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 EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM Chapitres 2/3 100/150

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EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM Chapitres 2/3 100/150 Empty
MessageSujet: EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM Chapitres 2/3 100/150   EXHORTATION APOSTOLIQUE EVANGELII GAUDIUM Chapitres 2/3 100/150 Icon_minitimeMar 26 Nov 2013 - 18:39

26 Novembre 2013

2. Tentations des agents pastoraux [76-109]
Oui au défi d’une spiritualité missionnaire [78-80]
Non à l’acédie égoïste [81-83]
Non au pessimisme stérile [84-86]
Oui aux relations nouvelles engendrées par Jésus Christ [87-92]
Non à la mondanité spirituelle [93-97]
Non à la guerre entre nous [98-101]
Autres défis ecclésiaux [102-109]

Chapitre 3 : L’annonce de l’Évangile

1. Tout le Peuple de Dieu annonce l’Évangile [111-134]
Un peuple pour tous [112-114]
Un peuple aux multiples visages [115-118]
Nous sommes tous des disciples missionnaires [119-121]
La force évangélisatrice de la piété populaire [122-126]
De personne à personne [127-129]
Les charismes au service de la communion évangélisatrice [130-131]
Culture, pensée et éducation [132-134]

2. L’homélie [135-144]
Le contexte liturgique [137-138]
La conversation d’une mère [139-141]
Des paroles qui font brûler les cœurs [142-144]


3. La préparation de la prédication [145-159]
Le culte de la vérité [146-148]
La personnalisation de la Parole [149-151]
La lecture spirituelle [152-153]
À l’écoute du peuple [154-155]
Instruments pédagogiques [156-159]



100. À ceux qui sont blessés par d’anciennes divisions il semble difficile d’accepter que nous les exhortions au pardon et à la réconciliation, parce qu’ils pensent que nous ignorons leur souffrance ou que nous prétendons leur faire perdre leur mémoire et leurs idéaux. Mais s’ils voient le témoignage de communautés authentiquement fraternelles et réconciliées, cela est toujours une lumière qui attire. Par conséquent, cela me fait très mal de voir comment, dans certaines communautés chrétiennes, et même entre personnes consacrées, on donne de la place à diverses formes de haine, de division, de calomnie, de diffamation, de vengeance, de jalousie, de désir d’imposer ses propres idées à n’importe quel prix, jusqu’à des persécutions qui ressemblent à une implacable chasse aux sorcières. Qui voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ?

101. Demandons au Seigneur de nous faire comprendre la loi de l’amour. Qu’il est bon de posséder cette loi ! Comme cela nous fait du bien de nous aimer les uns les autres au-delà de tout ! Oui, au-delà de tout ! À chacun de nous est adressée l’exhortation paulinienne : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, sois vainqueur du mal par le bien » (Rm 12, 21). Et aussi : « Ne nous lassons pas de faire le bien » (Ga 6, 9). Nous avons tous des sympathies et des antipathies, et peut-être justement en ce moment sommes-nous fâchés contre quelqu’un. Disons au moins au Seigneur : “Seigneur, je suis fâché contre celui-ci ou celle-là. Je te prie pour lui et pour elle”. Prier pour la personne contre laquelle nous sommes irrités c’est un beau pas vers l’amour, et c’est un acte d’évangélisation. Faisons-le aujourd’hui ! Ne nous laissons pas voler l’idéal de l’amour fraternel !

Autres défis ecclésiaux

102. Les laïcs sont simplement l’immense majorité du peuple de Dieu. À leur service, il y a une minorité : les ministres ordonnés. La conscience de l’identité et de la mission du laïc dans l’Église s’est accrue. Nous disposons d’un laïcat nombreux, bien qu’insuffisant, avec un sens communautaire bien enraciné et une grande fidélité à l’engagement de la charité, de la catéchèse, de la célébration de la foi. Mais la prise de conscience de cette responsabilité de laïc qui naît du Baptême et de la Confirmation ne se manifeste pas de la même façon chez tous. Dans certains cas parce qu’ils ne sont pas formés pour assumer des responsabilités importantes, dans d’autres cas pour n’avoir pas trouvé d’espaces dans leurs Églises particulières afin de pouvoir s’exprimer et agir, à cause d’un cléricalisme excessif qui les maintient en marge des décisions. Aussi, même si on note une plus grande participation de beaucoup aux ministères laïcs, cet engagement ne se reflète pas dans la pénétration des valeurs chrétiennes dans le monde social, politique et économique. Il se limite bien des fois à des tâches internes à l’Église sans un réel engagement pour la mise en œuvre de l’Évangile en vue de la transformation de la société. La formation des laïcs et l’évangélisation des catégories professionnelles et intellectuelles représentent un défi pastoral important.

103. L’Église reconnaît l’apport indispensable de la femme à la société, par sa sensibilité, son intuition et certaines capacités propres qui appartiennent habituellement plus aux femmes qu’aux hommes. Par exemple, l’attention féminine particulière envers les autres, qui s’exprime de façon spéciale, bien que non exclusive, dans la maternité. Je vois avec joie combien de nombreuses femmes partagent des responsabilités pastorales avec les prêtres, apportent leur contribution à l’accompagnement des personnes, des familles ou des groupes et offrent de nouveaux apports à la réflexion théologique. Mais il faut encore élargir les espaces pour une présence féminine plus incisive dans l’Église. Parce que « le génie féminin est nécessaire dans toutes les expressions de la vie sociale ; par conséquent, la présence des femmes dans le secteur du travail aussi doit être garantie »[72] et dans les divers lieux où sont prises des décisions importantes, aussi bien dans l’Église que dans les structures sociales.

