L’ouverture du Lectorat et de l’Acolytat aux femmes montrera « plus clairement » que « le sacerdoce propre de chaque fidèle et le sacerdoce des ministres ordonnés » sont « ordonnés l’un à l’autre », « pour l’édification de l’Église et pour le témoignage de l’Évangile ». C’est ce qu’affirme le pape François dans une lettre adressée au préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et datée de ce 10 janvier 2021.
Lettre du pape François :
A mon vénéré frère, le cardinal Luis F. Ladaria sj, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.
L’Esprit-Saint, relation d’amour entre le Père et le Fils, construit et donne vitalité à la communion de tout le peuple de Dieu, suscitant en lui des dons et des charismes multiples et divers (cf. François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 117). A travers les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie, les membres du Corps du Christ reçoivent de l’Esprit du Ressuscité, à des degrés variables et avec une diversité d’expressions, les dons qui leur permettent d’apporter leur contribution nécessaire à l’édification de l’Église et à l’annonce de l’Évangile à toutes les créatures.
L’apôtre Paul distingue, à ce sujet, les dons de grâce-charismes (« charismata ») et les services (« diakoniai » – « ministeria » [cf. Rm 12, 4 sq et 1 Cor 12, 12sq]). Dans la tradition de l’Église, on appelle ministères les différentes formes que revêtent les charismes lorsqu’ils sont publiquement reconnus et mis à la disposition de la communauté et de sa mission dans une forme stable.
Dans certains cas, le ministère tire son origine d’un sacrement spécifique, l’Ordre sacré : il s’agit des ministères « ordonnés » de l’évêque, du prêtre, du diacre. Dans d’autres cas, le ministère est confié, par un acte liturgique de l’évêque, à une personne qui a reçu le Baptême et la Confirmation et chez laquelle sont reconnus des charismes spécifiques, après un chemin de préparation adapté : on parle alors de ministères « institués ». Beaucoup d’autres services ecclésiaux ou de charges sont exercés, de fait, par un grand nombre de membres de la communauté, pour le bien de l’Église, souvent pour une longue durée et avec une grande efficacité, sans que ne soit prévu de rite particulier pour confier cette charge.
Au cours de l’histoire, avec les changements des situations ecclésiales, sociales, culturelles, l’exercice des ministères dans l’Église catholique a assumé des formes différentes, en conservant intacte la distinction – pas seulement de degré – entre les ministères « institués » (ou « laïcs ») et les ministères « ordonnés ». Les premiers sont des expressions particulières de la condition sacerdotale et royale propre à chaque baptisé (cf. 1 P 2, 9) ; les seconds sont propres à quelques-uns des membres du peuple de Dieu qui, en tant qu’évêques et prêtres, « reçoivent la mission et la faculté d’agir en la personne du Christ Tête » ou, en tant que diacres, « sont habilités à servir le peuple de Dieu dans la diaconie de la liturgie, de la parole et de la charité » (Benoît XVI, lettre apostolique sous forme de Motu Proprio Omnium in mentem, 26 octobre 2009). Pour indiquer cette distinction, on emploie également des expressions telles que sacerdoce baptismal et sacerdoce ordonné (ou ministériel). En tout état de cause, il est bon de rappeler, avec la constitution dogmatique Lumen gentium du Concile Vatican II, qu’ils « sont ordonnés l’un à l’autre ; l’un et l’autre en effet, selon son mode propre, participent de l’unique sacerdoce du Christ » (LG, n. 10). La vie ecclésiale se nourrit de cette référence réciproque et elle est alimentée par la tension féconde de ces deux pôles du sacerdoce, ministériel et baptismal, qui s’enracinent dans l’unique sacerdoce du Christ, tout en étant distincts.
Dans la ligne du Concile Vatican II, le souverain pontife saint Paul VI a voulu revoir la pratique relative aux ministères non ordonnés dans l’Église latine – appelés jusque-là « ordres mineurs » – l’adaptant aux exigences des temps. Une telle adaptation, toutefois, ne doit pas être interprétée comme si la doctrine précédente était dépassée, mais comme une actualisation du dynamisme qui caractérise la nature de l’Église, toujours appelée, avec l’aide de l’Esprit de vérité, à répondre aux défis de chaque époque, dans l’obéissance à la Révélation. La lettre apostolique sous forme de Motu Proprio Ministeria quaedam (15 août 1972) configure deux charges (tâches), celle du Lecteur et celle de l’Acolyte, la première étroitement liée au ministère de la Parole, la seconde au ministère de l’autel, sans exclure que d’autres « charges » puissent être instituées par le Saint-Siège à la demande des Conférences épiscopales.
