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 Relever le défi d’une créativité responsable de l’homme

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Relever le défi d’une créativité responsable de l’homme Empty
MessageSujet: Relever le défi d’une créativité responsable de l’homme   Relever le défi d’une créativité responsable de l’homme Icon_minitimeMar 13 Fév 2024 - 7:31

Relever le défi d’une créativité responsable de l’homme Cq5dam.web.800.800


Le Pape François a accueilli, ce lundi 12 février 2024, les membres de l’assemblée générale de l’Académie Pontificale pour la Vie, réunis autour du thème: «Humain. Significations et défis». Dans son discours, le Saint-Père souligne l’importance de discerner comment la créativité de l’homme, qui s’exprime par les progrès techniques, peut s’exercer de manière responsable afin de préserver ce que l’humain a de spécifique.

Aux membres de l'Académie Pontificale pour la Vie :

Chers Messieurs et Mesdames !

Je salue S.E. Mgr Paglia, Vos Excellences, Son Éminence et le nouvel Archevêque de Santiago du Chili, et je vous remercie pour votre engagement dans le domaine de la recherche en sciences de la vie, de la santé et des soins ; un engagement que l'Académie Pontificale pour la Vie poursuit depuis trente ans.

La question que vous abordez lors de cette Assemblée Générale est de la plus haute importance : celle de savoir comment on peut comprendre ce qui qualifie l'être humain. Il s'agit d'une interrogation ancienne et toujours nouvelle, que les ressources surprenantes rendues possibles par les nouvelles technologies reposent de manière encore plus complexe. La contribution des chercheurs nous a toujours dit qu'il n'est pas possible d'être a priori "pour" ou "contre" les machines et les technologies, car cette alternative, rapportée à l'expérience humaine, n'a pas de sens. Et aujourd'hui encore, il n'est pas plausible de recourir uniquement à la distinction entre processus naturels et processus artificiels, en considérant les premiers comme authentiquement humains et les seconds comme étrangers ou même contraires à l'humain : cela ne va pas. Ce qu'il faut faire, plutôt, c'est inscrire les savoirs scientifiques et technologiques dans un horizon de sens plus large, conjurant ainsi l'hégémonie technocratique (cf. Lett. enc. Laudato si ', 108).

Considérons, par exemple, la tentative de reproduire l'être humain avec les moyens et la logique de la technique. Une telle approche implique la réduction de l'humain à un agrégat de performances reproductibles à partir d'un langage numérique, qui prétend exprimer, à travers des codes numériques, tout type d'information. La consonance étroite avec le récit biblique de la Tour de Babel (cf. Gen 11,1-11) montre que le désir de se donner un langage unique est inscrit dans l'histoire de l'humanité; et l'intervention de Dieu, qui trop hâtivement est comprise seulement comme une punition destructive, contient au contraire une bénédiction propositionnelle. En effet, il manifeste la tentative de corriger la dérive vers une « pensée unique » à travers la multiplicité des langues. Les êtres humains sont ainsi confrontés à la limite et à la vulnérabilité et rappelés au respect de l'altérité et aux soins mutuels.

Certes, les capacités croissantes de la science et de la technologie conduisent les êtres humains à se sentir les protagonistes d'un acte créateur proche de celui du divin, qui produit l'image et la ressemblance de la vie humaine, y compris la capacité du langage, dont les «machines parlantes» semblent être dotées. Serait-ce alors au pouvoir de l'homme d'insuffler l'esprit dans la matière inanimée ? La tentation est insidieuse. Nous sommes donc invités à discerner comment la créativité de l'homme livré à lui-même peut s'exercer de manière responsable. Il s'agit d'investir les talents reçus en empêchant que l'humain ne soit défiguré et que les différences constitutives qui donnent ordre au cosmos ne soient annulées (cf. Gen 1-3).

La tâche principale se pose donc au niveau anthropologique et nécessite de développer une culture qui, en intégrant les ressources de la science et de la technique, soit capable de reconnaître et de promouvoir l'humain dans sa spécificité irremplaçable. Il faut explorer si cette spécificité ne se situe pas encore en amont du langage, dans la sphère du pathos et des émotions, du désir et de l'intentionnalité, qu'un seul être humain peut reconnaître, apprécier et convertir de manière relationnelle en faveur des autres, assisté par la grâce du Créateur. Une tâche culturelle, donc, car la culture façonne et oriente les forces spontanées de la vie et les pratiques sociales.

Chers amis, aussi engageant que soit le sujet que vous abordez, aussi engageantes sont les deux modalités avec lesquelles vous avez l'intention de le faire. Premièrement, parce que je vois en vous l'effort de mettre en œuvre un dialogue effectif, un échange transdisciplinaire dans cette forme que Veritatis Gaudium décrit « comme une localisation et une fermentation de toutes les connaissances dans l’espace de Lumière et de Vie offert par la Sagesse qui émane de la Révélation de Dieu » (n° 4c). J’apprécie que votre réflexion se déroule dans la logique d’un véritable « laboratoire culturel dans lequel l’Église fait l’exercice de l’interprétation performative de la réalité qui découle de l’événement de Jésus Christ et qui se nourrit des dons de la Sagesse et de la Science dont l’Esprit Saint enrichit [...] le peuple de Dieu » (ibid. 3). Pour cela, j’encourage cette forme de dialogue, et ce dialogue permettra à chacun d’exposer ses propres considérations en interagissant avec les autres dans un échange réciproque. C'est là le moyen de dépasser la juxtaposition des connaissances, en amorçant une réélaboration des connaissances à travers l'écoute mutuelle et la réflexion critique.

Deuxièmement, dans la dynamique de votre rencontre, on voit une façon de procéder synodale, à juste titre adaptée pour aborder les sujets au centre de la mission de l'Académie. Il s'agit d'un style de recherche exigeant, car il implique de l'attention et de la liberté d'esprit, de l'ouverture à s'aventurer sur des chemins inexplorés et inconnus, affranchi de tout stérile « passéisme ». Pour celui qui s'engage dans un sérieux et évangélique renouvellement de la pensée, il est indispensable de remettre en question même des opinions acquises et des présupposés non critiqués.

Dans cette ligne, le christianisme a toujours offert des contributions importantes, en reprenant de chaque culture dans laquelle il s'est inséré les traditions de sens qu'il y trouvait inscrites : les réinterprétant à la lumière de la relation au Seigneur qui, dans l'Evangile, se révèle à lui ; et en utilisant les ressources linguistiques et conceptuelles présentes dans chaque contexte. Un chemin d’élaboration long et toujours à reprendre, qui demande une pensée capable d’embrasser plusieurs générations : comme celui qui plante des arbres dont les fruits seront mangés par les enfants, ou qui construit des cathédrales qui seront achevées par les petits-enfants.

C'est cette attitude ouverte et responsable, docile à l'Esprit qui, comme le vent, « ne sait pas d’où il vient ni où il va » (Jn 3,8 ), que je désire invoquer du Seigneur pour vous tous, en vous souhaitant un travail fructueux et fécond. De tout cœur je vous bénis. Et s'il vous plaît, priez pour moi. Merci !
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Source : www.vatican.va
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