L’Église du Sri Lanka « est dans une position unique pour offrir une image vivante d’unité dans la foi puisqu’elle a le bonheur de compter en son sein à la fois des Cinghalais et des Tamouls », déclare le pape François qui invite les catholiques à « créer un climat de
dialogue afin de construire une société plus juste et plus équitable ».
Le pape François a reçu les évêques de la Conférence épiscopale du Sri Lanka, à l’occasion de leur visite "ad Limina apostolorum", samedi dernier, 3 mai 2014, au Vatican. Il les a exhortés à être « des pasteurs de la famille ».
« Vos efforts pour soutenir les familles ne sont pas seulement une aide pour l’Église mais pour la société sri-lankaise tout entière, notamment dans ses efforts de réconciliation et d’unité. Je vous exhorte donc à être d’autant plus vigilants et à travailler avec les autorités gouvernementales et avec les autres chefs religieux pour que la dignité et la primauté de la famille soient protégées », a-t-il ajouté.
« Il reste beaucoup de travail à faire pour promouvoir la réconciliation, pour faire respecter les droits humains de tout le peuple et pour dépasser les tensions ethniques encore vives », a fait observer le pape, qui a adressé « une parole de consolation particulière à toutes les personnes qui ont perdu des proches pendant la guerre et qui ne connaissent pas leur sort ».
Il a aussi souligné « l’importance du dialogue interreligieux et œcuménique » : « Bien que des tensions menacent les relations interreligieuses et œcuméniques, l’Église au Sri Lanka doit continuer fermement de rechercher des partenaires au service de la paix et des interlocuteurs en vue d’un dialogue ».
Les catholiques représentent 7% de la population du Sri Lanka, la majorité étant bouddhiste (près de 70%).
Discours du pape François :
Chers frères évêques,
C’est pour moi une grande joie de vous accueillir ici, à l’occasion de votre visite ad Limina Apostolorum, qui vous permet de renouveler votre communion avec le Successeur de Pierre et vous donne la possibilité de réfléchir sur la vie de l’Église au Sri Lanka. Je remercie le cardinal Ranjith pour les chaleureuses paroles de salutation qu’il m’a adressées de votre part et de la part de tous les fidèles de vos Églises locales. Je vous prie de leur transmettre mes salutations ainsi que l’assurance de mon amour, de ma solidarité et de ma sollicitude. Je garde le souvenir ému de ma récente rencontre, dans la Basilique Saint-Pierre, avec des membres de la communauté du Sri Lanka en pèlerinage à Rome pour marquer le soixante-quinzième anniversaire de la consécration de votre pays à la Vierge Marie. J’espère, chers frères, que ces journées de réflexion et de prière vous confirmeront dans la foi et dans la connaissance de tous les dons que vous avez tous, prêtres, hommes et femmes consacrés, fidèles laïcs, reçus du Christ.
Je désire maintenant partager avec vous quelques réflexions sur ce trésor, qui est au cœur de notre vie dans l’Église et de notre mission envers la société, et dont nous avons vu si clairement la beauté et la richesse pendant l’Année de la foi. Notre foi et les dons que nous avons reçus ne peuvent pas être emmagasinés, ils sont faits au contraire pour être partagés gratuitement et pour trouver à s’exprimer dans notre vie quotidienne. Car notre vocation est d’être « le ferment de Dieu au sein de l’humanité. Cela veut dire annoncer et porter le salut de Dieu dans notre monde, qui souvent se perd, a besoin de réponses qui donnent courage et espérance, ainsi qu’une nouvelle vigueur dans la marche. » (Evangelii gaudium, 114). Le Sri Lanka a particulièrement besoin de ce levain. Après de nombreuses années de combats et de sang versé, la guerre a pris fin dans votre pays. L’aube d’un nouvel espoir s’est levée et votre peuple cherche maintenant à reconstruire sa vie et ses communautés. Face à cette situation, vous avez cherché, à travers votre récente lettre pastorale « Vers la réconciliation et la reconstruction de notre Nation », à rejoindre tous les Sri-lankais par un message prophétique inspiré de l’Évangile afin de les accompagner dans leurs épreuves. Bien que la guerre soit terminée, vous observez avec justesse qu’il reste beaucoup de travail à faire pour promouvoir la réconciliation, pour faire respecter les droits humains de tout le peuple et pour dépasser les tensions ethniques encore vives. Je voudrais me joindre à vous en adressant une parole de consolation particulière à toutes les personnes qui ont perdu des proches pendant la guerre et qui ne connaissent pas leur sort. Se souvenant de l’appel de saint Paul à porter les fardeaux les uns des autres (cf. Ga 6,2), puissent vos communautés, fermes dans la foi, demeurer proches de ceux qui sont dans le deuil et qui souffrent encore des effets de la guerre.
