« Un système économique privé de préoccupations éthiques ne mène pas à un ordre social plus juste, mais conduit au contraire à une culture du “jeter après usage” des biens de consommation et des déchets », a déclaré le pape François, lors de l’audience qu’il a accordée aux membres du Conseil pour un Capitalisme inclusif, ce mardi 12 novembre 2019, au Palais apostolique du Vatican.
Discours du pape François :
Éminence, chers frères et sœurs,
Je souhaite cordialement la bienvenue à chacun de vous qui êtes réunis pour cette rencontre des membres du Conseil pour un Capitalisme inclusif. Je remercie le cardinal Peter Turkson pour les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom.
En rencontrant, il y a trois ans, les participants au Fortune – Time Global Forum, j’ai souligné la nécessité de modèles économiques plus inclusifs et équitables qui permettent à chacun d’avoir part aux ressources de ce monde et de réaliser ses propres potentialités. Le Forum 2016 a permis un échange d’idées et d’informations en vue de créer une économie plus humaine et de contribuer à l’élimination de la pauvreté au niveau mondial.
Votre Conseil est l’un des résultats du Forum 2016. Vous avez relevé le défi de réaliser la vision du Forum en cherchant des manières de faire du capitalisme un instrument plus inclusif pour le bien-être intégral. Cela implique de dépasser une économie d’exclusion et de réduire le fossé qui sépare la majeure partie des personnes de la prospérité dont jouit un petit nombre (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, 53-55). L’augmentation des niveaux de pauvreté sur l’échelle mondiale montre que l’inégalité prévaut sur une intégration harmonieuse de personnes et de nations. Il est nécessaire et urgent d’avoir un système économique juste, fiable et en mesure de répondre aux défis plus radicaux que l’humanité et la planète doivent affronter. Je vous encourage à persévérer sur ce chemin de la solidarité généreuse et à travailler pour que l’économie et la finance reviennent à une approche éthique qui favorise les êtres humains (cf. ibid., 58)
Un regard sur l’histoire récente, en particulier sur la crise financière de 2008, nous montre qu’un système économique sain ne peut être basé sur des profits à court terme aux dépens d’un développement et d’investissement productifs, durables et socialement responsables à long terme.
Il est vrai que l’activité entrepreneuriale « est une noble vocation orientée à la production de richesse et à l’amélioration du monde pour tous », et qu’elle « peut être une façon très féconde de promouvoir la région où sont installées ses activités, surtout si elle comprend que la création d’emplois est une partie incontournable de son service du bien commun » (Enc. Laudato si’, 129).
Toutefois, comme l’a rappelé saint Paul VI, le véritable développement ne peut se limiter à la seule croissance économique, mais il doit favoriser la promotion de tous les hommes et de tout l’homme (cf. Enc. Populorum progressio, 14). Cela signifie bien davantage que d’équilibrer le budget, d’améliorer les infrastructures ou d’offrir une plus grande diversité de biens de consommation. Cela comporte plutôt un renouvellement, une purification et un renforcement de modèles économiques valides fondés sur notre conversion et notre générosité personnelle à l’égard des personnes démunies. Un système économique privé de préoccupations éthiques ne mène pas à un ordre social plus juste, mais conduit au contraire à une culture du « jeter après usage » des biens de consommation et des déchets. Au contraire, quand nous reconnaissons la dimension morale de la vie économique, qui est l’un des nombreux aspects de la doctrine sociale de l’Église qui doit être pleinement respectée, nous sommes en mesure d’agir avec charité fraternelle, en désirant, recherchant et protégeant le bien des autres et leur développement intégral.
Chers amis, vous vous êtes donné pour objectif d’étendre à tous les opportunités et les bénéfices de notre système économique. Vos efforts nous rappellent que ceux qui s’engagent dans la vie économique et commerciale sont appelés à servir le bien commun en cherchant à augmenter les biens de ce monde et à les rendre plus accessibles à tous (cf. Evangelii gaudium, 203). En définitive, il ne s’agit pas simplement d’ « avoir davantage » mais d’ « être davantage ». Ce qu’il faut, c’est une profond renouvellement des coeurs et des esprits afin que la personne humaine puisse être toujours mise au centre de la vie sociale, culturelle et économique.
Votre présence ici est par conséquent un signe d’espérance, parce que vous avez reconnu les questions que notre monde est appelé à affronter et l’impératif d’agir avec détermination pour construire un monde meilleur. Je vous exprime ma gratitude pour votre engagement à promouvoir une économie plus juste et humaine, en ligne avec les principes fondamentaux de la doctrine sociale de l’Église et en tenant compte de la personne tout entière, ainsi que de la génération présente et de celles à venir. Un capitalisme inclusif, qui ne laisse personne en arrière, qui n’écarte personne de nos frères et sœurs, est une noble aspiration, digne de vos meilleurs efforts.
Je vous remercie pour cette rencontre et vous accompagne par mes prières. Sur vous tous, sur vos familles et vos collègues, j’invoque la bénédiction de Dieu, source de sagesse, de force et de paix. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Merci.