Le Pape François dans l’avion qui le ramenait en Italie, de retour de son 12ème voyage apostolique au Mexique a, comme c’est la tradition, répondu aux questions des journalistes. Il est revenu sur sa rencontre avec le peuple mexicain, mais a également abordé de nombreux thèmes tels que la crise en Europe, la pédophilie, l’avortement, ou encore le rôle des femmes dans l’Église et leur amitié avec les Papes.
Le Saint-Père s’est également attardé longuement sur sa rencontre avec le Patriarche de Moscou et de toutes les Russies Kirill. Une rencontre qui a toutefois été perçue comme une trahison par de nombreux gréco-catholiques en Ukraine. Un sentiment dont s’est fait l’écho dimanche dernier Mgr Sviatoslav Shevchuk, le primat de l’Église gréco-catholique d’Ukraine. Le Pape a tout d’abord rappelé qu’il connaissait bien Mgr Shevchuk avec qui il a travaillé pendant quatre ans à Buenos Aires et pour lequel il a du «respect», puis il a invité à replacer ses déclarations dans leur contexte. Il s’agissait d’un entretien, et cette déclaration selon laquelle «le peuple ukrainien ou de nombreux ukrainiens se sentent profondément déçus et trahis», se trouve «au troisième et dernier paragraphe». J’ai lu tout l’entretien, affirme le Saint-Père et «Shevchuk se déclare fils de l’Eglise, en communion avec l’évêque de Rome, avec l’Église, il parle du Pape, de sa proximité avec le Pape et de lui, de sa foi, et de la foi du peuple orthodoxe».
Le Pape poursuit, «comme dans chaque entretien, chacun peut exprimer ses idées personnelles pour dialoguer». «Le document ? c’est un document qui peut être discuté, et il y a une chose à ajouter, précise le Saint-père, l’Ukraine vit un moment de guerre, de souffrance, avec tellement d’interprétations». Et le Pape rappelle qu’il a exhorté, à être proche, à prier à de nombreuses reprises pour le peuple ukrainien et il souligne que dans le document il y a «un appel à la fin de la guerre, à obtenir un accord». «J’ai personnellement demandé, insiste le Saint-Père, que les accords de Minsk aillent de l’avant ». «Le Pape a toujours dit : cherchez la paix». Pour conclure sur ce thème, le Saint-Père a appelé à voir dans cet entretien des points dogmatiques sérieux, «il y a un désir d’unité, d’aller de l’avant dans l’œcuménisme» et il invite à tirer une leçon: «une nouvelle doit être interprétée avec l’herméneutique de l’ensemble et non d’une partie».
Pédophilie
Interrogé sur le thème de la pédophilie , le Saint-Père est catégorique: «un évêque qui se limite à changer de paroisse un prêtre pédophile est un inconscient. La meilleure chose qui lui reste à faire, c’est de présenter sa démission». Le Pape François est formel, sans nuance, quand il s’agit de lutter contre les abus sexuels dans l’Église. A ce propos, il exhorte les journalistes à reconnaitre la contribution du cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, qui s’est battu avec courage contre ce fléau que le Saint-Père qualifie de monstrueux. «Un prêtre est consacré pour porter un enfant à Dieu et là dans un sacrifice diabolique, il le détruit». Au Vatican, on continue à travailler sur ce dossier : un troisième secrétaire adjoint va être nommé à la Congrégation pour la doctrine de la Foi.
Avortement
Avec la même fermeté, le Saint-Père répète que «l’avortement n’est pas un moindre mal, c’est un crime, un mal absolu». Eviter une grossesse, au contraire, peut être considéré comme un moindre mal. Et le Pape rappelle que «Paul VI avait lors d’une situation difficile en Afrique, permit aux sœurs d’utiliser des contraceptifs en cas de violences». La contraception ne peut jamais être confondue avec un avortement qui pour les médecins est contraire au serment d’Hippocrate. Alors qu’il est légitime de recourir à la contraception dans certaines situations comme face à la propagation du virus Zika. «L’avortement n’est pas un problème théologique, c’est un problème humain, médical».
Famille
Le Pape François, lors de cet échange réaffirme par ailleurs son désir de voir «réintégrer dans la vie de l’Église les familles blessées et les divorcés-remariés», tout en précisant que «réintégration ne veut pas dire accès à la communion eucharistique». Le Saint-Père indique alors que l’exhortation apostolique post-synodale sur la famille, sortira bientôt, «peut-être avant Pâques».
Politique et Europe
Quand on l’interroge sur des questions strictement politiques, le Pape François est plus discret, car, dit-il, il n’a pas à s’en mêler, que ce soit au sujet de la candidature de Donald Trump aux élections américaines, ou au sujet des discussions au parlement italien sur la possibilité pour les couples homosexuels d’adopter des enfants. Il affirme cependant qu’«une personne qui ne pense qu’à ériger des murs et non à bâtir des ponts, n’est pas chrétienne».
Quant à l’Europe, il souhaiterait sa refondation, car, dit-il, «le vieux continent a une force, une culture, une histoire que l’on ne peut pas gaspiller. Il faut donc tout faire pour que l’Union Européenne trouve l’inspiration, pour aller de l’avant».
Le Souverain Pontife avoue qu’il aimerait tant se rendre en Chine. Il indique par ailleurs qu’il ne se rendra pas en Crète pour le Concile panorthodoxe, mais qu’il sera «présent, spirituellement et à travers un message». Autre déclaration, en réponse à une question d’un journaliste : le Saint-Père dit son souhait de rencontrer l’Imam d’Al Azhar. «Je veux le rencontrer et je sais que cela lui plairait, et nous sommes en train de chercher un moyen» de parvenir à cette rencontre.
Femmes et Eglise
Le Saint-Père, dans cet entretien, rend également un hommage appuyé aux femmes, précieuses conseillères au sein de l’Église. Interrogé sur une «intense correspondance» du Pape Jean-Paul II avec la philosophe américaine Anna-Teresa Tymieniecka, évoquée par de nombreux médias, le Saint-Père François déclare avoir été au courant d’un «rapport d’amitié» entre Jean-Paul II et la philosophe quand il était à Buenos Aires et il ajoute: «un homme qui ne sait pas entretenir de bon rapport d’amitié avec une femme (…) est un homme à qui il manque quelque chose». «Moi aussi, poursuit-il, dans mon expérience personnelle lorsque j’ai besoin de demander un conseil, je le demande à un collaborateur, un ami mais j’aime aussi entendre l’opinion d’une femme: elle te donne tellement de richesse !». «Une amitié avec une femme, n’est pas un péché, souligne le Saint-Père, précisant que le Pape est un homme qui a besoin lui aussi de la pensée des femmes». Le Pape aussi, poursuit-il, «a un cœur qui peut avoir une amitié saine, sainte avec une femme». Et il conclut en déplorant que les femmes soient encore trop peu considérées. «Nous n’avons pas compris le bien qu’une femme peut faire à la vie du prêtre et de l’Église, dans le conseil, l’aide et la saine amitié».