A la veille de la Journée mondiale de l’environnement, ce vendredi 4 juin 2021, le pape François a adressé un message vidéo, lu par le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin, à Madame Inger Andersen, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) et à Monsieur Qu Dongyu, Directeur général de l’Organisation pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
Message du pape François :
Excellences,
Demain nous célèbrerons la Journée mondiale de l’environnement. Cette commémoration annuelle nous encourage à nous souvenir que tout est lié. « Il faut […] une préoccupation pour l’environnement unie à un amour sincère envers les êtres humains et à un engagement constant pour les problèmes de la société » (1). La célébration de demain aura toutefois une signification particulière, puisqu’elle aura lieu en l’année où commence la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes. Cette décennie nous invite à prendre des engagements sur dix ans visant à prendre soin de notre maison commune en appuyant et intensifiant « les efforts visant à éviter, enrayer et inverser la dégradation des écosystèmes dans le monde et à sensibiliser à l’importance d’une restauration réussie des écosystèmes » (2).
Dans la Bible, nous lisons : « Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains. Le jour au jour en livre le récit et la nuit à la nuit en donne connaissance. Pas de paroles dans ce récit, pas de voix qui s’entende » (Psaume 19, 1-3).
Nous faisons tous partie de ce don de la création. Nous sommes une partie de la nature, nous n’en sommes pas séparés. C’est ce que nous dit la Bible.
La situation environnementale actuelle nous appelle à agir maintenant de toute urgence afin de devenir des intendants toujours plus responsables de la création et de restaurer la nature que nous avons trop longtemps détériorée et exploitée. Sinon, nous risquons de détruire la base même dont nous dépendons. Nous risquons des inondations et la faim avec de graves conséquences pour nous et pour les futures générations. C’est ce que nous disent de nombreux scientifiques.
Nous devons prendre soin les uns des autres, et prendre soin du plus faible d’entre nous. Continuer sur cette voie d’exploitation et de destruction – des êtres humains et de la nature – est injuste et imprudent. C’est ce que nous dirait une conscience responsable.
Nous avons la responsabilité de laisser une maison commune habitable à nos enfants et aux futures générations.
Pourtant, lorsque nous regardons autour de nous, que voyons-nous ? Nous voyons des crises qui mènent à des crises. Nous voyons la destruction de la nature, ainsi qu’une pandémie mondiale conduisant à la mort de millions de personnes. Nous voyons les conséquences injustes de certains aspects de nos systèmes économiques actuels et de nombreuses crises climatiques catastrophiques qui ont des effets graves sur les sociétés humaines et même une extinction massive des espèces.
Et pourtant, il y a de l’espoir. « La liberté humaine est capable de limiter la technique, de l’orienter, comme de la mettre au service d’un autre type de progrès, plus sain, plus humain, plus social, plus intégral » (4).
Nous assistons à un nouvel engagement de plusieurs Etats et acteurs non-gouvernementaux : autorités locales, secteur privé, société civile, jeunes… des efforts visant à promouvoir ce que nous pouvons appeler « l’écologie intégrale », qui est un concept complexe et multidimensionnel : cela suppose une vision à long terme ; cela souligne le caractère indissociable de la « préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement envers la société et la paix intérieure » (5) ; cela vise à restaurer « les différents niveaux d’équilibre écologique, établir l’harmonie en nous, avec les autres, avec la nature et les autres créatures vivantes et avec Dieu » (6). Cela nous rend tous conscients de notre responsabilité d’êtres humains envers nous-mêmes, envers notre prochain, envers la création et envers le Créateur.
Toutefois, nous sommes avertis qu’il nous reste peu de temps – les scientifiques parlent des dix prochaines années, la durée de cette Décennie des Nations Unies – pour restaurer l’écosystème, ce qui signifiera la restauration intégrale de notre relation avec la nature.
Les nombreux « avertissements » dont nous faisons l’expérience, parmi lesquels le Covid-19 et le réchauffement mondial, nous poussent à agir de toute urgence. J’espère que la COP26 sur le changement climatique, qui se tiendra à Glasgow en novembre prochain, aidera à nous apporter les bonnes réponses pour restaurer les écosystèmes à travers à la fois une action renforcée sur le climat et une prise de conscience accrue.
Nous sommes également incités à repenser notre économie. Nous avons besoin d’une « réflexion nouvelle et approfondie sur le sens de l’économie et de ses fins, ainsi qu’une révision profonde et clairvoyante du modèle de développement pour en corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres » (7). La dégradation des écosystèmes est un résultat évident du dysfonctionnement économique.
Restaurer la nature que nous avons détériorée signifie, en premier lieu, nous restaurer nous-mêmes. En saluant cette Décennie des Nations Unies pour la restauration de l’écosystème, soyons pleins de compassion, créatifs et courageux. Puissions-nous prendre notre place comme « Génération de la restauration ».
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1 Lettre encyclique Laudato si’ (24 mai 2015), 91.
2 Résolution UNGA 73/284 adoptée le 1 mars 2019 : Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystème (20212030), op. 1.
3 Psaume 19: 1-3.
4 Lettre encyclique Laudato si’ (24 mai 2015), 112.
5 Ibid., 10.
6 Ibid., 210.
7 Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate (29 juin 2009), 32.