Comme vous l’avez exprimé, les catholiques du Sri Lanka désirent contribuer, en collaboration avec les différents éléments de la société, à l’œuvre de réconciliation et de reconstruction. Une telle contribution sert la promotion de l’unité. En effet, alors que le pays cherche à s’unir et à guérir, l’Église est dans une position unique pour offrir une image vivante d’unité dans la foi puisqu’elle a le bonheur de compter en son sein à la fois des Cinghalais et des Tamouls. Dans les paroisses et les écoles, à travers des projets sociaux et dans d’autres institutions ecclésiales, les Cinghalais et les Tamouls trouvent des occasions de vivre, d’étudier, de travailler et de prier ensemble. À travers ces entités, en particulier à travers les paroisses et les missions, vous connaissez aussi de façon intime les préoccupations et les craintes des personnes, et vous savez en particulier combien elles peuvent être marginalisées et se méfier les unes des autres. Les fidèles, connaissant les problèmes qui sont source de tensions entre Cinghalais et Tamouls, peuvent créer un climat de dialogue afin de construire une société plus juste et plus équitable.
Une autre contribution importante fournie par l’Église au réaménagement du pays est son œuvre caritative, qui manifeste le visage miséricordieux du Christ. Il faut féliciter la Caritas Sri Lanka pour l’aide sociale qu’elle a apportée après le tsunami de 2004 et pour ses efforts au service de la réconciliation et de la reconstruction après la guerre, en particulier dans les régions les plus affectées. L’Église au Sri Lanka offre aussi un service généreux dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’aide pour les pauvres. Alors que le pays connaît un développement économique croissant, ce témoignage prophétique de service et de compassion est d’autant plus important : il montre que les pauvres ne doivent pas être oubliés et qu’il ne faut pas laisser se développer les inégalités. Au contraire, votre ministère et votre rayonnement doivent aider à l’intégration de tous dans la société, parce que « tant que ne s’éliminent pas l’exclusion sociale et la disparité sociale, dans la société et entre les divers peuples, il sera impossible d’éradiquer la violence » (Evangelii gaudium, 59).
Le Sri Lanka est un pays riche non seulement d’une diversité ethnique, mais aussi de diverses traditions religieuses ; ceci souligne l’importance du dialogue interreligieux et œcuménique afin d’encourager une connaissance et un enrichissement mutuels. Vos efforts à cet égard sont louables et portent du fruit. Ils permettent à l’Église de collaborer plus facilement avec les autres pour garantir une paix durable et ils assurent à l’Église la liberté de poursuivre ses propres fins, en particulier dans l’éducation des jeunes dans la foi et dans le libre témoignage de leur foi chrétienne. Toutefois, le Sri Lanka a aussi vu la montée d’extrémistes religieux qui, en encourageant un sens erroné de l’unité nationale fondé simplement sur l’identité religieuse, ont créé des tensions à travers des actes d’intimidation et de violence. Bien que ces tensions menacent les relations interreligieuses et œcuméniques, l’Église au Sri Lanka doit continuer fermement de rechercher des partenaires au service de la paix et des interlocuteurs en vue d’un dialogue. Des actes d’intimidation affectent aussi la communauté catholique, et il est donc plus que jamais nécessaire de fortifier le peuple dans sa foi. Les initiatives de l’Église, telles que le développement de petites communautés centrées sur la Parole de Dieu ou l’encouragement de la piété populaire, sont des voies exemplaires pour assurer les fidèles de la proximité du Christ et de son Église.
