d'un monde fraternel et solidaire. Que le Seigneur vous bénisse, vous les volontaires et les opérateurs, et bénisse vos familles. Je prie pour vous ; et vous aussi, s'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi. Merci !

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