104. Les revendications des droits légitimes des femmes, à partir de la ferme conviction que les hommes et les femmes ont la même dignité, posent à l’Église des questions profondes qui la défient et que l’on ne peut éluder superficiellement. Le sacerdoce réservé aux hommes, comme signe du Christ Époux qui se livre dans l’Eucharistie, est une question qui ne se discute pas, mais peut devenir un motif de conflit particulier si on identifie trop la puissance sacramentelle avec le pouvoir. Il ne faut pas oublier que lorsque nous parlons de pouvoir sacerdotal « nous sommes dans le concept de la fonction, non de la dignité et de la sainteté ».[73] Le sacerdoce ministériel est un des moyens que Jésus utilise au service de son peuple, mais la grande dignité vient du Baptême, qui est accessible à tous. La configuration du prêtre au Christ-Tête – c’est-à-dire comme source principale de la grâce – n’entraîne pas une exaltation qui le place en haut de tout le reste. Dans l’Église, les fonctions « ne justifient aucune supériorité des uns sur les autres ».[74] De fait, une femme, Marie, est plus importante que les évêques. Même quand on considère la fonction du sacerdoce ministériel comme “hiérarchique”, il convient de bien avoir présent qu’« elle est totalement ordonnée à la sainteté des membres du Christ ».[75] Sa clé et son point d’appui fondamental ne sont pas le pouvoir entendu comme domination, mais la puissance d’administrer le sacrement de l’Eucharistie ; de là dérive son autorité, qui est toujours un service du peuple. C’est un grand défi qui se présente ici aux pasteurs et aux théologiens, qui pourraient aider à mieux reconnaître ce que cela implique par rapport au rôle possible de la femme là où se prennent des décisions importantes, dans les divers milieux de l’Église.

105. La pastorale de la jeunesse, telle que nous étions habitués à la développer, a souffert du choc des changements sociaux. Dans les structures habituelles, les jeunes ne trouvent pas souvent de réponses à leurs inquiétudes, à leurs besoins, à leurs questions et à leurs blessures. Il nous coûte à nous, les adultes, de les écouter avec patience, de comprendre leurs inquiétudes ou leurs demandes, et d’apprendre à parler avec eux dans le langage qu’ils comprennent. Pour cette même raison, les propositions éducatives ne produisent pas les fruits espérés. La prolifération et la croissance des associations et mouvements essentiellement de jeunes peuvent s’interpréter comme une action de l’Esprit qui ouvre des voies nouvelles en syntonie avec leurs attentes et avec la recherche d’une spiritualité profonde et d’un sens d’appartenance plus concret. Il est nécessaire toutefois, de rendre plus stable la participation de ces groupements à la pastorale d’ensemble de l’Église.[76]

106. Même s’il n’est pas toujours facile d’approcher les jeunes, des progrès ont été réalisés dans deux domaines : la conscience que toute la communauté les évangélise et les éduque, et l’urgence qu’ils soient davantage des protagonistes. Il faut reconnaître que, dans le contexte actuel de crise de l’engagement et des liens communautaires, nombreux sont les jeunes qui offrent leur aide solidaire face aux maux du monde et entreprennent différentes formes de militance et de volontariat. Certains participent à la vie de l’Église, donnent vie à des groupes de service et à diverses initiatives missionnaires dans leurs diocèses ou en d’autres lieux. Qu’il est beau que des jeunes soient “pèlerins de la foi”, heureux de porter Jésus dans chaque rue, sur chaque place, dans chaque coin de la terre !

107. En de nombreux endroits les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée deviennent rares. Souvent, dans les communautés cela est dû à l’absence d’une ferveur apostolique contagieuse, et pour cette raison elles n’enthousiasment pas et ne suscitent pas d’attirance. Là où il y a vie, ferveur, envie de porter le Christ aux autres, surgissent des vocations authentiques. Même dans les paroisses où les prêtres sont peu engagés et joyeux, c’est la vie fraternelle et fervente de la communauté qui réveille le désir de se consacrer entièrement à Dieu et à l’évangélisation, surtout si cette communauté vivante prie avec insistance pour les vocations et a le courage de proposer à ses jeunes un chemin de consécration spéciale. D’autre part, malgré la pénurie des vocations, nous avons aujourd’hui une conscience plus claire de la nécessité d’une meilleure sélection des candidats au sacerdoce. On ne peut remplir les séminaires sur la base de n’importe quelles motivations, d’autant moins si celles-ci sont liées à une insécurité affective, à une recherche de formes de pouvoir, de gloire humaine ou de bien-être économique.

108. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas voulu offrir une analyse complète, mais j’invite les communautés à compléter et à enrichir ces perspectives à partir de la conscience des défis qui leur sont propres et de ceux qui leur sont proches. Lorsqu’elles le feront, j’espère qu’elles tiendront compte que, chaque fois que nous cherchons à lire les signes des temps dans la réalité actuelle, il est opportun d’écouter les jeunes et les personnes âgées. Les deux sont l’espérance des peuples. Les personnes âgées apportent la mémoire et la sagesse de l’expérience, qui invite à ne pas répéter de façon stupide les mêmes erreurs que dans le passé. Les jeunes nous appellent à réveiller et à faire grandir l’espérance, parce qu’ils portent en eux les nouvelles tendances de l’humanité et nous ouvrent à l’avenir, de sorte que nous ne restions pas ancrés dans la nostalgie des structures et des habitudes qui ne sont plus porteuses de vie dans le monde actuel.

109. Les défis existent pour être relevés. Soyons réalistes, mais sans perdre la joie, l’audace et le dévouement plein d’espérance ! Ne nous laissons pas voler la force missionnaire !

Chapitre 3

L’annonce de l’Évangile

110. Après avoir pris en considération certains défis de la réalité actuelle, je désire rappeler maintenant la tâche qui nous presse quelle que soit l’époque et quel que soit le lieu, car « il ne peut y avoir de véritable évangélisation sans annonce explicite que Jésus est le Seigneur », et sans qu’il n’existe un « primat de l’annonce de Jésus Christ dans toute activité d’évangélisation ».[77] Recueillant les préoccupations des évêques de l’Asie, Jean-Paul II affirma que, si l’Église « doit accomplir son destin providentiel, alors l’évangélisation, comme une prédication joyeuse, patiente et progressive de la mort salvifique et de la résurrection de Jésus-Christ, doit être une priorité absolue ».[78] Cela vaut pour tous.

1. Tout le Peuple de Dieu annonce l’Évangile

111. L’évangélisation est la tâche de l’Église. Mais ce sujet de l’évangélisation est bien plus qu’une institution organique et hiérarchique, car avant tout c’est un peuple qui est en marche vers Dieu. Il s’agit certainement d’un mystère qui plonge ses racines dans la Trinité, mais qui a son caractère concret historique dans un peuple pèlerin et évangélisateur, qui transcende toujours toute expression institutionnelle même nécessaire. Je propose de m’arrêter un peu sur cette façon de comprendre l’Église, qui a son fondement ultime dans la libre et gratuite initiative de Dieu.

