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 François invite les évêques congolais à être des instruments de réconciliation

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François invite les évêques congolais à être des instruments de réconciliation Empty
MessageSujet: François invite les évêques congolais à être des instruments de réconciliation   François invite les évêques congolais à être des instruments de réconciliation Icon_minitimeVen 3 Fév 2023 - 11:20

François invite les évêques congolais à être des instruments de réconciliation 2023_063



Dernière intervention de son voyage en RDC, le Pape François a rencontré les évêques de la Cenco, ce vendredi 3 février 2023, au siège de l’épiscopat à Kinshasa. Avant de s’envoler pour le Soudan du Sud, seconde partie de son 40e voyage apostolique, le Saint-Père a égrainé les devoirs et défis des évêques ayant la charge des 48 diocèses de RDC, plus grand pays catholique d’Afrique.

Rencontre avec les évêques au siège de la CENCO :

Chers frères évêques, bonjour !

Je suis heureux de vous rencontrer et je vous remercie de tout coeur pour votre chaleureux accueil. Merci à Mons. Utembi Tapa pour le salut qu'il m'a adressé et pour vous avoir donné la voix par ses paroles : je vous suis reconnaissant pour la façon dont vous annoncez avec courage la consolation du Seigneur, en marchant au milieu du peuple, en partageant ses efforts et ses espoirs.

J'ai passé ces jours sur votre terre, qui avec sa grande forêt représente le "coeur vert" de l'Afrique, un poumon pour le monde entier. L'importance de ce patrimoine écologique nous rappelle que nous sommes appelés à garder la beauté de la création et à la défendre contre les blessures causées par l'égoïsme rapace. Mais cette immense étendue verte qu'est votre forêt est aussi une image qui parle à notre vie chrétienne : en tant qu'Église, nous avons besoin de respirer l'air pur de l'Evangile, de chasser l'air pollué de la mondanité, de garder le coeur jeune de la foi. C'est ainsi que j'imagine l'Eglise africaine et c'est ainsi que je vois cette Eglise congolaise : une Eglise jeune, dynamique, joyeuse, animée par l'aspiration missionnaire, par l'annonce que Dieu nous aime et que Jésus est le Seigneur. Votre Eglise est présente dans l'histoire concrète de ce peuple, enracinée de manière capillaire dans la réalité, protagoniste de la charité ; une communauté capable d'attirer et de contaminer avec son enthousiasme et donc, tout comme vos forêts, avec tant d'"oxygène" : merci, parce que vous êtes un poumon qui donne un souffle à l'Eglise universelle !

Il est mauvais de commencer un paragraphe par le mot "malheureusement", mais je dois le faire ! Malheureusement, je sais bien que la communauté chrétienne de cette terre a aussi une autre physionomie. Votre visage jeune, brillant et beau est en effet soulagé par la douleur et la fatigue, marqué parfois par la peur et le découragement. C'est le visage d'une Église qui souffre pour son peuple, c'est un coeur dans lequel palpite la vie des gens avec ses joies et ses tribulations. C'est une Église signe visible du Christ qui, encore aujourd'hui, est rejeté, condamné et méprisé dans les nombreux crucifix du monde, et pleure nos propres larmes. C'est une Église qui, comme Jésus, veut aussi sécher les larmes du peuple, en s'engageant à prendre sur elle les blessures matérielles et spirituelles des personnes, et en faisant couler sur elle l'eau vive et assainissante du côté du Christ.

Avec vous, frères, je vois Jésus souffrant dans l'histoire de ce peuple, peuple crucifié peuple opprimé, choqué par une violence qui ne ménage pas, marqué par la douleur innocente, contraint de vivre avec les eaux troubles de la corruption et de l'injustice qui polluent la société, et de souffrir dans tant de ses enfants de la pauvreté. Mais je vois en même temps un peuple qui n'a pas perdu l'espérance, qui embrasse avec enthousiasme la foi et regarde ses pasteurs, qui sait revenir au Seigneur et se fier à ses mains, pour que la paix à laquelle il aspire, étouffée par l'exploitation, par des égoïsmes partisans, par les poisons des conflits et des vérités manipulées, puisse enfin arriver comme un don d'en haut.