En outre, la variation des formes d’exercice des ministères non ordonnés n’est pas la simple conséquence, sur le plan sociologique, du désir de s’adapter à la sensibilité ou à la culture des époques et des lieux, mais elle est déterminée par la nécessité de permettre à chaque Église locale/particulière, en communion avec toutes les autres et ayant l’Église qui est à Rome au centre de leur unité, de vivre l’action liturgique, le service des pauvres et l’annonce de l’Évangile dans la fidélité au mandat du Seigneur Jésus-Christ. C’est la tâche des pasteurs de l’Église de reconnaître les dons de chaque baptisé, de les orienter également vers des ministères spécifiques, de les promouvoir et de les coordonner, pour faire en sorte qu’ils participent au bien des communautés et à la mission confiée à tous les disciples.
L’engagement des fidèles laïcs, qui « sont simplement l’immense majorité du peuple de Dieu » (François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 102), ne peut et ne doit certainement pas s’épuiser dans l’exercice des ministères non ordonnés (cf. François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 102) ; toutefois, une meilleure configuration de ceux-ci et une référence plus précise à la responsabilité qui découle, pour tout chrétien, du Baptême et de la Confirmation, pourra aider l’Église à redécouvrir le sens de la communion qui la caractérise et à initier un engagement renouvelé dans la catéchèse et dans la célébration de la foi (cf. François, exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 102). Et c’est précisément dans cette redécouverte que peut mieux se traduire la féconde synergie qui naît du fait que sont ordonnés l’un à l’autre le sacerdoce ordonné et le sacerdoce baptismal. Cette réciprocité, du service au sacrement de l’autel, est appelée à rejaillir, dans la distinction des tâches, dans ce service qui consiste à « faire du Christ le cœur du monde » et qui est la mission propre de toute l’Église. C’est justement ce service unique, bien que distinct, en faveur du monde, qui élargit les horizons de la mission ecclésiale, l’empêchant de se renfermer dans des logiques stériles destinées surtout à revendiquer des espaces de pouvoir et l’aidant à faire l’expérience d’être une communauté spirituelle qui « fait route avec toute l’humanité et partage avec le sort terrestre du monde » (GS, n. 40). C’est dans cette dynamique que l’on peut vraiment comprendre la signification de l’expression « Église en sortie ».
Dans l’horizon du renouveau tracé par le Concile Vatican II, on sent de plus en plus l’urgence, aujourd’hui, de redécouvrir la coresponsabilité de tous les baptisés dans l’Église, et en particulier la mission du laïcat. L’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour la région pan-amazonienne (6-27 octobre 2019) a signalé, au cinquième chapitre du document final, la nécessité de penser à « de nouveaux chemins pour la ministérialité ecclésiale ». Non seulement pour l’Église amazonienne, mais pour toute l’Église, dans la diversité des situations, « il est urgent de promouvoir et de conférer des ministères à des hommes et des femmes… C’est l’Église des hommes et des femmes baptisés que nous devons consolider en encourageant la ministérialité et, surtout, la conscience de la dignité baptismale » (Document final, n. 95).
A ce propos, l’on sait que le Motu proprio Ministeria quaedam réserve aux seuls hommes l’institution des ministères de Lecteur et d’Acolyte et établit par conséquent le can. 230 § 1 du CCC. Toutefois, ces derniers temps et dans de nombreux contextes ecclésiaux, il a été noté que la levée d’une telle réserve pourrait contribuer à manifester davantage la commune dignité baptismale des membres du peuple de Dieu. A l’occasion de la XIIème Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques sur la Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église (5-26 octobre 2008), les pères synodaux avaient déjà souhaité « que le ministère du Lectorat soit ouvert également aux femmes » (cf. Proposition n.17) ; et dans l’exhortation apostolique post-synodale Verbum Domini (30 septembre 2010), Benoît XVI a précisé que l’exercice du munus de lecteur dans la célébration liturgique, et en particulier le ministère du Lectorat en tant que tel, est un ministère laïc dans le rite latin. (cf. n. 58).
Pendant des siècles, la « vénérable tradition de l’Église » a considéré ce que l’on appelait les « ordres mineurs » – dont justement le Lectorat et l’Acolytat – comme les étapes d’un parcours qui devait conduire aux « ordres majeurs » (Sous-diaconat, Diaconat et Sacerdoce). Le sacrement de l’Ordre étant réservé aux seuls hommes, on avait également fait valoir ceci pour les ordres mineurs.