Un peuple pour tous

112. Le salut que Dieu nous offre est œuvre de sa miséricorde. Il n’y a pas d’action humaine, aussi bonne soit-elle, qui nous fasse mériter un si grand don. Dieu, par pure grâce, nous attire pour nous unir à lui.[79] Il envoie son Esprit dans nos cœurs pour faire de nous ses fils, pour nous transformer et pour nous rendre capables de répondre par notre vie à son amour. L’Église est envoyée par Jésus Christ comme sacrement de salut offert par Dieu[80]. Par ses actions évangélisatrices, elle collabore comme instrument de la grâce divine qui opère sans cesse au-delà de toute supervision possible. Benoît XVI l’a bien exprimé en ouvrant les réflexions du Synode : « Il est (…) important de toujours savoir que le premier mot, l’initiative véritable, l’activité véritable vient de Dieu et c’est seulement en s’insérant dans cette initiative divine, c’est seulement en implorant cette initiative divine, que nous pouvons devenir nous aussi – avec Lui et en Lui – des évangélisateurs ».[81] Le principe du primat de la grâce doit être un phare qui illumine constamment nos réflexions sur l’évangélisation.

113. Ce salut, que Dieu réalise et que l’Église annonce joyeusement, est destiné à tous,[82] et Dieu a donné naissance à un chemin pour s’unir chacun des êtres humains de tous les temps. Il a choisi de les convoquer comme peuple et non pas comme des êtres isolés.[83] Personne ne se sauve tout seul, c’est-à-dire, ni comme individu isolé ni par ses propres forces. Dieu nous attire en tenant compte de la trame complexe des relations interpersonnelles que comporte la vie dans une communauté humaine. Ce peuple que Dieu s’est choisi et a convoqué est l’Église. Jésus ne dit pas aux Apôtres de former un groupe exclusif, un groupe d’élite. Jésus dit : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19). Saint Paul affirme qu’au sein du peuple de Dieu, dans l’Église, « il n’y a ni Juif ni Grec […] car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 28). Je voudrais dire à ceux qui se sentent loin de Dieu et de l’Église, à ceux qui sont craintifs et indifférents : Le Seigneur t’appelle toi aussi à faire partie de son peuple et il le fait avec grand respect et amour !

114. Être Église c’est être peuple de Dieu, en accord avec le grand projet d’amour du Père. Cela appelle à être le ferment de Dieu au sein de l’humanité. Cela veut dire annoncer et porter le salut de Dieu dans notre monde, qui souvent se perd, a besoin de réponses qui donnent courage et espérance, ainsi qu’une nouvelle vigueur dans la marche. L’Église doit être le lieu de la miséricorde gratuite, où tout le monde peut se sentir accueilli, aimé, pardonné et encouragé à vivre selon la bonne vie de l’Évangile.

Un peuple aux multiples visages

115. Ce peuple de Dieu s’incarne dans les peuples de la terre, chacun de ses membres a sa propre culture. La notion de culture est un précieux outil pour comprendre les diverses expressions de la vie chrétienne présentes dans le peuple de Dieu. Il s’agit du style de vie d’une société précise, de la manière propre qu’ont ses membres de tisser des relations entre eux, avec les autres créatures et avec Dieu. Comprise ainsi, la culture embrasse la totalité de la vie d’un peuple.[84] Chaque peuple, dans son évolution historique, promeut sa propre culture avec une autonomie légitime.[85] On doit cela au fait que la personne humaine « de par sa nature même, a absolument besoin d’une vie sociale »,[86] et elle se réfère toujours à la société, où elle vit d’une façon concrète sa relation avec la réalité. L’être humain est toujours culturellement situé : « nature et culture sont liées de façon aussi étroite que possible ».[87] La grâce suppose la culture, et le don de Dieu s’incarne dans la culture de la personne qui la reçoit.

116. En ces deux millénaires de christianisme, d’innombrables peuples ont reçu la grâce de la foi, l’ont fait fleurir dans leur vie quotidienne et l’ont transmise selon leurs modalités culturelles propres. Quand une communauté accueille l’annonce du salut, l’Esprit Saint féconde sa culture avec la force transformante de l’Évangile. De sorte que, comme nous pouvons le voir dans l’histoire de l’Église, le christianisme n’a pas un modèle culturel unique, mais « tout en restant pleinement lui-même, dans l’absolue fidélité à l’annonce évangélique et à la tradition ecclésiale, il revêtira aussi le visage des innombrables cultures et des innombrables peuples où il est accueilli et enraciné ».[88] Chez les divers peuples, qui expérimentent le don de Dieu selon leur propre culture, l’Église exprime sa catholicité authentique et montre « la beauté de ce visage multiforme ».[89] Dans les expressions chrétiennes d’un peuple évangélisé, l’Esprit Saint embellit l’Église, en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage. Par l’inculturation, l’Église « introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté »,[90] parce que « toute culture offre des valeurs et des modèles positifs qui peuvent enrichir la manière dont l’Évangile est annoncé, compris et vécu ».[91] Ainsi, « l’Église, accueillant les valeurs des différentes cultures, devient la “sponsa ornata monilibus suis”, “l’épouse qui se pare de ses bijoux” (cf. Is 61, 10) ».[92]

117. Bien comprise, la diversité culturelle ne menace pas l’unité de l’Église. C’est l’Esprit Saint, envoyé par le Père et le Fils, qui transforme nos cœurs et nous rend capables d’entrer dans la communion parfaite de la Sainte Trinité où tout trouve son unité. Il construit la communion et l’harmonie du peuple de Dieu. L’Esprit Saint lui-même est l’harmonie, de même qu’il est le lien d’amour entre le Père et le Fils.[93] C’est lui qui suscite une grande richesse diversifiée de dons et en même temps construit une unité qui n’est jamais uniformité mais une harmonie multiforme qui attire. L’évangélisation reconnaît avec joie ces multiples richesses que l’Esprit engendre dans l’Église. Ce n’est pas faire justice à la logique de l’incarnation que de penser à un christianisme monoculturel et monocorde. S’il est bien vrai que certaines cultures ont été étroitement liées à la prédication de l’Évangile et au développement d’une pensée chrétienne, le message révélé ne s’identifie à aucune d’entre elles et il a un contenu transculturel. C’est pourquoi, en évangélisant de nouvelles cultures ou des cultures qui n’ont pas accueilli la prédication chrétienne, il n’est pas indispensable d’imposer une forme culturelle particulière, aussi belle et antique qu’elle soit, avec la proposition de l’Évangile. Le message que nous annonçons a toujours un revêtement culturel, mais parfois dans l’Église nous tombons dans une sacralisation vaniteuse de la propre culture, avec laquelle nous pouvons manifester plus de fanatisme qu’une authentique ferveur évangélisatrice.

