Dans un message aux participants d'une conférence promue par l'organisation antimafia «Libera» et organisée à la Casina Pio IV au Vatican, François rappelle que le crime organisé «s'attaque au bien commun»: «le modèle italien est un bon exemple de la façon dont les produits du crime peuvent être utilisés pour réparer les dommages causés aux victimes et à la société», souligne t-il.
Message du Saint-Père aux participants à la Conférence sur l'usage social des bien confisqués aux mafias, organisée par l'Académie pontificale des Sciences sociales [19-20 septembre 2024] :
Monsieur le Président,
Éminence,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je vous adresse un chaleureux salut à tous, participants à la Conférence sur l'utilisation sociale des biens confisqués aux mafias, que vous tenez ces jours-ci.
Le thème que vous abordez dans ce congrès vise à atténuer l'impact des organisations criminelles par la récupération du bien commun. Face à la blessure que représente pour la société la criminalité organisée transnationale, il ne reste qu’une seule solution : avoir la volonté politique de traiter un problème mondial par une réaction mondiale, comme l’a indiqué l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, dans la préface de la Convention de Palerme et de ses protocoles.
La criminalité organisée, qui se présente comme un groupe structuré s’établissant dans le temps et agissant de manière concertée pour commettre des délits dans le but d’obtenir un bénéfice matériel ou économique, a un caractère transnational et englobe tous les grands trafics. La lutte contre elle est l'un des défis les plus importants pour la communauté internationale, car elle représente, avec le terrorisme, la menace non militaire la plus significative pour la sécurité de chaque nation et la stabilité économique internationale.
Dans un contexte où la criminalité ne connaît pas de frontières étatiques ni de souverainetés nationales, il existe aujourd'hui un consensus international sur le fait que les États, par le biais de leurs institutions, doivent non seulement enquêter et juger le crime organisé, mais aussi collaborer pour identifier et récupérer ses biens, afin de rendre impossible la poursuite de ses activités criminelles. Cependant, il faut garder à l'esprit que la récupération des biens ne doit pas se limiter à cet objectif de politique criminelle, mais doit être inspirée par la réparation et la reconstruction du bien commun, ce que la Constitution conciliaire Gaudium et Spes définit comme « l’ensemble de ces conditions de la vie sociale qui permettent à la fois aux groupes et à chaque membre d'atteindre leur perfection » (n. 26).
Le crime organisé, dans sa brutalité, porte atteinte au bien commun ; il attaque des millions d'hommes et de femmes qui ont le droit de vivre leur vie et d’élever leurs enfants avec dignité, à l'abri de la faim, de la peur de la violence, de l'oppression ou de l'injustice ; il s’en prend aux groupes socialement marginalisés, particulièrement vulnérables aux activités de la criminalité organisée. Il est impossible et intolérable d’oublier ces victimes, car ce n’est qu’en pensant à elles que l’on peut comprendre le préjudice causé par le crime organisé, et ce n'est qu’en comprenant ce préjudice que l'on peut discerner comment les aider, les protéger et les réparer, des aspects essentiels pour résoudre les conflits et pacifier. À cet égard, le modèle italien est un bon exemple de la manière dont les produits du crime peuvent être utilisés pour réparer les dommages causés aux victimes et à la société ; de la façon dont ils peuvent servir à la reconstruction du bien commun et à la pacification.
Avec la conviction qu’il est indispensable d’adopter une approche intégrée pour lutter contre la délinquance et de renforcer la coopération internationale, je vous invite à concentrer vos discussions de ces jours-ci sur l’urgence de récupérer le bien de toutes les personnes, hommes et femmes, le bien de chacun, où chacun compte et personne n’est exclu, où le projet commun, au service de la dignité humaine, dépasse la somme des intérêts individuels.
Enfin, tout en vous assurant de mon souvenir dans la prière et de mes meilleurs vœux pour la bonne réussite de votre congrès, je vous encourage à partager vos expériences et réflexions, mais sans perdre de vue les victimes et la communauté, en vous orientant vers l'action et en considérant le droit et la justice comme une pratique ayant pour but la construction d’un monde meilleur.
Avec ces sentiments, je vous assure de mes prières pour vous et pour vos familles, je vous bénis et je vous demande, s'il vous plaît, de prier pour moi.
Depuis le Vatican, le 19 septembre 2024
François
L'Osservatore Romano, Édition Quotidienne, Année CLXIV n. 212, vendredi 20 septembre 2024, p. 12.