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 Le pape François rencontre les jésuites de la Région russe

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Le pape François rencontre les jésuites de la Région russe Empty
MessageSujet: Le pape François rencontre les jésuites de la Région russe   Le pape François rencontre les jésuites de la Région russe Icon_minitimeVen 30 Sep 2022 - 8:33

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«Nous vivons la troisième guerre mondiale», c'est «une erreur de penser que c'est entre la Russie et l'Ukraine», ou «entre les bons et les méchants». Ce sont quelques-unes des réflexions que le Pape François a partagées, ce 15 septembre 2022 au Kazakhstan, avec les membres de la "région russe" de la Compagnie de Jésus. L'Ukraine, rappelle le Souverain Pontife, est la première victime d'une agression inacceptable et sacrilège.

Echange avec les jésuites :

Le Pape a ensuite introduit la conversation :

St Père : Merci beaucoup d’être venus me rendre visite. Ces rencontres avec les Jésuites sont devenues une habitude au cours de mes voyages. Posez des questions et faites aussi des commentaires, si vous le souhaitez. Profitons au maximum de notre temps ensemble !

Saint Père, comment allez-vous ? Comment vous sentez-vous ? Comment va votre santé ?

St Père : Ma santé va bien. J’ai un problème à la jambe qui me ralentit, mais la santé en général est bonne : la santé physique, mais… aussi la santé mentale !

Comment voyez-vous la situation géopolitique que nous vivons ?

St Père : Il y a une guerre en cours, et je pense que c’est une erreur de penser que c’est un film de cow-boys où il y a des bons et des méchants. Et c’est aussi une erreur de penser qu’il s’agit d’une guerre entre la Russie et l’Ukraine et que c’est tout. Non : c’est une guerre mondiale.

Mais, à votre avis, quelles sont les causes de ce que nous sommes en train de vivre ?

St Père : Ici, la victime de ce conflit est l’Ukraine. Je vais expliquer pourquoi cette guerre n’a pas été évitée. La guerre est comme un mariage, dans un certain sens. Pour comprendre, il faut étudier la dynamique qui a développé le conflit. Des facteurs internationaux ont contribué à provoquer la guerre. J’ai déjà mentionné qu’un chef d’État, en décembre de l’année dernière, est venu me dire qu’il était très inquiet parce que l’OTAN était allée aboyer aux portes de la Russie sans comprendre que les Russes sont impériaux et craignent l’insécurité aux frontières. Il craint que cela ne provoque une guerre ; et elle a éclaté deux mois plus tard. On ne peut donc pas raisonner de manière simpliste sur les causes du conflit. Je vois des impérialismes en conflit. Et, lorsqu’ils se sentent menacés et en déclin, les impérialismes réagissent en pensant que la solution est de déclencher une guerre pour se rattraper, et aussi de vendre et de tester des armes. Certains disent, par exemple, que la guerre civile espagnole a été faite pour préparer la deuxième guerre mondiale. Je ne sais pas si c’est vraiment le cas, mais ça pourrait l’être. Je ne doute pas, cependant, que nous sommes déjà en train de vivre la troisième guerre mondiale. En un siècle, nous en avons vu trois : une entre 1914 et 1918, une entre 1939 et 1945, et maintenant nous vivons celle-ci.

Depuis février, nous nous efforçons de libérer les cœurs de la haine. Il s’agit pour nous d’un engagement pastoral prioritaire. Nous disons aux gens que haïr quelqu’un n’est pas chrétien. Mais la division est un fardeau que nous portons. Chaque jour, nous prions le chapelet pour la paix.

St Père : C’est ce qu’il faut faire : libérer les cœurs de la haine. Du premier jour de la guerre jusqu’à hier, j’ai constamment parlé de ce conflit, en évoquant la souffrance de l’Ukraine. Le jour de l’indépendance du pays, il y avait le drapeau sur la place Saint-Pierre, et j’en ai parlé, bien sûr. Après avoir parlé de l’Ukraine, j’ai pensé dire un mot sur la souffrance des deux peuples, le peuple Ukrainien et le peuple Russe. Car, dans les guerres, c’est le peuple qui souffre, le peuple. Ce sont les pauvres qui paient, comme toujours. Et cela génère de la haine. Ceux qui font la guerre oublient l’humanité et ne s’intéressent pas à la vie concrète des gens ; mais ils font passer les intérêts partisans et de pouvoir avant tout. Dans chaque conflit, les gens ordinaires sont les véritables victimes, qui paient de leur peau les folies de la guerre. Puis, j’ai aussi fait référence à la femme que l’on a fait sauter. À ce moment-là, les gens ont oublié tout ce que j’avais dit jusque-là et n’ont prêté attention qu’à cette référence. Mais je comprends les réactions des gens, car ils souffrent beaucoup.

Je veux mentionner que, le jour après le début de la guerre, je suis allé à l’ambassade de Russie. C’était un geste inhabituel : le Pape ne se rend jamais à l’ambassade. Il ne reçoit personnellement les ambassadeurs que lorsqu’ils présentent leurs lettres de créance, puis à la fin de leur mission lors d’une visite d’adieu. J’ai dit à l’ambassadeur que j’aimerais parler au président Poutine, s’il me laisse une petite fenêtre pour dialoguer.