118. Les évêques de l’Océanie ont ainsi demandé que chez eux l’Église « fasse comprendre et présente la vérité du Christ en s’inspirant des traditions et des cultures de la région » et ils ont souhaité que « tous les missionnaires travaillent en harmonie avec les chrétiens autochtones pour faire en sorte que la foi et la vie de l’Église soient exprimées selon des formes légitimes appropriées à chaque culture ».[94] Nous ne pouvons pas prétendre que tous les peuples de tous les continents, en exprimant la foi chrétienne, imitent les modalités adoptées par les peuples européens à un moment précis de leur histoire, car la foi ne peut pas être enfermée dans les limites de la compréhension et de l’expression d’une culture particulière.[95] Il est indiscutable qu’une seule culture n’épuise pas le mystère de la rédemption du Christ.

Nous sommes tous des disciples missionnaires

119. Dans tous les baptisés, du premier au dernier, agit la force sanctificatrice de l’Esprit qui incite à évangéliser. Le Peuple de Dieu est saint à cause de cette onction que le rend infaillible “in credendo”. Cela signifie que quand il croit il ne se trompe pas, même s’il ne trouve pas les paroles pour exprimer sa foi. L’Esprit le guide dans la vérité et le conduit au salut.[96] Comme faisant partie de son mystère d’amour pour l’humanité, Dieu dote la totalité des fidèles d’un instinct de la foi – le sensus fidei – qui les aide à discerner ce qui vient réellement de Dieu. La présence de l’Esprit donne aux chrétiens une certaine connaturalité avec les réalités divines et une sagesse qui leur permet de les comprendre de manière intuitive, même s’ils ne disposent pas des moyens appropriés pour les exprimer avec précision.

120. En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leursactions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes « disciples » et « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciples-missionnaires ». Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41). La samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus « à cause de la parole de la femme » (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, « aussitôt se mit à prêcher Jésus » (Ac 9, 20 ). Et nous, qu’attendons-nous ?

121. Assurément, nous sommes tous appelés à grandir comme évangélisateurs. En même temps employons-nous à une meilleure formation, à un approfondissement de notre amour et à un témoignage plus clair de l’Évangile. En ce sens, nous devons tous accepter que les autres nous évangélisent constamment ; mais cela ne signifie pas que nous devons renoncer à la mission d’évangélisation, mais plutôt que nous devons trouver le mode de communiquer Jésus qui corresponde à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Dans tous les cas, nous sommes tous appelés à offrir aux autres le témoignage explicite de l’amour salvifique du Seigneur, qui, bien au-delà de nos imperfections, nous donne sa proximité, sa Parole, sa force, et donne sens à notre vie. Ton cœur sait que la vie n’est pas la même sans lui, alors ce que tu as découvert, ce qui t’aide à vivre et te donne une espérance, c’est cela que tu dois communiquer aux autres. Notre imperfection ne doit pas être une excuse ; au contraire, la mission est un stimulant constant pour ne pas s’installer dans la médiocrité et pour continuer à grandir. Le témoignage de foi que tout chrétien est appelé à donner, implique d’affirmer, comme saint Paul : « Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course […] et je cours vers le but » (Ph 3, 12-13).

La force évangélisatrice de la piété populaire

122. De la sorte, nous pouvons penser que les divers peuples, chez qui l’Évangile a été inculturé, sont des sujets collectifs actifs, agents de l’évangélisation. Ceci se vérifie parce que chaque peuple est le créateur de sa culture et le protagoniste de son histoire. La culture est quelque chose de dynamique, qu’un peuple recrée constamment, et chaque génération transmet à la suivante un ensemble de comportements relatifs aux diverses situations existentielles, qu’elle doit élaborer de nouveau face à ses propres défis. L’être humain « est à la fois fils et père de la culture dans laquelle il est immergé ».[97] Quand un peuple a inculturé l’Évangile, dans son processus de transmission culturelle, il transmet aussi la foi de manières toujours nouvelles ; d’où l’importance de l’évangélisation comprise comme inculturation. Chaque portion du peuple de Dieu, en traduisant dans sa vie le don de Dieu selon son génie propre, rend témoignage à la foi reçue et l’enrichit de nouvelles expressions qui sont éloquentes. On peut dire que « le peuple s’évangélise continuellement lui-même ».[98] D’où l’importance particulière de la piété populaire, expression authentique de l’action missionnaire spontanée du peuple de Dieu. Il s’agit d’une réalité en développement permanent où l’Esprit Saint est l’agent premier.[99]

123. Dans la piété populaire, on peut comprendre comment la foi reçue s’est incarnée dans une culture et continue à se transmettre. Regardée avec méfiance pendant un temps, elle a été l’objet d’une revalorisation dans les décennies postérieures au Concile. Ce fut Paul VI, dans son Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi qui donna une impulsion décisive en ce sens. Il y explique que la piété populaire « traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître »[100] et qu’elle « rend capable de générosité et de sacrifice jusqu’à l’héroïsme lorsqu’il s’agit de manifester la foi ».[101] Plus près de nous, Benoît XVI, en Amérique latine, a signalé qu’il s’agit « d’un précieux trésor de l’Église catholique » et qu’en elle « apparaît l’âme des peuples latino-américains ».[102]

124. Dans le Document d’Aparecida sont décrites les richesses que l’Esprit Saint déploie dans la piété populaire avec ses initiatives gratuites. En ce continent bien-aimé, où un grand nombre de chrétiens expriment leur foi à travers la piété populaire, les évêques l’appellent aussi « spiritualité populaire » ou « mystique populaire ».[103] Il s’agit d’une véritable « spiritualité incarnée dans la culture des simples ».[104] Elle n’est pas vide de contenus, mais elle les révèle et les exprime plus par voie symbolique que par l’usage de la raison instrumentale, et, dans l’acte de foi, elle accentue davantage le credere in Deum que le credere Deum.[105] « C’est une manière légitime de vivre la foi, une façon de se sentir partie prenante de l’Église, et une manière d’être missionnaire »[106] ; elle porte en elle la grâce de la mission, du sortir de soi et d’être pèlerins : « le fait de marcher ensemble vers les sanctuaires, et de participer à d’autres manifestations de la piété populaire, en amenant aussi les enfants ou en invitant d’autres personnes, est en soi un acte d’évangélisation ».[107] Ne contraignons pas et ne prétendons pas contrôler cette force missionnaire !

