Le pape a quitté la Maison Sainte-Marthe du Vatican, dimanche matin, 21 juin, à 6h30 et il s’est rendu en voiture à l’aéroport de Ciampino d’où il s’est envolé à 7 heures en direction de Turin.
À son arrivée à l’aéroport de Turin-Caselle, le pape a été accueilli par l’archevêque de Turin, Mgr Cesare Nosiglia, ainsi que par l’évêque auxiliaire Mgr Guido Fiandino, le président de la Région du Piémont, Sergio Chiamparino, le préfet de Turin, Madame Paola Basilone et le maire de la ville, Piero Fassino. Parmi les autres personnes présentes : le maire de Caselle, Luca Baracco et le curé de cette ville, le P. Claudio Giai Gischia ainsi que le directeur de l’aéroport, Alberto Lelli.
Le pape François s’est ensuite rendu sur la Piazzetta Reale de Turin où il a rencontré le monde du travail à 8h40.
Après les discours de salutations d’un ouvrier, d’un agriculteur et d’un chef d’entreprise, le pape a prononcé le discours suivant :
Chers frères et sœurs, bonjour !
Je vous salue tous, travailleurs, chefs d’entreprise, autorités, jeunes et familles présents à cette rencontre ; je vous remercie pour vos interventions, d’où émerge votre sens des responsabilités devant les problèmes causés par la crise économique, et pour avoir témoigné que la foi dans le Seigneur et l’unité de la famille vous sont une grande aide et un soutien.
Ma visite à Turin commence avec vous. Et j’exprime avant tout ma proximité à l’égard des jeunes au chômage, des personnes qui ont été licenciées ou qui sont en situation de précarité ; mais aussi à l’égard des chefs d’entreprise, des artisans et de tous les travailleurs des divers secteurs, surtout ceux qui ont plus de difficultés à s’en sortir.
Le travail n’est pas seulement nécessaire à l’économie, mais à la personne humaine, à sa dignité, à sa citoyenneté et aussi à l’inclusion sociale. Turin est historiquement un pôle d’attraction professionnelle, mais qui souffre beaucoup de la crise : le travail manque, les inégalités économiques et sociales ont augmenté, beaucoup de personnes sont devenues plus pauvres et ont des problèmes de logement, de santé, d’instruction et manquent des biens de première nécessité. L’immigration accentue la concurrence, mais les migrants ne doivent pas être accusés, parce qu’ils sont eux aussi victimes de l’iniquité, de cette économie qui écarte, et des guerres. Le spectacle de ces jours-ci, où les êtres humains sont traités comme de la marchandise, donne envie de pleurer !
Dans cette situation, nous sommes appelés à redire notre « non » à une économie du déchet, qui demande de se résigner à l’exclusion de ceux qui vivent dans la pauvreté absolue – à Turin, un dixième environ de la population. On exclut les enfants (natalité zéro !), on exclut les personnes âgées, et maintenant on exclut les jeunes (plus de 40% des jeunes au chômage). On exclut celui qui ne produit pas, à la manière dont on « jette après usage »
Nous sommes appelés à redire notre « non » à l’idolâtrie de l’argent, qui pousse à faire partie à tout prix du petit nombre de ceux qui s’enrichissent, malgré la crise, sans se soucier de tous ceux qui s’appauvrissent, parfois jusqu’à souffrir de la faim.
Nous sommes appelés à dire « non » à la corruption si répandue, qui semble être une attitude, un comportement normal. Mais pas par des paroles, par des actes ! « Non » aux collusions mafieuses, aux escroqueries, aux dessous-de-table, et à ce genre de choses.
Et c’est seulement ainsi, en unissant nos forces, que nous pouvons dire « non » à l’iniquité qui génère la violence. Don Bosco nous enseigne que la meilleure méthode est préventive : on peut aussi prévenir le conflit social et cela passe par la justice.