J’ai aussi reçu l’ambassadeur d’Ukraine, et j’ai eu le président Zelensky au téléphone deux fois. J’ai envoyé en Ukraine les cardinaux Czerny et Krajewski, qui ont apporté la solidarité du Pape. Le secrétaire pour les relations avec les États, Mgr Gallagher, y est allé pour une visite. La présence du Saint-Siège en Ukraine a le mérite d’apporter de l’aide et du soutien. C’est une façon d’exprimer une présence. J’avais aussi l’intention d’y aller. Il me semble que la volonté de Dieu n’est pas de partir à ce moment précis ; mais nous verrons plus tard.

Des émissaires ukrainiens sont venus me voir. Parmi eux se trouvait le vice-recteur de l’Université catholique d’Ukraine, accompagné du conseiller du président pour les affaires religieuses, un évangéliste. Nous avons parlé, discuté. Un chef militaire chargé de l’échange de prisonniers est également venu, toujours avec le conseiller religieux du président Zelensky. Cette fois, ils m’ont apporté une liste de plus de 300 prisonniers. Ils m’ont demandé de faire quelque chose pour qu’on procède à un échange. J’ai immédiatement appelé l’ambassadeur russe pour voir si quelque chose pouvait être fait, si un échange de prisonniers pouvait être accéléré.

Lorsqu’un évêque catholique ukrainien est venu me rendre visite, je lui ai remis un paquet contenant mes déclarations sur le sujet. J’ai qualifié l’invasion de l’Ukraine d’agression inacceptable, répugnante, insensée, barbare, sacrilège… Lisez toutes les déclarations ! La salle de presse les a rassemblés. Mais je voudrais vous dire que ce qui m’intéresse, ce n’est pas que vous défendiez le Pape, mais que les gens se sentent pris en charge par vous qui êtes les frères du Pape. Le Pape ne se met pas en colère s’il est mal compris, car je connais bien la souffrance qui se cache derrière.

Saint Père, je suis convaincu que vous jouerez un rôle si et quand il y aura la paix. Et ce sera une forte contribution. Écoutez, nous sommes un groupe de jésuites de différents pays. En tant que jésuite, quelles mesures nous conseillez-vous de prendre ? Qu’est-ce que vous nous demandez ? Que pouvons-nous faire ?

St Père : Pour moi, la chose à faire est de montrer de la proximité. C’est le mot-clé : être proche, aider les gens qui souffrent. Les gens doivent sentir que leur évêque, leur curé, l’Église est proche. C’est le style de Dieu. Nous le lisons dans le Deutéronome : « Quelle grande nation a des dieux aussi proches d’elle que le Seigneur, notre Dieu, est proche de nous chaque fois que nous l’invoquons ? » Le style de Dieu, c’est la proximité.

En tant que provincial d’Argentine, vous avez vécu sous une dictature. Quelle a été votre expérience là-bas ?

St Père : Les gouvernements dictatoriaux sont cruels. Il y a toujours de la cruauté dans la dictature. En Argentine, ils prenaient des gens, les mettaient dans un avion et les jetaient ensuite à la mer. J’ai connu tant de politiciens qui ont été en prison et torturés ! Dans ces situations, on perd des droits, mais aussi la sensibilité humaine. Je l’ai ressenti à l’époque. J’ai souvent entendu de bons catholiques dire : « Ils le méritent, ces communistes ! Ils l’ont bien cherché ! » C’est terrible quand l’idée politique dépasse les valeurs religieuses. En Argentine, ce sont les mères qui ont créé un mouvement pour lutter contre la dictature et chercher leurs enfants. Ce sont les mères qui ont été courageuses en Argentine.

Une question et une demande : qu’est-ce que vous avez dans le cœur ? Qu’y a-t-il dans votre prière particulière ? Et la demande est pour les membres du séminaire : un conseil, un message….

St Père : Je commence par la deuxième. Ma demande pour les séminaristes : qu’ils soient des garçons normaux, normaux. L’un des problèmes de certains séminaires est que vous ne recevez pas de personnes normales. Faites attention aux expressions religieuses ou humaines étranges. Je dis aux séminaristes : soyez normaux aussi dans la prière. Priez comme un fils s’adresse à son père. C’est la normalité qui exprime le sérieux. Vous vous demandez ce que je porte dans mon cœur et dans ma prière. La prière, celle qui me vient naturellement, est toujours l’invocation : « Regarde ton peuple, Seigneur ! » Je n’en trouve pas d’autre. C’est vraiment une chose très simple. L’intercession, c’est frapper au cœur du Seigneur. C’est la prière d’intercession. Et n’oublions pas que la prière exige la parrhésie, la clarté, le courage. Le modèle est celle d’Abraham, quand il prie : « Que mon Seigneur ne se mette pas en colère si… » et formule ensuite sa demande avec insistance. Il faut prier pulseando avec Dieu, comme on dit en espagnol. C’est une prière courageuse, face à face. Pas tellement en cherchant la consolation, qui doit être cherchée, oui. Mais surtout de demander, demander, demander…. Nous pensons que la parrhésie est seulement une vertu de l’action, mais non, c’est aussi une vertu de la prière.