125. Pour comprendre cette réalité il faut s’en approcher avec le regard du Bon Pasteur, qui ne cherche pas à juger mais à aimer. C’est seulement à partir d’une connaturalité affective que donne l’amour que nous pouvons apprécier la vie théologale présente dans la piété des peuples chrétiens, spécialement dans les pauvres. Je pense à la foi solide de ces mères au pied du lit de leur enfant malade qui s’appliquent au Rosaire bien qu’elles ne sachent pas ébaucher les phrases du Credo ; ou à tous ces actes chargés d’espérance manifestés par une bougie que l’on allume dans un humble foyer pour demander l’aide de Marie, ou à ces regards d’amour profond vers le Christ crucifié. Celui qui aime le saint peuple fidèle de Dieu ne peut pas regarder ces actions seulement comme une recherche naturelle de la divinité. Ce sont les manifestations d’une vie théologale animée par l’action de l’Esprit Saint qui a été répandu dans nos cœurs (cf. Rm 5, 5).

126. Dans la piété populaire, puisqu’elle est fruit de l’Évangile inculturé, se trouve une force activement évangélisatrice que nous ne pouvons pas sous-estimer : ce serait comme méconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint. Nous sommes plutôt appelés à l’encourager et à la fortifier pour approfondir le processus d’inculturation qui est une réalité jamais achevée. Les expressions de la piété populaire ont beaucoup à nous apprendre, et, pour qui sait les lire, elles sont un lieu théologique auquel nous devons prêter attention, en particulier au moment où nous pensons à la nouvelle évangélisation.

De personne à personne

127. Maintenant que l’Église veut vivre un profond renouveau missionnaire, il y a une forme de prédication qui nous revient à tous comme tâche quotidienne. Il s’agit de porter l’Évangile aux personnes avec lesquelles chacun a à faire, tant les plus proches que celles qui sont inconnues. C’est la prédication informelle que l’on peut réaliser dans une conversation, et c’est aussi celle que fait un missionnaire quand il visite une maison. Être disciple c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin.

128. Dans cette prédication, toujours respectueuse et aimable, le premier moment consiste en un dialogue personnel, où l’autre personne s’exprime et partage ses joies, ses espérances, ses préoccupations pour les personnes qui lui sont chères, et beaucoup de choses qu’elle porte dans son cœur. C’est seulement après cette conversation, qu’il est possible de présenter la Parole, que ce soit par la lecture de quelque passage de l’Écriture ou de manière narrative, mais toujours en rappelant l’annonce fondamentale : l’amour personnel de Dieu qui s’est fait homme, s’est livré pour nous, et qui, vivant, offre son salut et son amitié. C’est l’annonce qui se partage dans une attitude humble, de témoignage, de celui qui toujours sait apprendre, avec la conscience que le message est si riche et si profond qu’il nous dépasse toujours. Parfois il s’exprime de manière plus directe, d’autres fois à travers un témoignage personnel, un récit, un geste, ou la forme que l’Esprit Saint lui-même peut susciter en une circonstance concrète. Si cela semble prudent et si les conditions sont réunies, il est bon que cette rencontre fraternelle et missionnaire se conclue par une brève prière qui rejoigne les préoccupations que la personne a manifestées. Ainsi, elle percevra mieux qu’elle a été écoutée et comprise, que sa situation a été remise entre les mains de Dieu, et elle reconnaîtra que la Parole de Dieu parle réellement à sa propre existence.

129. Il ne faut pas penser que l’annonce évangélique doive se transmettre toujours par des formules déterminées et figées, ou avec des paroles précises qui expriment un contenu absolument invariable. Elle se transmet sous des formes très diverses qu’il serait impossible de décrire ou de cataloguer, dont le peuple de Dieu, avec ses innombrables gestes et signes, est le sujet collectif. Par conséquent, si l’Évangile s’est incarné dans une culture, il ne se communique pas seulement par l’annonce de personne à personne. Cela doit nous faire penser que, dans les pays où le christianisme est minoritaire, en plus d’encourager chaque baptisé à annoncer l’Évangile, les Églises particulières doivent développer activement des formes, au moins initiales, d’inculturation. Ce à quoi on doit tendre, en définitive, c’est que la prédication de l’Évangile, exprimée par des catégories propres à la culture où il est annoncé, provoque une nouvelle synthèse avec cette culture. Bien que ces processus soient toujours lents, parfois la crainte nous paralyse trop. Si nous laissons les doutes et les peurs étouffer toute audace, il est possible qu’au lieu d’être créatifs, nous restions simplement tranquilles sans provoquer aucune avancée et, dans ce cas, nous ne serons pas participants aux processus historiques par notre coopération, mais nous serons simplement spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église.

Les charismes au service de la communion évangélisatrice

130. L’Esprit Saint enrichit toute l’Église qui évangélise aussi par divers charismes. Ce sont des dons pour renouveler et édifier l’Église.[108] Ils ne sont pas un patrimoine fermé, livré à un groupe pour qu’il le garde ; il s’agit plutôt de cadeaux de l’Esprit intégrés au corps ecclésial, attirés vers le centre qui est le Christ, d’où ils partent en une impulsion évangélisatrice. Un signe clair de l’authenticité d’un charisme est son ecclésialité, sa capacité de s’intégrer harmonieusement dans la vie du peuple saint de Dieu, pour le bien de tous. Une véritable nouveauté suscitée par l’Esprit n’a pas besoin de porter ombrage aux autres spiritualités et dons pour s’affirmer elle-même. Plus un charisme tournera son regard vers le cœur de l’Évangile plus son exercice sera ecclésial. Même si cela coûte, c’est dans la communion qu’un charisme se révèle authentiquement et mystérieusement fécond. Si elle vit ce défi, l’Église peut être un modèle pour la paix dans le monde.

131. Les différences entre les personnes et les communautés sont parfois inconfortables, mais l’Esprit Saint, qui suscite cette diversité, peut tirer de tout quelque chose de bon, et le transformer en un dynamisme évangélisateur qui agit par attraction. La diversité doit toujours être réconciliée avec l’aide de l’Esprit Saint ; lui seul peut susciter la diversité, la pluralité, la multiplicité et, en même temps, réaliser l’unité. En revanche, quand c’est nous qui prétendons être la diversité et que nous nous enfermons dans nos particularismes, dans nos exclusivismes, nous provoquons la division ; d’autre part, quand c’est nous qui voulons construire l’unité avec nos plans humains, nous finissons par imposer l’uniformité, l’homologation. Ceci n’aide pas à la mission de l’Église.