La question qui se pose est la suivante: comment exercer le ministère dans cette situation? Pensant à vous, Pasteurs du Peuple saint de Dieu, il m'est venu à l'esprit l'histoire de Jérémie, un prophète appelé à vivre sa mission à un moment dramatique de l'histoire d'Israël, entre injustices, abominations et souffrances. Il a consacré sa vie à annoncer que Dieu n'abandonne jamais son peuple et il poursuit des projets de paix même dans des situations qui semblent perdues et irrécupérables. Mais cette annonce consolante de foi, Jérémie l'a vécu d'abord en sa personne, lui le premier a connu la proximité de Dieu. Ce n'est qu'ainsi qu'il a pu apporter aux autres une prophétie courageuse d'espérance. Votre ministère épiscopal vit également entre ces deux dimensions, dont je voudrais vous parler, la proximité de Dieu et la prophétie pour le peuple.

Je voudrais d'abord vous dire : laissez-vous toucher et consoler par la proximité de Dieu. Il est proche de nous. Le premier mot que le Seigneur adresse à Jérémie est celui-ci : "Avant de te former dans le ventre maternel, je t'ai connu" (Ger 1,5). C'est une déclaration d'amour que Dieu sculpte dans le coeur de chacun de nous, que personne ne peut effacer et qui, au milieu des tempêtes de la vie, devient source de réconfort. Pour nous, qui avons reçu l'appel à être pasteurs du Peuple de Dieu, il est important de nous fonder sur cette proximité du Seigneur, "nous structurer dans la prière", en restant des heures devant Lui. Ce n'est qu'ainsi qu'on rapproche du Bon Pasteur le peuple qui nous est confié et c'est seulement ainsi que l'on devient vraiment pasteurs, parce que nous, sans Lui, nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5). Nous serions des entrepreneurs, des "maîtres", mais pas derrière la vocation du Seigneur. Sans lui, on ne peut rien faire. Qu'il n'arrive pas d'y penser autosuffisant, encore moins de voir dans l'épiscopat la possibilité d'escalader des positions sociales et d'exercer le pouvoir. Ce mauvais esprit de "carriérisme". Et surtout : qu'il n'entre pas l'esprit de la mondanité, qui nous fait interpréter le ministère selon les critères de ses utiles tornaconti, qui rend froids et détachés dans l'administration de ce qui nous est confié, qui conduit à nous servir du rôle au lieu de servir les autres, et à ne plus soigner la relation indispensable, celle humble et quotidienne de la prière. N'oublions pas que la mondanité est le pire qui peut arriver à l'Église, c'est le pire. A moi, il a toujours touché à la fin du livre du cardinal De Lubac sur l'Eglise, les trois dernières, quatre pages, où il dit : la mondanité spirituelle est le pire qui peut accéder, pire encore que l'époque des papes mondains et concubinaires. C'est pire. Et la mondanité est toujours en embuscade. Attention !

Chers frères Evêques, veillons à la proximité avec le Seigneur pour être ses témoins crédibles et porte-parole de son amour auprès du peuple. C'est à travers nous qu'Il veut l'ajouter avec l'huile de la consolation et de l'espérance ! C'est vous la voix avec laquelle Dieu veut dire aux Congolais : "Tu es un peuple consacré à l'Éternel, ton Dieu" (Dt 7, 6). L'annonce de l'Evangile, l'animation de la vie pastorale, la conduite du peuple ne peuvent se résoudre en principes éloignés de la réalité de la vie quotidienne, mais ils doivent toucher les blessures et communiquer la proximité divine, afin que les personnes découvrent leur dignité de fils de Dieu et apprennent à marcher la tête haute, sans jamais baisser la tête face aux humiliations et aux oppressions. À travers vous, ce peuple a la grâce d'entendre des paroles semblables à celles que le Seigneur livra à Jérémie : "Tu es un peuple béni, avant de te former dans le sein maternel, je t'ai pensé, connu, aimé". Si nous cultivons la proximité avec Dieu, nous nous sentons poussés vers le peuple et nous sentirons toujours compassion pour ceux qui nous sont confiés. Cette attitude de compassion, qui n'est pas un sentiment, est une souffrance avec. Remerciés et renforcés par le Seigneur, nous devenons à notre tour des instruments de consolation et de réconciliation pour les autres, pour guérir les plaies de ceux qui souffrent, apaiser la douleur de ceux qui pleurent, relever les pauvres, libérer les personnes de tant de formes d'esclavage et d'oppression. La proximité avec Dieu, c'est-à-dire, rend prophètes pour le peuple, capables de semer la Parole qui sauve dans l'histoire blessée de sa propre terre.

