INPS : Promouvoir un travail digne et une solidarité entre générations

L'Institut National de Prévoyance Sociale (INPS) , en Italie, célèbre ses 125 ans d'existence. Le Pape Francois souligne l'importance de la prévoyance sociale pour les travailleurs et l'interdépendance entre les générations. Trois appels sont lancés : dire non au travail au noir, dire non à l'abus du travail précaire et dire oui à un travail digne. Le pape  met en avant la nécessité de politiques sages et la culture du bien commun, de la prévoyance et de la durabilité.


Chers frères et soeurs, bonjour, bienvenue !

Je remercie le président pour ses aimables paroles. L'Institut National de Sécurité Sociale fête ses 125 ans et a une histoire importante. Tous les pays du monde ne peuvent pas raconter une expérience aussi précieuse au service des travailleurs. Vous, ici en Italie, avez de ces richesses, qui sont à vous. J'en dis trois : les orateurs dans les paroisses - c'est votre affaire, et cela fait tant de bien - ; deuxièmement, le volontariat : le volontariat italien est grandiose, bénévole partout ; troisièmement, des institutions comme la vôtre, qui s'organisent et ne durent pas deux ou trois ans, 125 !, qui ont cette capacité à faire avancer. Merci !

Le thème de la prévoyance est toujours d'actualité. D’une part, la société semble avoir perdu l’horizon futur: elle s’est aplatie sur le présent et s’intéresse peu à ce qui pourra arriver aux générations futures. "Je fais la mienne, qu'ils se débrouillent..." Ça ne marche pas. La crise écologique et la dette publique qui pèsent sur les enfants et les petits-enfants en sont des signes inquiétants. Penser que dans certains pays les petits-enfants naîtront avec une dette publique terrible ! Le choix de la durabilité, en revanche, répond au principe selon lequel il est injuste de confier aux jeunes des poids irréversibles et trop lourds. D’autre part, la prévoyance est une forme de bien-être qui réunit les différentes générations. En effet, la pension bien méritée d’un travailleur ne se justifie pas seulement par ses années de travail, mais aussi par le fait que quelqu’un paie concrètement la pension d’autrui à travers son activité. Pour que la prévoyance fonctionne, il faut que les générations soient étroitement liées. Je vois ici des enfants, et je me souviens de l'expression d'un homme de près de 60 ans, qui, devant l'hiver démographique italien, dit : "Mais qui va payer ma pension ? Ce ne seront pas les chiots que les gens ont à la place des enfants."

Il ne faut pas oublier que des travailleurs étrangers qui n'ont pas encore la nationalité italienne contribuent également au système de retraite. Ce serait un bon signe que nous puissions leur exprimer notre gratitude pour ce qu'ils font. La prévoyance nous rappelle aussi que "tout est connecté" et que nous sommes interdépendants les uns des autres. La vie sociale se tient grâce à des réseaux communautaires solidaires. Le bien commun passe par le travail quotidien de millions de personnes qui partagent le principe du lien solidaire entre les travailleurs. C’est pourquoi je voudrais lancer trois appels afin de garantir une prévoyance à la hauteur des défis de sociétés qui, comme la société italienne, vieillissent de plus en plus.

Le premier appel est un non au travail au noir. Mais qu'il devienne une culture : non au travail au noir. À l'heure actuelle, il semble apporter des avantages économiques à l'individu, mais à la distance il ne permet pas aux familles de contribuer et d'accéder en toute justice au système de retraite. Le travail au noir fausse le marché du travail et expose les travailleurs à des formes d'exploitation et d'injustice.

Le deuxième appel est un non à l’abus du travail précaire, qui a un impact sur les choix de vie des jeunes et force parfois à travailler même lorsque les forces sont défaillantes. La précarité doit être transitoire, elle ne peut pas se prolonger en excès; sinon, elle finit par apporter de la méfiance, elle favorise le report des choix de vie des jeunes, elle éloigne l’entrée dans le système de sécurité sociale et elle augmente la dénatalité.

Le troisième appel est un oui au travail décent, qui est toujours "libre, créatif, participatif et solidaire" (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 192). La prévoyance est une forme de participation au bien-être propre et au bien-être des autres. Mettre de côté les ressources économiques et garantir l’accès à la santé sont des biens précieux qui peuvent maintenir ensemble les différentes saisons de la vie.

Nous connaissons, en effet, une bonne prévoyance et une mauvaise prévoyance, que la Bible elle-même décrit très bien. La mauvaise prévoyance est celle de ceux qui ne pensent qu'à eux-mêmes, comme nous le rappelle la parabole évangélique de l'homme avare (cf. Lc 12, 16-21), qui fait construire des entrepôts de plus en plus grands pour recueillir ses biens. Celui qui s'accumule pour lui-même finit par se faire des illusions : "Repose-toi, mange, bois et amuse-toi" (v. 19), dit-il entre lui. Mais le Seigneur lui dit : "Idiot, cette nuit même, ta vie te sera demandée. Et ce que vous avez préparé, qui sera ?" (v. 20). Il n'y a pas d'avenir pour ceux qui s'enferment dans de fausses sécurités.

La bonne prévoyance, en revanche, est celle du patriarche Joseph qui, devenu gouverneur d'Égypte, se préoccupe de mettre de côté le blé dans les années d'abondance pour mieux affronter le temps de la famine. "Il y eut une famine dans chaque pays - lisons le Livre de la Genèse - mais, dans toute la terre d'Égypte, il y avait le pain" (41,54). Joseph ne se fie pas seulement à la Providence de Dieu et la reconnaît, mais il se montre prévoyant pour le bien du peuple. Il sait regarder vers l'avant ; il imagine le bien même quand le mal semble prévaloir ; il prend soin des personnes qui lui sont confiées. Et c'est votre vocation : prendre soin des gens à l'avenir.

Nous avons besoin de politiciens sages, guidés par le principe de fraternité et capables de discernement entre la saison et la saison, en évitant de gaspiller les ressources quand il y en a et de laisser les générations futures en grave difficulté.

Chers frères et soeurs, je vous remercie pour le service que vous faites en faveur des travailleurs et des travailleuses, pour garantir l'assistance aux personnes au chômage et en faveur de celles qui sont malades, blessées ou âgées. J’espère que vous continuerez à rendre possible concrètement le droit à la retraite, et surtout à faire croître dans le tissu italien la culture du bien commun, de la sécurité sociale et de la durabilité, qui pour être économique doit être aussi sociale. Je vous confie la protection de saint Joseph. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge vous garde. Et s'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi. Merci !

----------------------------------------------------