Culture, pensée et éducation

132. L’annonce à la culture implique aussi une annonce aux cultures professionnelles, scientifiques et académiques. Il s’agit de la rencontre entre la foi, la raison et les sciences qui vise à développer un nouveau discours sur la crédibilité, une apologétique originale[109] qui aide à créer les dispositions pour que l’Évangile soit écouté par tous. Quand certaines catégories de la raison et des sciences sont accueillies dans l’annonce du message, ces catégories elles-mêmes deviennent des instruments d’évangélisation ; c’est l’eau changée en vin. C’est ce qui une fois adopté, n’est pas seulement racheté, mais devient instrument de l’Esprit pour éclairer et rénover le monde.

133. Du moment que la préoccupation de l’évangélisateur de rejoindre toute personne ne suffit pas, et que l’Évangile doit aussi être annoncé aux cultures dans leur ensemble,la théologie – et pas seulement la théologie pastorale – en dialogue avec les autres sciences et expériences humaines revêt une grande importance pour penser comment faire parvenir la proposition de l’Évangile à la diversité des contextes culturels et des destinataires.[110] Engagée dans l’évangélisation, l’Église apprécie et encourage le charisme des théologiens et leur effort dans la recherche théologique qui promeut le dialogue avec le monde de la culture et de la science. Je fais appel aux théologiens afin qu’ils accomplissent ce service comme faisant partie de la mission salvifique de l’Église. Mais il est nécessaire, qu’à cette fin, ils aient à cœur la finalité évangélisatrice de l’Église et de la théologie elle-même, et qu’ils ne se contentent pas d’une théologie de bureau.

134. Les Universités sont un milieu privilégié pour penser et développer cet engagement d’évangélisation de manière interdisciplinaire et intégrée. Les écoles catholiques qui se proposent toujours de conjuguer la tâche éducative avec l’annonce explicite de l’Évangile constituent un apport de valeur à l’évangélisation de la culture, même dans les pays et les villes où une situation défavorable nous encourage à faire preuve de créativité pour trouver les chemins adéquats.[111]

2. L’homélie

135. Considérons maintenant la prédication dans la liturgie, qui demande une sérieuse évaluation de la part des pasteurs. Je m’attarderai en particulier, et avec un certain soin, à l’homélie et à sa préparation, car les réclamations à l’égard de ce grand ministère sont nombreuses, et nous ne pouvons pas faire la sourde oreille. L’homélie est la pierre de touche pour évaluer la proximité et la capacité de rencontre d’un pasteur avec son peuple. De fait, nous savons que les fidèles lui donnent beaucoup d’importance ; et ceux-ci, comme les ministres ordonnés eux-mêmes, souffrent souvent, les uns d’écouter, les autres de prêcher. Il est triste qu’il en soit ainsi. L’homélie peut être vraiment une intense et heureuse expérience de l’Esprit, une rencontre réconfortante avec la Parole, une source constante de renouveau et de croissance.

136. Renouvelons notre confiance dans la prédication, qui se fonde sur la conviction que c’est Dieu qui veut rejoindre les autres à travers le prédicateur, et qu’il déploie sa puissance à travers la parole humaine. Saint Paul parle avec force de la nécessité de prêcher, parce que le Seigneur a aussi voulu rejoindre les autres par notre parole (cf. Rm 10, 14-17). Par la parole, notre Seigneur s’est conquis le cœur des gens. Ils venaient l’écouter de partout (cf. Mc 1, 45). Ils restaient émerveillés, “buvant” ses enseignements (cf. Mc 6, 2). Ils sentaient qu’il leur parlait comme quelqu’un qui a autorité (cf. Mc 1, 27). Avec la parole, les Apôtres, qu’il a institués « pour être ses compagnons et les envoyer prêcher » (Mc 3, 14), attiraient tous les peuples dans le sein de l’Église (cf. Mc 16, 15.20).

Le contexte liturgique

137. Il faut se rappeler maintenant que « la proclamation liturgique de la Parole de Dieu, surtout dans le cadre de l’assemblée eucharistique, est moins un moment de méditation et de catéchèse que le dialogue de Dieu avec son peuple, dialogue où sont proclamées les merveilles du salut et continuellement proposées les exigences de l’Alliance ».[112] L’homélie a une valeur spéciale qui provient de son contexte eucharistique, qui dépasse toutes les catéchèses parce qu’elle est le moment le plus élevé du dialogue entre Dieu et son peuple, avant la communion sacramentelle. L’homélie reprend ce dialogue qui est déjà engagé entre le Seigneur et son peuple. Celui qui prêche doit discerner le cœur de sa communauté pour chercher où est vivant et ardent le désir de Dieu, et aussi où ce dialogue, qui était amoureux, a été étouffé ou n’a pas pu donner de fruit.

138. L’homélie ne peut pas être un spectacle de divertissement, elle ne répond pas à la logique des moyens médiatiques, mais elle doit donner ferveur et sens à la célébration. C’est un genre particulier, puisqu’il s’agit d’une prédication dans le cadre d’une célébration liturgique ; par conséquent elle doit être brève et éviter de ressembler à une conférence ou à un cours. Le prédicateur peut être capable de maintenir l’intérêt des gens durant une heure, mais alors sa parole devient plus importante que la célébration de la foi. Si l’homélie se prolonge trop, elle nuit à deux caractéristiques de la célébration liturgique : l’harmonie entre ses parties et son rythme. Quand la prédication se réalise dans le contexte liturgique, elle s’intègre comme une partie de l’offrande qui est remise au Père et comme médiation de la grâce que le Christ répand dans la célébration. Ce contexte même exige que la prédication oriente l’assemblée, et aussi le prédicateur, vers une communion avec le Christ dans l’Eucharistie qui transforme la vie. Ceci demande que la parole du prédicateur ne prenne pas une place excessive, de manière à ce que le Seigneur brille davantage que le ministre.

