L’Afrique doit être promue et non pas exploitée

Le Saint-Père a reçu en audience, ce samedi 19 novembre 2022, au matin, l’ONG CUAMM – Médecins pour l’Afrique, active depuis 1950 dans le secteur de la santé sur le continent africain. Le Saint-Père a encouragé ses membres dans leur œuvre de promotion et de soin des personnes. Il s’est en revanche inquiété de l’aggravation de la pauvreté et d’attitudes d’exploitation qui mettent à mal un continent aux multiples ressources.


Chers frères et soeurs, bonjour et bienvenue à tous !

Je suis heureux de vous accueillir. Je remercie l'archevêque de Padoue pour ses paroles si courageuses. Aujourd’hui, vous formez la communauté missionnaire de "Médecins avec l'Afrique - CUAMM".

J'aime souligner le fait que votre histoire commence quand, il y a 70 ans, un collège est né à Padoue pour accueillir de jeunes étudiants en médecine africaine. Jeunes Africains. D'ici vous voyez déjà votre style : être avec l'Afrique, avant même d'être pour l'Afrique. Et c'est précisément la bonne attitude, parce qu'il y a dans l'imaginaire, dans l'inconscient collectif, cette attitude négative : l'Afrique doit être exploitée. Et contre cela, il y a votre non : être avec l'Afrique. Ainsi, être avec l'Afrique, c'est être pour l'Afrique. De cette expérience est parti un chemin de partage et de service qui, au cours de ces 70 années, a traversé presque tout le continent africain pour apporter une assistance médicale, toujours dans une optique de développement et en privilégiant la formation du personnel local. Il y a un grand capital intellectuel en Afrique: nous devons l’aider à se développer. Il y a environ un mois, j'ai eu une réunion avec des étudiants universitaires de toute l'Afrique, via Zoom. J'ai été étonné par la capacité intellectuelle de ces jeunes et de ces jeunes gens. Je vous en prie, ne les perdez pas; aidons-les à progresser, aidons-les à aller de l’avant parce que l’Afrique ne doit pas être exploitée, il faut la promouvoir.

Votre oeuvre est une manière concrète de mettre en pratique une chose que nous demandons chaque jour dans le "Notre Père". Nous demandons au Père céleste : "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien". Et ce "pain", c'est aussi la santé. La santé est un bien primaire, comme le pain, comme l'eau, comme la maison, comme le travail. Vous vous engagez pour que ne manque pas le pain quotidien de tant de frères et soeurs qui aujourd’hui, au XXIe siècle, n'ont pas accès à des soins de santé normaux, de base. C’est une honte: l’humanité n’est pas capable de résoudre ce problème, mais elle est capable de faire avancer l’industrie des armes qui détruit tout. On dépense des milliards pour les armes, on brûle d'autres énormes ressources dans l'industrie de l'éphémère et de l'évasion - l'"industrie du maquillage", par exemple... Lorsque nous prions "donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien", nous devrions bien réfléchir à ce que nous disons, parce que tant d'hommes et de femmes, trop nombreux, de ce pain, ne reçoivent que les miettes, ou même pas celles-là, simplement parce qu'ils sont nés dans certains endroits du monde. Je pense à tant de mères, qui ne peuvent pas avoir un accouchement sûr et qui parfois perdent la vie ; ou à tant d'enfants, qui s'éteignent dès la petite enfance.

Votre présence ici aujourd’hui porte mon coeur près de pays qui me sont particulièrement chers, comme la République centrafricaine, où j'ai été en 2015 pour ouvrir la Porte Sainte, à Bangui ; et le Sud-Soudan où, à Dieu merci, je me rendrai au début de l'année prochaine. Ce sont des pays très pauvres et très fragiles, que le monde considère comme importants seulement pour les ressources à exploiter et que le Seigneur considère au contraire comme ses préférés, dans lesquels il vous envoie pour être de bons samaritains, témoins de son Evangile. N'ayez pas peur de faire face à des défis difficiles, d'intervenir dans des lieux reculés et marqués par la violence, où les populations n'ont pas la possibilité de se soigner. Soyez avec eux ! S'il faut des années d'efforts, s'il faut des déceptions et des échecs pour obtenir des résultats, ne vous découragez pas. Persévérez avec le service obstiné et le dialogue ouvert à tous comme instruments pour la paix et le dépassement des conflits.

Enfin, je vous invite à accorder une attention particulière aux jeunes: à favoriser par tous les moyens, dans vos activités, l’insertion professionnelle de la jeunesse locale, si désireuse de vivre son avenir en tant qu’acteur principal, surtout dans les pays d’origine. Je vous dis que j'ai été ému de cette rencontre via Zoom que j'ai eu, de plus d'une heure et demie, avec les jeunes Africains : leur intelligence, leurs inquiétudes... Aidez-les à aller de l'avant : ils sont un trésor, ils sont très intelligents, mais ils ne sentent pas que leurs projets ne peuvent pas aller de l'avant en raison des conditions géographiques, sociales, économiques, ou tant de fois culturelles qui les bloquent. Les nouvelles générations peuvent créer de nouveaux ponts entre l'Italie et l'Afrique. Et cela arrive quand les jeunes se rencontrent, se confrontent et s'ouvrent au monde sans peur et sans préjugés. Dans cette aventure, vous pouvez impliquer les universités, de manière à ce que les parcours de formation, de recherche et d'innovation, prévus pour les jeunes italiens, soient également destinés à la jeunesse africaine. C'est dans cet échange que se construisent des dirigeants capables de diriger des processus de développement humain intégral.

Je voudrais terminer par une photographie, par une image. Lorsque j’étais en visite à Bangui, j’ai eu l’occasion de trouver - par hasard - une soeur qui séjournait en Afrique, en République démocratique du Congo, depuis plus de cinquante ans. Elle était venue à Bangui en canoë pour faire les courses. C'était une sage-femme, elle avait plus de 2000 parties derrière elle : c'était maman là ! Cette femme avait été sage-femme pendant cinquante ans. C'était simple, et elle emmenait avec elle une petite fille de quatre à cinq ans qui disait, "maman". Qu'est-ce que j'ai dit ? "Est-ce une novice de ta Congrégation ?" Et elle a dit, "Non, non, c'est ma fille." Je l'ai regardée, je ne comprenais pas. Et il m'a dit : "Ecoute, maman est morte en couches, papa est parti, il a abandonné tout le monde. Elle était seule et je l'ai adoptée légalement". Courageuse soeur, hein ? Il prenait soin d'elle. Et elle vit toujours là, en République Démocratique du Congo, et toujours avec le canoë tous les samedis, elle va faire ses courses à Bangui et revient ; et elle continue à être sage-femme. Une vie cachée pour donner la vie. Je veux juste vous laisser cette photo. Pensons à tant de gens qui, comme cette nonne, ont passé leur vie en Afrique pour aider les Africains à grandir. Allez-y, soyez courageux avec ces pionniers que nous avons devant nous !

Je vous remercie beaucoup pour cette rencontre et pour ce que vous faites. Que la Vierge vous accompagne toujours sur votre chemin et dans votre travail. Moi aussi, je suis proche de la prière. Je vous bénis de tout coeur, vous ici présents, toute la famille du CUAMM et toutes les personnes dont vous prenez soin. Et s'il vous plaît, n'oubliez pas de prier pour moi. Merci.

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