Et pour entrer dans ce deuxième point, la prophétie pour le peuple, regardons encore l'expérience de Jérémie. Après avoir reçu la Parole aimante et consolante de Dieu, il est appelé à être "prophète des nations" (cf. Ger 1,5), envoyé pour apporter la lumière dans l'obscurité, pour témoigner dans un contexte de violence et de corruption. Et Jérémie, qui dévore la Parole du Seigneur, car c'est pour lui joie et joie du coeur (cf. Ger 15, 10), confesse que cette même Parole sème en lui une inquiétude insurmontable et l'amène à rejoindre les autres pour qu'ils soient touchés par la présence de Dieu. "Dans mon coeur écrit - il y avait comme un feu ardent, retenu dans mes os ; je m'efforçais de le contenir, mais je ne pouvais pas" (Ger 20,9). Nous ne pouvons pas retenir la Parole de Dieu pour nous seuls, nous ne pouvons pas en contenir la puissance : elle est un feu qui brûle notre apathie et allume en nous le désir d'éclairer qui est dans l'obscurité. La Parole de Dieu est un feu qui brûle à l'intérieur et nous pousse à sortir ! Voilà notre identité épiscopale : brûlés par la Parole de Dieu, en sortie vers le Peuple de Dieu, avec zèle apostolique !

Mais - nous pouvons nous demander - en quoi consiste cette annonce prophétique de la Parole, cette ardeur ? Le Seigneur dit au prophète Jérémie : Voici, je mets mes paroles sur ta bouche. Tu vois, aujourd'hui je te donne autorité sur les nations et sur les royaumes pour éradiquer et démolir, pour détruire et abattre, pour édifier et planter" (Ger 1,9-10). Ce sont des verbes forts : d'abord arracher et démolir, pour pouvoir enfin construire et planter. Il s'agit de collaborer à une histoire nouvelle que Dieu désire construire au milieu d'un monde de perversion et d'injustice. Vous aussi, alors, êtes appelés à continuer à faire entendre votre voix prophétique, afin que les consciences se sentent interpellées et que chacun puisse devenir protagoniste et responsable d'un avenir différent. Il faut, donc, éradiquer les plantes venimeuses de la haine et de l'égoïsme, de la rancoeur et de la violence ; démolir les autels consacrés à l'argent et à la corruption ; édifier une coexistence fondée sur la justice, la vérité et la paix ; et, enfin, planter des graines de renaissance, pour que le Congo de demain soit vraiment ce que le Seigneur rêve : une terre bénie et heureuse, jamais plus violée, opprimée et ensanglantée.

Mais soyons prudents: il ne s’agit pas d’une action politique. La prophétie chrétienne s'incarne dans de nombreuses actions politiques et sociales, mais la tâche des évêques et des pasteurs en général n'est pas celle-ci. C'est celui de l'annonce de la Parole pour éveiller les consciences, pour dénoncer le mal, pour réconforter ceux qui sont affligés et sans espérance. "Console, console mon peuple" : cette devise qui revient, revient, est une invitation du Seigneur : consoler le peuple. "Consolez mon peuple." C'est une annonce faite non seulement de paroles, mais de proximité et de témoignage : proximité, avant tout, avec les prêtres - les prêtres sont les premiers proches d'un évêque -, écoute des agents pastoraux, encouragement à l'esprit synodal pour travailler ensemble. Et témoignage, parce que les Pasteurs doivent être crédibles en premier et en tout, et en particulier dans la culture de la communion, dans la vie morale et dans l'administration des biens. Il est essentiel, en ce sens, de savoir construire l'harmonie, sans s'ériger sur des piédestaux, sans aspérités, mais en donnant le bon exemple dans le soutien et le pardon réciproques, en travaillant ensemble, comme modèles de fraternité, de paix et de simplicité évangélique. Il n'arrive jamais que, alors que le peuple souffre de la faim, on puisse dire de vous : "ceux qui ne s'en soucient pas et vont ceux qui dans leur camp, ceux qui dans leurs affaires" (cf. Mt 22, 5). Non, les affaires, s'il vous plaît, laissez-les hors de la vigne du Seigneur ! Un pasteur ne peut pas être un homme d'affaires, il ne peut pas ! Nous sommes pasteurs et serviteurs du peuple de Dieu, pas administrateurs de choses, pas affairistes, pasteurs ! L'administration de l'évêque doit être celle du pasteur : devant le troupeau, au milieu du troupeau, derrière le troupeau. Devant le troupeau pour indiquer la route ; au milieu du troupeau pour sentir l'odeur du troupeau, ne le perdez pas ; derrière le troupeau pour aider ceux qui vont plus lentement, et aussi pour laisser un peu le troupeau seul et voir où il trouve des pâturages. Le pasteur doit se déplacer dans ces trois directions.