La conversation d’une mère

139. Nous avons dit que le Peuple de Dieu, par l’action constante de l’Esprit en lui, s’évangélise continuellement lui-même. Qu’implique cette conviction pour le prédicateur ? Elle nous rappelle que l’Église est mère et qu’elle prêche au peuple comme une mère parle à son enfant, sachant que l’enfant a confiance que tout ce qu’elle lui enseigne sera pour son bien parce qu’il se sait aimé. De plus, la mère sait reconnaître tout ce que Dieu a semé chez son enfant, elle écoute ses préoccupations et apprend de lui. L’esprit d’amour qui règne dans une famille guide autant la mère que l’enfant dans leur dialogue, où l’on enseigne et apprend, où l’on se corrige et apprécie les bonnes choses. Il en est ainsi également dans l’homélie. L’Esprit, qui a inspiré les Évangiles et qui agit dans le peuple de Dieu, inspire aussi comment on doit écouter la foi du peuple, et comment on doit prêcher à chaque Eucharistie. La prédication chrétienne, par conséquent, trouve au cœur de la culture du peuple une source d’eau vive, tant pour savoir ce qu’elle doit dire que pour trouver la manière appropriée de le dire. De même qu’on aime que l’on nous parle dans notre langue maternelle, de même aussi, dans la foi, nous aimons que l’on nous parle avec les termes de la “culture maternelle”, avec les termes du dialecte maternel (cf. 2M, 21.27), et le cœur se dispose à mieux écouter. Cette langue est un ton qui transmet courage, souffle, force et impulsion.

140. On doit favoriser et cultiver ce milieu maternel et ecclésial dans lequel se développe le dialogue du Seigneur avec son peuple, moyennant la proximité de cœur du prédicateur, la chaleur de son ton de voix, la douceur du style de ses phrases, la joie de ses gestes. Même dans les cas où l’homélie est un peu ennuyeuse, si cet esprit maternel et ecclésial est perceptible, elle sera toujours féconde, comme les conseils ennuyeux d’une mère donnent du fruit avec le temps dans le cœur de ses enfants.

141. On reste admiratif des moyens qu’emploie le Seigneur pour dialoguer avec son peuple, pour révéler son mystère à tous, pour captiver les gens simples avec des enseignements si élevés et si exigeants. Je crois que le secret se cache dans ce regard de Jésus vers le peuple, au-delà de ses faiblesses et de ses chutes : « Sois sans crainte petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12, 32) ; Jésus prêche dans cet esprit. Plein de joie dans l’Esprit, il bénit le Père qui attire les petits : « Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21). Le Seigneur se complaît vraiment à dialoguer avec son peuple, et le prédicateur doit faire sentir aux gens ce plaisir du Seigneur.

Des paroles qui font brûler les cœurs

142. Un dialogue est beaucoup plus que la communication d’une vérité. Il se réalise par le goût de parler et par le bien concret qui se communique entre ceux qui s’aiment au moyen des paroles. C’est un bien qui ne consiste pas en des choses, mais dans les personnes elles-mêmes qui se donnent mutuellement dans le dialogue. La prédication purement moraliste ou endoctrinante, comme aussi celle qui se transforme en un cours d’exégèse, réduit cette communication entre les cœurs qui se fait dans l’homélie et qui doit avoir un caractère quasi sacramentel : « La foi naît de ce qu’on entend dire et ce qu’on entend dire vient de la parole du Christ » (Rm 10, 17). Dans l’homélie, la vérité accompagne la beauté et le bien. Pour que la beauté des images que le Seigneur utilise pour stimuler à la pratique du bien se communique, il ne doit pas s’agir de vérités abstraites ou de froids syllogismes. La mémoire du peuple fidèle, comme celle de Marie, doit rester débordante des merveilles de Dieu. Son cœur, ouvert à l’espérance d’une pratique joyeuse et possible de l’amour qui lui a été annoncé, sent que chaque parole de l’Écriture est avant tout un don, avant d’être une exigence.

143. Le défi d’une prédication inculturée consiste à transmettre la synthèse du message évangélique, et non des idées ou des valeurs décousues. Là où se trouve ta synthèse, là se trouve ton cœur. La différence entre faire la lumière sur la synthèse et faire la lumière sur des idées décousues entre elles est la même qu’il y a entre l’ennui et l’ardeur du cœur. Le prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment : celui du Seigneur et ceux de son peuple. Le dialogue entre Dieu et son peuple renforce encore plus l’Alliance qu’il y a entre eux et resserre le lien de la charité. Durant le temps de l’homélie, les cœurs des croyants font silence et Le laissent leur parler. Le Seigneur et son peuple se parlent de mille manières directement, sans intermédiaires. Cependant, dans l’homélie ils veulent que quelqu’un serve d’instrument et exprime leurs sentiments, de manière à ce qu’ensuite, chacun puisse choisir comment continuer sa conversation. La parole est essentiellement médiatrice et demande non seulement les deux qui dialoguent, mais aussi un prédicateur qui la repropose comme telle, convaincu que « ce n’est pas nous que nous proclamons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus » (2 Co 4, 5).

144. Parler avec le cœur implique de le tenir, non seulement ardent, mais aussi éclairé par l’intégrité de la Révélation et par le chemin que cette Parole a parcouru dans le cœur de l’Église et de notre peuple fidèle au cours de l’histoire. L’identité chrétienne, qui est l’étreinte baptismale que nous a donnée le Père quand nous étions petits, nous fait aspirer ardemment, comme des enfants prodigues – et préférés en Marie – à l’autre étreinte, celle du Père miséricordieux qui nous attend dans la gloire. Faire en sorte que notre peuple se sente comme entre ces deux étreintes est la tâche difficile mais belle de celui qui prêche l’Évangile.

3. La préparation de la prédication

145. La préparation de la prédication est une tâche si importante qu’il convient d’y consacrer un temps prolongé d’étude, de prière, de réflexion et de créativité pastorale. Avec beaucoup d’affection, je désire m’attarder à proposer un itinéraire de préparation de l’homélie. Ce sont des indications qui pour certains pourront paraître évidentes, mais je considère opportun de les suggérer pour rappeler la nécessité de consacrer le temps nécessaire à ce précieux ministère. Certains curés soutiennent souvent que cela n’est pas possible en raison de la multitude des tâches qu’ils doivent remplir ; cependant, j’ose demander que chaque semaine, un temps personnel et communautaire suffisamment prolongé soit consacré à cette tâche, même s’il faut donner moins de temps à d’autres engagements, même importants. La confiance en l’Esprit Saint qui agit dans la prédication n’est pas purement passive, mais active et créative. Elle implique de s’offrir comme instrument (cf. Rm 12, 1), avec toutes ses capacités, pour qu’elles puissent être utilisées par Dieu. Un prédicateur qui ne se prépare pas n’est pas “spirituel”, il est malhonnête et irresponsable envers les dons qu’il a reçus.

