Importance de la prière liturgique dans la vie de l'Église

Ce lundi 26 aout 2024, le Pape François a adressé un message aux participants de la 74e Semaine liturgique nationale, qui se tient dans la ville de Modène-Nonantola, dans le nord de l'Italie. Le rassemblement sur le thème «Le fruit des lèvres qui confessent son nom» met l'accent sur l'importance de la prière liturgique communautaire, de la musique sacrée, du silence et des ministères liturgiques.


À Son Excellence Révérendissime Monseigneur CLAUDIO MANIAGO
Archevêque Métropolitain de Catanzaro-Squillace
Président du Centre d'Action Liturgique

Excellence Révérendissime,

Je suis heureux de vous transmettre le message du Saint-Père pour les travaux de la 74e Semaine Liturgique Nationale, organisée par le Centre d'Action Liturgique et accueillie par l'Église de Modène-Nonantola, riche en histoire et en dons de sainteté. Le Pape François, en saluant tous ceux qui participeront à la Semaine en tant qu'organisateurs, conférenciers, congressistes et volontaires, assure un souvenir spécial dans la prière pour la meilleure réussite des sessions d'étude et des moments de célébration.

La Semaine Liturgique que vous vous apprêtez à vivre a pour thème « Dans la liturgie la vraie prière de l'Église. Peuple de Dieu et ars celebrandi. “Le fruit des lèvres qui confessent son nom” (He 13,15) ». Ce thème met en lumière la spécificité de la prière liturgique, qui rejette toute forme d'individualisme et de division. En effet, elle est « participation à la prière du Christ, adressée au Père dans l'Esprit Saint » (Catéchisme de l'Église Catholique, n. 1073); elle est le partage du souffle d'amour de l'Église-Épouse, qui nous fait sentir membres de la communauté des disciples de tous les lieux et de tous les temps; elle est une école de communion qui libère le cœur de l'indifférence, raccourcit les distances entre les frères et nous conforme aux sentiments de Jésus; elle est la voie maîtresse qui nous transforme, nous éduquant dans l'Église à la vie bonne de l'Évangile.

Chers frères et sœurs, la liturgie – comme l'affirmait Romano Guardini – « introduit l'intégralité de la vérité dans la prière; en fait, elle n'est rien d'autre que le dogme prié, la vérité vécue à travers la prière » (L'esprit de la liturgie). Les paroles du grand théologien réaffirment l'évidence de la dimension objective de la liturgie, qui « demande à être célébrée avec ferveur, pour que la grâce répandue dans le rite ne soit pas dissipée, mais atteigne la vie de chacun » (François, Catéchèse du 3 février 2021). Cette nécessité incontournable se reflète également dans votre programme d'étude qui remet au centre l'ars celebrandi, un engagement et une attitude que tous les baptisés sont appelés à vivre pour sortir de leur individualité et s'ouvrir au “nous” de l'Église en prière.

Dans la Lettre apostolique sur la formation liturgique, le Pape François rappelle que les gestes propres à l'assemblée, tels que se rassembler, les postures du corps, le silence, les expressions vocales, l'implication des sens, sont les moyens par lesquels elle participe à la célébration (cf. Desiderio desideravi, 51). Il ajoute ensuite que « faire ensemble le même geste, parler tous d'une seule voix, transmet aux individus la force de l'ensemble de l'assemblée. C'est une uniformité qui non seulement ne mortifie pas, mais au contraire, éduque chaque fidèle à découvrir l'authenticité unique de sa propre personnalité non dans des attitudes individualistes, mais dans la conscience d'être un seul corps » (ibid.).

Partant de ces perspectives, le Saint-Père souhaite vous transmettre quelques priorités concrètes pour mettre l'accent de votre réflexion sur la Liturgie comme “véritable” prière de l'Église.