Chers frères Evêques, j'ai partagé avec vous ce que je sentais dans mon coeur : cultiver la proximité avec le Seigneur pour être des signes prophétiques de sa compassion pour le peuple. Je vous prie de ne pas négliger le dialogue avec Dieu et de ne pas laisser le feu de la prophétie être éteint par des calculs ou des ambiguïtés avec le pouvoir, ni même par la vie tranquille et l'habitude. Face au peuple qui souffre et à l'injustice, l'Evangile demande d'élever la voix. Quand Dieu nous dit que nous élevons la voix, nous prenons le risque. C'est ce qu'a fait votre frère, le serviteur de Dieu Mons. Christophe Munzihirwa, pasteur courageux et voix prophétique, qui a gardé son peuple en offrant la vie. La veille de sa mort, il a envoyé un message à tout le monde en disant : "Que pouvons-nous encore faire ces jours-ci ? Restons fermes dans la foi. Nous avons confiance que Dieu ne nous abandonnera pas et qu'un petit éclat d'espérance se fera jour quelque part pour nous. Dieu ne nous abandonnera pas si nous nous engageons à respecter la vie de nos voisins, quelle que soit leur ethnie". Le lendemain, il fut tué sur une place de la ville, mais sa semence, plantée sur cette terre, ainsi que celle de beaucoup d'autres, portera fruit. Il est bon de faire mémoire, avec gratitude, des grands pasteurs qui ont marqué l'histoire de votre pays et de votre Eglise, de ceux qui vous ont évangélisé et précédé dans la foi. Frères, ce sont vos racines, qui vous renforcent dans l'ardeur évangélique. Je pense au bien que j'ai reçu en connaissant le cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.

Très chers amis, n'ayez pas peur d'être des prophètes d'espérance pour le peuple, des voix concordantes de la consolation du Seigneur, des témoins et des annonciateurs joyeux de l'Evangile, des apôtres de justice, des samaritains de solidarité : des témoins de miséricorde et de réconciliation au milieu de violences déclenchées non seulement par l'exploitation des ressources et par des conflits ethniques et tribaux, mais aussi et surtout par la force obscure du malin, ennemi de Dieu et de l'homme. Mais ne vous découragez jamais : le Crucifié est ressuscité, Jésus gagne, il a déjà gagné le monde (cf. Jn 16, 33) et il désire briller en vous, dans votre précieuse oeuvre, dans votre féconde graine de paix ! Mes frères, je veux vous remercier, pour votre service, pour votre zèle pastoral, pour votre témoignage.

Et, maintenant que ce voyage est terminé, je voudrais vous exprimer toute ma reconnaissance, ainsi qu'à tous ceux qui l'ont préparé. Vous avez eu la patience d'attendre un an, vous êtes bons ! Merci pour ça ! Vous avez dû travailler deux fois, parce que la première fois la visite a été annulée, mais je sais que vous êtes miséricordieux avec le Pape ! Merci beaucoup. En juin prochain, vous célébrez à Lubumbashi le Congrès eucharistique national : Jésus est réellement présent et opérant dans l'Eucharistie ; là, il se réconcilie et se rétablit, il unit, il illumine et il transforme ; là, il inspire, soutient et rend efficace votre ministère. Que la présence de Jésus, Pasteur doux et humble de coeur, vainqueur du mal et de la mort, transforme ce grand pays et soit toujours votre joie et votre espérance ! Je vous bénis de tout coeur.

Je voudrais ajouter une chose : j'ai dit "soyez miséricordieux". La miséricorde. Toujours pardonner. Quand un fidèle vient se confesser, il vient demander le pardon, il vient demander la caresse du Père. Et nous, avec le doigt accusateur : "Combien de fois ? Et comment l'as-tu fait ?...". Non, pas ça. Pardonner. Toujours. "Mais je ne sais pas, parce que le code me dit..." Le code doit être observé, parce que c'est important, mais le coeur du pasteur va plus loin ! Vous risquez. Vous risquez le pardon. Toujours. Pardonnez toujours, dans le Sacrement de la Réconciliation. Et ainsi vous saurez perdre pour toute la société.

Je vous bénis de tout coeur. Et, s'il vous plaît, continuez à prier pour moi, parce que ce bureau est un peu difficile ! Mais je compte sur vous. Merci.
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Source : www.vatican.va
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