Si vous regardez la situation de la Compagnie de Jésus, qu’est-ce qui vous console et qu’est-ce qui vous inquiète ?

St Père : J’ai récemment participé à une réunion à la Curie générale avec des frères jésuites du monde entier. Ils étaient environ quarante. Les écouter m’a vraiment consolé. Cela me console quand un jésuite prie et fait confiance au Seigneur. Je pense que le niveau de la Compagnie est bon à cet égard. D’autre part, je ne me console pas quand je vois un jésuite qui est plus un « spécialiste » de tel ou tel sujet qu’un jésuite. Il y a une chose antérieure à la spécialisation : c’est l’appartenance affective à la Compagnie.

Je veux juste ajouter, Saint-Père, parmi les consolations de cette année, qu’un Russe a été ordonné prêtre et que nous avons un novice russe ; et il y a deux mois deux jésuites du Vietnam sont arrivés au Kirghizstan, un professeur de sociologie et un scolastique en formation. Nous avons un frère jésuite qui vit là-bas, au Kirghizistan, et qui travaille avec l’administrateur apostolique, le P. Carcoran. Le Kirghizistan est une très petite Église. Tous les catholiques pourraient tenir dans cette pièce ! Un père de famille m’a demandé de vous dire qu’il y a aussi des catholiques au Kirghizstan. Pour nous, le soutien du Saint-Siège est très important, tout comme celui de la nonciature.

St Père : C’est vrai : la nonciature est le longa manus du Saint-Siège pour aider les églises locales, et surtout les plus petites. Mais je vais maintenant poser une question : comment voyez-vous le Vatican, depuis la périphérie ?

Parfois, il est si loin qu’on l’oublie ! Au contraire, étant un si petit groupe, il est très important pour nous d’appartenir à l’Église universelle. De même, les gens se rendent compte que nous ne sommes pas une petite secte, mais une partie de l’Église universelle. Il est parfois douloureux d’avoir l’impression que les représentants de l’Église se soucient peu de la vie de l’Église dans un petit pays. Parfois, même les gouvernements se demandent pourquoi l’Église se soucie peu de notre situation.

St Père : Vous avez raison ! Alors il est important dans cette situation de crier, d’être entendu ! Faites-vous entendre ! L’Église au centre est occupée par tant de choses quotidiennes et peut être tentée d’oublier ou de ne pas prêter suffisamment attention. Mais si le bébé pleure, pleure, pleure… la mère finit par donner du lait ! L’Église a besoin que toutes les voix soient entendues, qu’elles s’expriment, et qu’elles le fassent même… en dialecte !

Nos frères orthodoxes m’ont demandé de dire au Pape qu’ils vous sont très reconnaissants parce que vous êtes avec les gens simples et nécessiteux. Nous collaborons avec nos frères orthodoxes dans le domaine du handicap. Ils m’ont demandé de vous dire qu’ils vous sont très reconnaissants.

Je leur en suis très reconnaissant. Je pense qu’il y a un mouvement de rapprochement progressif entre les catholiques et les orthodoxes. Et je pense que c’est très important. Nous devons travailler ensemble, prier les uns pour les autres, surmonter les défiances. Hier encore, au Congrès des chefs religieux, j’ai reçu quatre évêques orthodoxes russes. Je vois que l’uniatisme suscite toujours des inquiétudes. Mais j’ai répondu que ce mot est déjà oublié. Ils ont peur que nous fassions la « belle-mère », que l’uniatisme revienne. Ils ont ce spectre. Il faut les calmer, et ça aide.

Père, qu’avez-vous ressenti lorsqu’ils vous ont choisi comme Pape ?

St Père : En acceptant, j’ai accompli mon quatrième vœu d’obéissance.

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La réunion touche à sa fin. Le supérieur de la Région demande au Pape de bénir la grande pierre qui sera la première pour la construction de la cathédrale au Kirghizstan. Elle contient une autre pierre, de Capharnaüm. L’église sera dédiée au Bon Pasteur. François la touche et la bénit. Ensuite, le supérieur présente d’autres petits cadeaux, en disant qu’ils sont petits et pauvres. Le pape commente :

St Père : Préservez la pauvreté ! Quand il n’y a pas de pauvreté, alors tout le mal entre ! La pauvreté doit être préservée.
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On lui remet ensuite un album photo des travaux de la Compagnie dans la Région. Puis un ange en paille, typique du Belarus, et enfin une coiffe du Kirghizstan. Après un Ave Maria et la bénédiction, une photo a été prise de tous ensemble. Avant de prendre congé, le pape a salué les jésuites présents un par un.
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Source : www.laciviltacattolica.fr
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http://www.papefrancois.fr
 
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