Dans cette tâche importante qui consiste à transmettre la foi et à promouvoir la réconciliation et le dialogue, vous êtes aidés en premier lieu par vos prêtres. Je me joins à votre action de grâces à Dieu pour les nombreuses vocations sacerdotales qu’il a suscitées parmi les fidèles du Sri Lanka. Il est certain que les nombreux prêtres autochtones qui servent le peuple de Dieu sont une grande bénédiction et un fruit direct des semences missionnaires plantées il y a longtemps. Pour que vos prêtres rendent un service de qualité et soient de véritables pasteurs, je vous exhorte à être attentifs à leur formation humaine, intellectuelle, spirituelle et pastorale, non seulement pendant les années de séminaire, mais aussi tout au long de leur vie de service généreux. Soyez de vrais pères pour eux, attentifs à leurs besoins et présents dans leur vie, reconnaissant qu’ils exercent souvent leur ministère dans des conditions difficiles et avec des ressources limitées. Avec vous, je les remercie pour leur fidélité et leur témoignage, et je les appelle à une sainteté encore plus grande par la prière et la conversion quotidienne.
Je me joins aussi à vous pour remercier le Dieu tout-puissant pour le ministère et le témoignage des hommes et femmes consacrés, et de tous les laïcs qui soutiennent par leur service l’apostolat de l’Église et qui vivent fidèlement leur vie chrétienne. En collaboration avec les prêtres et en communion avec vous, comme pasteurs des Églises locales, ils manifestent la puissance sanctifiante du Saint-Esprit qui transforme l’Église et fait de nous tous un levain pour le monde. Leur vocation, cruciale pour la diffusion de l’Évangile, est de plus en plus importante, en particulier dans les vastes communautés rurales et dans le domaine de l’éducation, où l’on manque souvent de catéchistes formés. Puisque le ministère de l’évêque n’est jamais porté de façon isolée, mais toujours de concert avec tous les baptisés, je vous encourage à continuer d’assister les fidèles en reconnaissant leurs dons et en les mettant au service de l’Église.
Enfin, j’apprécie vos efforts pour être des pasteurs de la famille, cette « cellule fondamentale de la société, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence et à appartenir aux autres et où les parents transmettent la foi aux enfants » (Evangelii gaudium, 66). La prochaine Assemblée ordinaire du synode des évêques discutera de la famille et cherchera des voies toujours nouvelles et créatives pour permettre à l’Église de soutenir ces Églises domestiques. Au Sri Lanka, la guerre a laissé de nombreuses familles déplacées et endeuillées. Beaucoup ont perdu leur emploi et des familles ont donc été séparées lorsque les époux quittent leur foyer pour aller chercher du travail. Il y a aussi le grand défi et la réalité croissante des mariages mixtes, qui exigent davantage d’attention dans la préparation et dans l’aide aux couples pour l’éducation à la foi des enfants. Lorsque nous sommes attentifs à nos familles et à leurs besoins, lorsque nous comprenons leurs difficultés et leurs espoirs, nous fortifions le témoignage de l’Église et la proclamation de l’Évangile. En soutenant l’amour conjugal et la fidélité, nous aidons les fidèles à vivre leur vocation librement et joyeusement, et nous ouvrons de nouvelles générations à la vie du Christ et de son Église. Vos efforts pour soutenir les familles ne sont pas seulement une aide pour l’Église mais pour la société sri-lankaise tout entière, notamment dans ses efforts de réconciliation et d’unité. Je vous exhorte donc à être d’autant plus vigilants et à travailler avec les autorités gouvernementales et avec les autres chefs religieux pour que la dignité et la primauté de la famille soient protégées.
C’est avec ces sentiments, mes chers frères, que je vous confie à l’intercession de Notre Dame de Lanka et que je vous accorde de tout cœur ma bénédiction apostolique, ainsi qu’aux bien-aimés prêtres, hommes et femmes consacrés et peuple laïc du Sri Lanka.