Dans cette situation, qui n’est pas seulement propre à Turin, à l’Italie, qui est mondiale et complexe, on ne peut pas seulement attendre la « reprise » - « nous attendons la reprise… ». Le travail est fondamental – c’est ce que déclare d’emblée la Constitution italienne – et il est nécessaire que la société tout entière, dans toutes ses composantes, collabore pour qu’il y en ait pour tous et que ce soit un travail digne de l’homme et de la femme. Cela exige un modèle économique qui ne soit pas organisé en fonction du capital et de la production, mais plutôt en fonction du bien commun. Et à propos des femmes – vous en avez parlé [une femme a témoigné parmi les trois travailleurs] – leurs droits doivent être protégés avec force parce que les femmes, qui portent pourtant le plus grand poids avec le souci de la maison, des enfants et des grands-parents, sont encore discriminées, y compris au travail.
C’est un défi très exigeant, à affronter avec solidarité et un regard large ; et Turin est appelée à être encore une fois protagoniste d’une nouvelle saison du développement économique et social, avec sa tradition dans le secteur de la transformation et de l’artisanat – pensons, dans le récit biblique, que Dieu a justement fait un travail d’artisan… Vous êtes appelés à cela : le secteur de la transformation et l’artisanat – et en même temps, dans la recherche et l’innovation.
Il faut pour cela investir courageusement dans la formation, en cherchant à inverser la tendance qui a vu baisser ces derniers temps le niveau moyen d’instruction, et beaucoup de jeunes abandonner l’école. Vous [s’adressant à la femme qui a témoigné] allez à l’école le soir, pour pouvoir avancer…
Aujourd’hui, je voudrais unir ma voix à celle de tous les travailleurs et chefs d’entreprise pour demander que puisse être mis en œuvre un « pacte social et générationnel », comme l’a montré l’expérience de l’ « Agora » que vous vivez dans le territoire du diocèse. Mettre à disposition des données et des ressources, dans la perspective de « faire ensemble », est une condition préliminaire pour dépasser la situation difficile actuelle et pour construire une identité nouvelle et adaptée aux temps et aux exigences de votre territoire. Le temps est venu de réactiver une solidarité entre les générations, de retrouver la confiance entre les jeunes et les adultes. Cela implique aussi d’ouvrir des possibilités concrètes de crédit pour de nouvelles initiatives, de stimuler une orientation et un accompagnement constants au travail, de soutenir l’apprentissage et le lien entre les entreprises, l’école professionnelle et l’université.
J’ai beaucoup aimé que vous ayez tous les trois parlé de la famille, des enfants et des grands-parents. N’oubliez pas cette richesse ! Vos enfants sont la promesse à encourager : ce travail que vous avez indiqué, que vous avez reçu de vos ancêtres. Et les personnes âgées sont la richesse de la mémoire. Une crise ne peut être dépassée, nous ne pouvons pas sortir de la crise sans les jeunes, les adolescents, les enfants et les grands-parents. La force de l’avenir et la mémoire du passé qui nous montre où il faut aller. Ne négligez pas cela, s’il vous plaît ! Les enfants et les grands-parents sont la richesse et la promesse d’un peuple.
À Turin et sur son territoire, il existe encore de remarquables potentialités à investir pour la création du travail : l’assistance est nécessaire, mais cela ne suffit pas ; il faut une promotion, qui génère la confiance dans l’avenir.
Voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire. J’ajoute un mot mais je ne voudrais pas que ce soit de la rhétorique, s’il vous plaît : Courage ! Cela ne signifie pas : Patience, résignez-vous ! Non, non, ce n’est pas cela. Au contraire, cela signifie : osez, soyez courageux, allez de l’avant, soyez créatifs, soyez des « artisans » tous les jours, des artisans de l’avenir ! Avec la force de cette espérance que nous donne le Seigneur et qui ne déçoit jamais. Mais qui a aussi besoin de notre travail. Je prie pour cela et je vous accompagne de tout cœur. Que le Seigneur vous bénisse tous et que la Vierge Marie vous protège. Et, s’il vous plaît, je vous demande de prier pour moi ! Merci !