Une distinction plus claire entre les attributions de ce que l’on appelle aujourd’hui les « ministères non-ordonnés (ou laïcs) » et les « ministères ordonnés » permet de lever la réserve des premiers aux seuls hommes. Si, en ce qui concerne les ministères ordonnés, l’Église « n’a en aucune sorte la faculté de conférer aux femmes l’ordination sacerdotale » (cf. Jean-Paul II, lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, 22 mai 1994), pour les ministres non ordonnés, il est possible, et aujourd’hui cela paraît opportun, de dépasser une telle réserve. Cette réserve a eu un sens dans un contexte déterminé mais elle peut être repensée dans des contextes nouveaux, en ayant toujours cependant comme critère la fidélité au mandat du Christ et la volonté de vivre et d’annoncer l’Évangile transmis par les apôtres et confié à l’Église pour qu’il soit religieusement écouté, saintement gardé et fidèlement annoncé.
Ce n’est pas sans motif que saint Paul VI se réfère à une tradition venerabilis (vénérable, ndr), non à une tradition veneranda, au sens strict (à savoir qui « doit » être observée) : on peut la reconnaître comme valable, et elle l’a été pendant longtemps ; mais elle n’a pas de caractère contraignant, puisque la réserve aux seuls hommes n’appartient pas à la nature propre des ministères du Lectorat et de l’Acolytat. Offrir aux laïcs des deux sexes la possibilité d’accéder au ministère de l’Acolytat et du Lectorat, en vertu de leur participation au sacerdoce baptismal, augmentera la reconnaissance, y compris à travers un acte liturgique (l’institution), de la précieuse contribution que, depuis longtemps, de très nombreux laïcs, notamment des femmes, apportent à la vie et à la mission de l’Église.
Pour ces motifs, j’ai considéré comme opportun d’établir que puissent être institués lecteurs ou acolytes non seulement des hommes mais aussi des femmes chez lesquels, à travers le discernement des pasteurs et après une préparation adéquate, l’Église reconnaît « la ferme volonté de servir fidèlement Dieu et le peuple chrétien », comme il est écrit dans le Motu Proprio Ministeria quaedam, en vertu du sacrement du Baptême et de la Confirmation.
Le choix de conférer également aux femmes ces charges, qui impliquent une stabilité, une reconnaissance publique et le mandat donné par l’évêque, rend plus effective dans l’Église la participation de tous à l’œuvre d’évangélisation. « Cela donne lieu aussi à ce que les femmes aient un impact réel et effectif dans l’organisation, dans les décisions les plus importantes et dans la conduite des communautés, mais sans cesser de le faire avec le style propre de leur empreinte féminine » (François, exhortation apostolique Querida Amazonia, n. 103). Le « sacerdoce baptismal » et le « service rendu à la communauté » représentent ainsi les deux piliers sur lesquels se fonde l’institution des ministères.
De cette façon, cela répond à ce qui est demandé pour la mission dans le temps présent et accueille le témoignage donné par de très nombreuses femmes qui ont pris soin et qui prennent soin du service de la Parole et de l’autel ; en outre, il sera plus évident, y compris pour ceux qui s’orientent vers le ministère ordonné, que les ministères du Lectorat et de l’Acolytat s’enracinent dans le sacrement du Baptême et de la Confirmation. Ainsi, sur le chemin qui conduit à l’ordination diaconale et sacerdotale, ceux qui sont institués lecteurs et acolytes comprendront mieux qu’ils participent à une ministérialité commune avec les autres baptisés, hommes et femmes. De sorte que le sacerdoce propre de chaque fidèle (communis sacerdotio) et le sacerdoce des ministres ordonnés (sacerdotium ministeriale seu hierarchicum) se montrent encore plus clairement ordonnés l’un à l’autre (cf. LG, n. 10), pour l’édification de l’Église et pour le témoignage de l’Évangile.
Il reviendra aux Conférences épiscopales d’établir des critères adéquats pour le discernement et la préparation des candidats et des candidates aux ministères du Lectorat ou de l’Acolytat, ou à d’autres ministères qu’ils estimeront devoir instituer, selon ce qui est déjà prévu dans le Motu Proprio Ministeria quaedam, après approbation du Saint-Siège et selon les besoins de l’évangélisation sur leur territoire.
La Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements pourvoira à la mise en œuvre de cette réforme avec la modification de l’Edition type du Pontifical romain, « De Institutione Lectorum et Acolythorum”.
Vous assurant de ma prière, j’accorde de tout cœur la bénédiction apostolique à Votre Éminence, et je l’étends volontiers à tous les membres et collaborateurs de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.