Le synode signifie "marcher ensembles" dans une Église «qui bénit et qui accueille». Il n’est pas un rassemblement politique, ni une réunion parlementaire, a rappelé le Pape dans son homélie, lors de la messe d’ouverture du Synode sur l'avenir de l'Église, ce mercredi 4 octobre 2023. Concélébrée notamment par les nouveaux cardinaux, l’Eucharistie a rassemblé place Saint-Pierre 25 000 fidèles, dont les 464 participants au Synode.
Messe avec les nouveaux Cardinaux et le Collège cardinalice
Ouverture de l'Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques
Homélie :
L’Évangile que nous avons écouté est précédé du récit d’un moment difficile de la mission de Jésus, que l’on pourrait définir comme un « désert pastoral » : Jean Baptiste doute qu’il soit vraiment le Messie ; de nombreuses villes qu’il a traversées, malgré les prodiges accomplis, ne se sont pas converties ; les gens l’accusent d’être un glouton et un ivrogne, alors que peu de temps auparavant ils se plaignaient du Baptiste parce qu’il était trop austère (cf. Mt 11, 2-24). Cependant, nous voyons que Jésus ne se laisse pas engloutir par la tristesse, mais lève les yeux au ciel et bénit le Père parce qu’il a révélé aux humbles les mystères du Royaume de Dieu : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Mt 11,25). Ainsi, dans le moment de désolation, Jésus a un regard capable de voir au-delà : il loue la sagesse du Père et parvient à discerner le bien caché qui grandit, la semence de la Parole accueillie par les humbles, la lumière du Royaume de Dieu qui fraye son chemin même dans la nuit.
Chers frères Cardinals, confrères Évêques, sœurs et frères, nous sommes à l’ouverture de l’Assemblée synodale. Et nous n’avons pas besoin d’un regard immanent, fait de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques – si le Synode donnera cette permission, cet autre, ouvrira cette porte, cette autre – cela ne sert à rien. Nous ne sommes pas ici pour mener une réunion parlementaire ou un plan de réformes. Le Synode, chers frères et sœurs, n’est pas un parlement. Le protagoniste est l’Esprit Saint. Non. Nous ne sommes pas ici pour faire du parlementarisme, mais pour marcher ensemble avec le regard de Jésus, qui bénit le Père et accueille ceux qui sont fatigués et oppressés. Partons donc du regard de Jésus, qui est un regard de bénédiction et d’accueil.
Voyons le premier aspect : un regard qui bénit. Bien qu’ayant fait l’expérience du rejet et ayant vu tant de dureté de cœur autour de lui, le Christ ne se laisse pas emprisonner par la déception, il ne devient pas amer, il ne fait pas taire la louange ; son cœur, fondé sur la primauté du Père, reste serein même dans la tempête.
Ce regard bénissant du Seigneur nous invite aussi à être une Église qui, avec un esprit joyeux, contemple l’action de Dieu et discerne le présent. Et qui, parmi les vagues parfois agitées de notre temps, ne perd pas courage, ne cherche pas de faux-fuyants idéologiques, ne se retranche pas derrière des convictions acquises, ne cède pas à des solutions de confort, ne se laisse pas dicter l’agenda par le monde. Telle est la sagesse spirituelle de l’Église, synthétisée avec sérénité par saint Jean XXIII : « Il est nécessaire avant tout que l’Église ne détourne jamais les yeux du patrimoine sacré de la vérité reçue des anciens ; et en même temps elle a besoin de regarder aussi le présent, qui a apporté de nouvelles situations et de nouvelles manières de vivre, et a ouvert de nouvelles voies à l’apostolat » (Discours pour la solennelle ouverture du Concile œcuménique Vatican II, 11 octobre 1962).
Le regard bénissant de Jésus nous invite à être une Église qui n’affronte pas les défis et les problèmes d’aujourd’hui avec un esprit divisé et conflictuel mais qui, au contraire, tourne les yeux vers Dieu qui est communion et, avec émerveillement et humilité, le bénit et l’adore, le reconnaissant comme son unique Seigneur. Nous Lui appartenons et – rappelons-le – nous existons seulement pour Le porter au monde. Comme nous l’a dit l’Apôtre Paul, nous n’avons pas d’autre « sujet de gloire que la croix de notre Seigneur Jésus Christ » (Ga 6,14). Cela suffit, Lui nous suffit. Nous ne voulons pas de gloires terrestres, nous ne voulons pas nous faire beaux aux yeux du monde, mais l’atteindre avec la consolation de l’Évangile, pour témoigner mieux, et à tous, de l’amour infini de Dieu. En effet, comme l’a affirmé Benoît XVI s’adressant justement à une Assemblée synodale, « la question pour nous est : Dieu a parlé, a-t-Il vraiment rompu le grand silence, S’est-Il montré, mais comment pouvons-nous faire arriver cette réalité à l’homme d’aujourd’hui, pour qu’elle devienne salut ? » (Méditation à la Ière Congrégation générale de la XIIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, 8 octobre 2012). Telle est la question fondamentale. Et telle est la tâche première du Synode : recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde. Une Église unie et fraternelle – ou qui cherche à l’être – qui écoute et dialogue ; une Église qui bénit et encourage, qui aide ceux qui cherchent le Seigneur, qui secoue avec bienveillance les indifférents, qui ouvre des chemins pour initier les gens à la beauté de la foi. Une Église aux portes ouvertes à tous, tous, tous !