Le culte de la vérité

146. Le premier pas, après avoir invoqué l’Esprit Saint, consiste à prêter toute l’attention au texte biblique, qui doit être le fondement de la prédication. Quand on s’attarde à chercher à comprendre quel est le message d’un texte, on exerce le « culte de la vérité ».[113] C’est l’humilité du cœur qui reconnaît que la Parole nous transcende toujours, que nous n’en sommes « ni les maîtres, ni les propriétaires, mais les dépositaires, les hérauts, les serviteurs».[114] Cette attitude de vénération humble et émerveillée de la Parole s’exprime en prenant du temps pour l’étudier avec la plus grande attention et avec une sainte crainte de la manipuler. Pour pouvoir interpréter un texte biblique, il faut de la patience, abandonner toute inquiétude et y consacrer temps, intérêt et dévouement gratuit. Il faut laisser de côté toute préoccupation qui nous assaille pour entrer dans un autre domaine d’attention sereine. Ce n’est pas la peine de se consacrer à lire un texte biblique si on veut obtenir des résultats rapides, faciles ou immédiats. C’est pourquoi, la préparation de la prédication demande de l’amour. On consacre un temps gratuit et sans hâte uniquement aux choses et aux personnes qu’on aime ; et ici il s’agit d’aimer Dieu qui a voulu nous parler. À partir de cet amour, on peut consacrer tout le temps nécessaire, avec l’attitude du disciple : « Parle Seigneur, ton serviteur écoute » (1S 3, 9).

147. Avant tout il convient d’être sûr de comprendre convenablement la signification des paroles que nous lisons. Je veux insister sur quelque chose qui semble évident mais qui n’est pas toujours pris en compte : le texte biblique que nous étudions a deux ou trois mille ans, son langage est très différent de celui que nous utilisons aujourd’hui. Bien qu’il nous semble comprendre les paroles qui sont traduites dans notre langue, cela ne signifie pas que nous comprenions correctement ce qu’a voulu exprimer l’écrivain sacré. Les différents moyens qu’offre l’analyse littéraire sont connus : prêter attention aux mots qui sont répétés ou mis en relief, reconnaître la structure et le dynamisme propre d’un texte, considérer la place qu’occupent les personnages, etc. Mais le but n’est pas de comprendre tous les petits détails d’un texte, le plus important est de découvrir quel est le message principal, celui qui structure le texte et lui donne unité. Si le prédicateur ne fait pas cet effort, il est possible que même sa prédication n’ait ni unité ni ordre ; son discours sera seulement une somme d’idées variées sans lien les unes avec les autres qui ne réussiront pas à mobiliser les auditeurs. Le message central est celui que l’auteur a voulu transmettre en premier lieu, ce qui implique non seulement de reconnaître une idée, mais aussi l’effet que cet auteur a voulu produire. Si un texte a été écrit pour consoler, il ne devrait pas être utilisé pour corriger des erreurs ; s’il a été écrit pour exhorter, il ne devrait pas être utilisé pour instruire ; s’il a été écrit pour enseigner quelque chose sur Dieu, il ne devrait pas être utilisé pour expliquer différentes idées théologiques ; s’il a été écrit pour motiver la louange ou la tâche missionnaire, ne l’utilisons pas pour informer des dernières nouvelles.

148. Certainement, pour comprendre de façon adéquate le sens du message central d’un texte, il est nécessaire de le mettre en connexion avec l’enseignement de toute la Bible, transmise par l’Église. C’est là un principe important de l’interprétation de la Bible, qui tient compte du fait que l’Esprit Saint n’a pas inspiré seulement une partie, mais la Bible tout entière, et que pour certaines questions, le peuple a grandi dans sa compréhension de la volonté de Dieu à partir de l’expérience vécue. De cette façon, on évite les interprétations fausses ou partielles, qui contredisent d’autres enseignements de la même Écriture. Mais cela ne signifie pas affaiblir l’accent propre et spécifique du texte sur lequel on doit prêcher. Un des défauts d’une prédication lassante et inefficace est justement celui de ne pas être en mesure de transmettre la force propre du texte proclamé.

La personnalisation de la Parole

149. Le prédicateur « doit tout d’abord acquérir une grande familiarité personnelle avec la Parole de Dieu. Il ne lui suffit pas d’en connaître l’aspect linguistique ou exégétique, ce qui est cependant nécessaire. Il lui faut accueillir la Parole avec un cœur docile et priant, pour qu’elle pénètre à fond dans ses pensées et ses sentiments et engendre en lui un esprit nouveau »[115]. Cela nous fait du bien de renouveler chaque jour, chaque dimanche, notre ferveur en préparant l’homélie, et en vérifiant si grandit en nous l’amour de la Parole que nous prêchons. Il ne faut pas oublier qu’« en particulier, la sainteté plus ou moins réelle du ministre a une véritable influence sur sa façon d’annoncer la Parole ».[116] Comme l’affirme saint Paul, « nous prêchons, cherchant à plaire non pas aux hommes mais à Dieu qui éprouve nos cœurs » (1 Th 2, 4). Si nous avons les premiers ce vif désir d’écouter la Parole que nous devons prêcher, elle se transmettra d’une façon ou d’une autre au Peuple de Dieu : « C’est du trop-plein du cœur que la bouche parle » (Mt 12, 34). Les lectures du dimanche résonneront dans toute leur splendeur dans le cœur du peuple, si elles ont ainsi résonné en premier lieu dans le cœur du pasteur.

150. Jésus s’irritait devant ces supposés maîtres, très exigeants pour les autres, qui enseignaient la Parole de Dieu, mais ne se laissaient pas éclairer par elle : « Ils lient de pesants fardeaux et les imposent aux épaules des gens, mais eux-mêmes se refusent à les remuer du doigt » (Mt 23, 4). L’Apôtre Jacques exhortait : « Ne soyez pas nombreux, mes frères, à devenir docteurs. Vous le savez, nous n’en recevrons qu’un jugement plus sévère » (Jc 3, 1). Quiconque veut prêcher, doit d’abord être disposé à se laisser toucher par la Parole et à la faire devenir chair dans son existence concrète. De cette façon, la prédication consistera dans cette activité si intense et féconde qui est de « transmettre aux autres ce qu’on a contemplé »[117]. Pour tout cela, avant de préparer concrètement ce que l’on dira dans la prédication, on doit accepter d’être blessé d’abord par cette Parole qui blessera les autres, parce que c’est une Parole vivante et efficace, qui, comme un glaive « pénètre jusqu’au point de division de l’âme et de l’esprit, des articulations et des moelles, et peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12). Cela revêt une importance pastorale. À notre époque aussi, les gens préfèrent écouter les témoins : « ils ont soif d’authenticité […] Le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible ».[118]
Source : vatican.va
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