Le premier engagement qui nous est demandé est celui de redécouvrir la chorale de la prière liturgique, par laquelle, en nous unissant à la langue maternelle de l'Église, nous devenons un seul corps et une seule voix. Saint Augustin nous a rappelé la relation profonde de notre prière avec le Christ : lorsque nous parlons à Dieu en priant, c'est Jésus lui-même qui « prie pour nous, prie en nous et est prié par nous. [...] Reconnaissons donc en lui nos voix et ses voix en nous » (Enarr. in ps. 85, 1: CCL 39, 1176). La beauté de la vérité de la prière chrétienne réside précisément dans cet entrelacement de voix, que l'on pourrait justement appeler chorale. Chaque prière chrétienne est toujours à plusieurs voix, tout comme chaque action liturgique est toujours à plusieurs mains : nous sommes unis au Christ, et en Christ, nous retrouvons toute l'humanité. Or, la valeur de cette chorale de la prière liturgique ne doit pas seulement être affirmée, mais doit être vécue à travers notre célébration. L'un des moments les plus importants où nous pouvons faire cette expérience est la Liturgie des Heures, qui mérite encore des efforts pour devenir effectivement la prière du peuple de Dieu. Que nos communautés reviennent à élever en chœur la prière des Psaumes et apprennent à vivre, dans la liturgie et dans la vie, la valeur de l'unité et de la communion.

Le second aspect proposé à votre engagement dans la pastorale liturgique est la relation avec le chant sacré. La musique dans la liturgie n'est pas un élément ornemental, mais en fait partie intégrante et nécessaire (Sacrosanctum Concilium, 112), elle contribue, avec les autres langages qui composent la liturgie, à l'épiphanie du mystère célébré. En effet, dans le chant, les fidèles vivent et expriment leur foi. Saint Paul VI écrivait à ce propos avec une grande sagesse : « Si les fidèles chantent, ils ne désertent pas l'Église ; s'ils ne désertent pas l'Église, ils conservent la foi et la vie chrétienne » (Discours à l'Assemblée plénière de l'Épiscopat d'Italie, 14 avril 1964). Le Pape recommande donc une attention particulière, notamment lors de la célébration de l'Eucharistie dominicale, en rappelant que dans le chant, par l'harmonie des voix, s'exprime l'union spirituelle de ceux qui communient, la joie du cœur est manifestée et le caractère communautaire de ceux qui s'approchent pour recevoir l'Eucharistie est mis en lumière (cf. Ordin. Gen. Messale Romano, 86).

La troisième consigne concerne le silence auquel nous éduque la liturgie, comme en témoignent les rappels constants dans la synaxe eucharistique à l'acte de se taire. Le Pape demande donc de contrer la frénésie, les bruits et les bavardages qui nous menacent dans la vie quotidienne en valorisant le silence sacré, geste éloquent, moment favorable et espace fécond pour demeurer dans l'amour du Seigneur, cultiver un regard contemplatif, donner de la profondeur à la prière du cœur et se laisser transformer par l'Esprit. Cette familiarité à accueillir le silence est le véritable préalable pour que l'Église puisse écouter Celui qui se révèle dans le « murmure d'une brise légère » (cf. 1 Rois 19,12).

La quatrième et dernière dimension que le Saint-Père confie à vos soins est la promotion de la ministérialité liturgique, en tant que fruit de l'être Église de la Pentecôte (cf. Desiderio desideravi, 33). Dans cette optique, et non dans une perspective fonctionnelle, il est important de comprendre les ministères au service de la liturgie : en eux, en effet, se manifeste la diversité des dons que l'Esprit Saint suscite dans la communauté chrétienne. La présence d'une ministérialité diversifiée, nourrie par la communion en Christ, favorise la participation active de l'assemblée et promeut la coresponsabilité dans la mission, manifestant concrètement l'indole synodale de l'Église. Cette prise de conscience, comme nous l'a rappelé le Pape François (cf. ibid., 38), nécessite un engagement constant dans la formation, afin d'éviter les personnalismes et les manies de protagonisme et de réaliser un véritable service à la communion.

Le Saint-Père, en envoyant sa bénédiction à Votre Excellence, à S. E. Monseigneur Erio Castellucci, Archevêque de Modène-Nonantola et Évêque de Carpi, aux autres Évêques et à tous les participants, espère que ces recommandations encourageront nos communautés chrétiennes à vivre la prière liturgique comme une rencontre avec le Seigneur Ressuscité et avec son Corps qui est l'Église.

Tout en exprimant également mes vœux personnels, je profite de l'occasion pour vous renouveler l'expression de ma haute considération.

De Votre Excellence Révérendissime,
Pietro Card. Parolin
Secrétaire d'État

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