Après ce regard qui bénit, contemplons le regard accueillant du Christ. Alors que ceux qui se croient sages ne parviennent pas à reconnaître l’œuvre de Dieu, Lui exulte dans le Père parce qu’Il Se révèle aux petits, aux simples, aux pauvres en esprit.
Ce regard accueillant de Jésus nous invite aussi à être une Église hospitalière, non pas aux portes fermées. En un temps complexe comme le nôtre, de nouveaux défis culturels et pastoraux émergent, qui demandent une attitude intérieure cordiale et aimable, pour pouvoir nous confronter sans peur. Dans le dialogue synodal, dans cette belle « marche dans l’Esprit Saint » que nous accomplissons ensemble en tant que peuple de Dieu, nous pouvons grandir dans l’unité et dans l’amitié avec le Seigneur pour regarder les défis d’aujourd’hui avec Son regard ; pour devenir, en utilisant une belle expression de saint Paul VI, une Église qui « dialogue » (Lett. enc. Ecclesiam suam, n° 67). Une Église au « joug suave » (cf. Mt 11, 30), qui n’impose pas de fardeaux et qui répète à tous : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). L’Église aux portes ouvertes à tous, à tous, à tous !
Frères et sœurs, Peuple saint de Dieu, face aux difficultés et aux défis qui nous attendent, le regard bénissant et accueillant de Jésus nous empêche de tomber dans certaines tentations dangereuses : celle d’être une Église rigide – une douane –, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière ; celle d’être une Église tiède, qui capitule devant les modes du monde ; celle d’être une Église fatiguée, repliée sur elle-même. Dans le livre de l’Apocalypse, le Seigneur dit : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui » ; mais bien des fois, frères et sœurs, Il frappe à la porte, cependant de l’intérieur de l’Église, pour que nous laissions le Seigneur sortir avec l’Église proclamer son Évangile.
Marchons ensemble : humbles, ardents et joyeux. Marchons sur les traces de saint François d’Assise, le Saint de la pauvreté et de la paix, le « fou de Dieu » qui a porté dans son corps les stigmates de Jésus et, pour se revêtir de Lui, s’est dépouillé de tout. Comme il est difficile ce dépouillement intérieur et aussi extérieur de nous tous et aussi des institutions ! Saint Bonaventure raconte que, tandis qu’il priait, le Crucifié lui dit : « Va et répare mon Église » (Legenda maior, II, 1). Le Synode sert à nous rappeler cela : notre Mère l’Église a toujours besoin d’être purifiée, d’être « réparée », car nous sommes tous un peuple de pécheurs pardonnés – les deux à la fois : pécheurs pardonnés –, toujours besoin de revenir à la source qui est Jésus et de nous remettre sur les chemins de l’Esprit pour atteindre tous avec Son Évangile. François d’Assise, en un temps de grandes luttes et divisions, entre le pouvoir temporel et le pouvoir religieux, entre l’Église institutionnelle et les courants hérétiques, entre les chrétiens et les autres croyants, ne critiqua et ne s’en prit contre personne, n’embrassant que les armes de l’Évangile, c’est-à-dire l’humilité et l’unité, la prière et la charité. Faisons de même ! Humilité et unité, prière et charité.
Et si le Peuple saint de Dieu avec ses pasteurs, de toutes les parties du monde, nourrit des attentes, des espérances et aussi quelques craintes sur le Synode qui commence, rappelons-nous encore qu’il n’est pas un rassemblement politique, mais une convocation dans l’Esprit ; pas un parlement polarisé, mais un lieu de grâce et de communion. L’Esprit Saint, ensuite, brise souvent nos attentes pour créer quelque chose de nouveau, qui dépasse nos prévisions et nos négativités. Je peux peut-être dire que les moments les plus fructueux du Synode sont ceux de prière, aussi le climat de prière, par lequel le Seigneur agit en nous. Ouvrons-nous à Lui et invoquons-Le : c’est Lui le protagoniste, l’Esprit Saint. Laissons-Le être le protagoniste du Synode ! Et avec Lui marchons, dans la confiance et la joie.