La commission théologique internationale (parfois appelée CTI) est un organisme de la curie romaine. Elle est l'une des six commissions pontificales ; elle traite des questions théologiques de grande importance. Elle a été créée par le pape Paul VI le 11 avril 1969.
Le Saint-Père les a rencontrés ce jeudi 24 novembre 2022, le matin, "salle du Consistoire".
Discours du pape François :
Chers frères et soeurs, bonjour !
Je remercie le Cardinal Ladaria pour ses aimables paroles et je vous exprime à tous ma gratitude pour la générosité, la compétence et la passion avec lesquelles vous avez entrepris votre service en ce dixième quinquennat d'activité de la Commission théologique internationale.
Grâce aux instruments dont nous disposons aujourd'hui, vous avez pu commencer vos travaux à distance, en surmontant les difficultés dues encore à la pandémie. Et je me réjouis aussi de l'accueil que vous avez réservé aux propositions des trois thèmes à approfondir : le premier est l'actualité inaliénable et toujours féconde de la foi christologique professée par le Concile de Nicée, à l'accomplissement des 1700 ans de sa célébration (325-2025) ; le second est l'examen de certaines questions anthropologiques aujourd’hui émergentes et d'importance cruciale pour le chemin de la famille humaine, à la lumière du dessein divin du salut ; et le troisième est l'approfondissement - aujourd’hui de plus en plus urgent et décisif - de la théologie de la création dans une perspective trinité, je crie des pauvres et de la terre.
En abordant ces thèmes, la Commission théologique internationale poursuit, avec un engagement renouvelé, son service. Vous êtes appelés à l'accomplir dans le sillon tracé par le Concile Vatican II, qui - soixante ans après son début - constitue la boussole sûre pour le chemin de l'Eglise, "sacrement, dans le Christ, de l'union avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain" (Cost. dogm. Lumen gentium, 1).
Je voudrais vous indiquer trois lignes directrices de marche, en ce moment historique ; moment ardu pourtant, pour le regard de la foi, chargé de la promesse et de l'espérance qui jaillissent de la Pâque du Seigneur crucifié et ressuscité.
La première directrice est celle de la fidélité créative à la Tradition. Il s'agit d'assumer avec foi et avec amour et de décliner avec rigueur et ouverture l'engagement d'exercer le ministère de la théologie - à l'écoute de la Parole de Dieu, du sensus fidei du Peuple de Dieu, du Magistère et des charismes, et dans le discernement des signes des temps - pour le progrès de la Tradition apostolique, sous l'assistance de l'Esprit Saint, comme l'enseigne la Dei Verbum (cf. n. 8 ). Benoît XVI décrit en effet la Tradition comme "le fleuve vivant dans lequel les origines sont toujours présentes" (Catéchèse, 26 avril 2006); ainsi, elle "irrigue différentes terres, alimente différentes géographies, faisant germer le meilleur de cette terre, le meilleur de cette culture. De cette façon, l'Evangile continue à s'incarner dans tous les coins du monde, de manière toujours nouvelle" (Cost. Ap. Veritatis gaudium, 4d).
La tradition, l'origine de la foi, qui grandit ou s'éteint. Parce que, disait l'un - je crois que c'était un musicien - la tradition est la garantie de l'avenir et non pas un morceau de musée. C'est ce qui fait croître l'Eglise d'en bas, comme l'arbre : les racines. Mais un autre disait que le traditionalisme est la "foi morte des vivants" : quand tu te fermes. La tradition - je veux souligner ceci - nous fait avancer dans cette direction : de bas en haut : vertical. Aujourd’hui, il y a un grand danger, qui est d’aller dans une autre direction : l’"arriérisme". Reculer. "Cela a toujours été fait ainsi" : il est préférable de revenir en arrière, qui est plus sûr, et de ne pas aller de l'avant avec la tradition. Cette dimension horizontale, nous l'avons vue, a déplacé certains mouvements, des mouvements ecclésiaux, à rester fixes en un temps, en un arrière. Ce sont les reculés. Je pense - pour faire une référence historique - à quelques mouvements nés à la fin du Vatican I, en essayant d'être fidèles à la tradition, et ainsi se développent aujourd'hui de manière à ordonner des femmes, et d'autres choses, en dehors de cette direction verticale, où grandit la conscience morale, la conscience de la foi grandit, avec cette belle règle de Vincent de Lérins : "ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate". C'est la règle de la croissance. Au lieu de cela, le recul vous amène à dire que "toujours cela a été fait, il vaut mieux continuer ainsi", et ne vous laisse pas grandir. Sur ce point, vous les théologiens réfléchissez un peu à la façon d'aider.
La deuxième ligne directrice concerne l'opportunité, afin de réaliser avec pertinence et vigueur l'oeuvre d'approfondissement et d'inculturation de l'Evangile, de s'ouvrir avec prudence à l'apport des différentes disciplines grâce à la consultation d'experts, même non catholiques, comme le prévoient les statuts de la Commission (cf. 10). Il s'agit - je l'ai souhaité dans la Constitution Apostolique Veritatis gaudium - de faire trésor du "principe de l'interdisciplinarité : pas tant dans sa forme "faible" de simple multidisciplinarité, comme approche qui favorise une meilleure compréhension de plusieurs points de vue d'un objet d'étude ; mais plutôt dans sa forme "forte" de transdisciplinarité, comme placement et fermentation de tous les savoirs dans l'espace de Lumière et de Vie offert par la Sagesse qui promeut la Révélation de Dieu" (n. 4c).
La troisième directrice est celle de la collégialité. Elle acquiert une importance particulière et peut apporter une contribution spécifique dans le contexte du parcours synodal, où est convoqué tout le Peuple de Dieu. C'est ce que souligne le document élaboré à ce sujet, au cours des cinq années précédentes, sur La synodalité dans la vie et dans la mission de l'Église : "Comme pour toute autre vocation chrétienne, le ministère du théologien, en plus d'être personnel, est communautaire et collégial. La synodalité ecclésiale engage donc les théologiens à faire de la théologie sous une forme synodale, en promouvant entre eux la capacité d'écouter, de dialoguer, de discerner et d'intégrer la multiplicité et la variété des instances et des apports" (n. 75).
Les théologiens doivent aller plus loin, essayer d'aller plus loin. Mais celui-ci, je veux le distinguer du catéchiste : le catéchiste doit donner la doctrine juste, la doctrine solide ; non pas les éventuelles nouveautés, dont certaines sont bonnes, mais ce qui est solide ; le catéchiste transmet la doctrine solide. Le théologien risque d'aller plus loin, et le magistère l'arrêtera. Mais la vocation du théologien est toujours de se risquer à aller au-delà, parce qu'il cherche, et il essaie de mieux expliciter la théologie. Mais ne jamais donner la catéchèse aux enfants et aux gens avec des doctrines nouvelles qui ne sont pas sûres. Cette distinction n'est pas la mienne, c'est celle de saint Ignace de Loyola, qui je crois comprenait mieux que moi !
Je vous souhaite donc, dans cet esprit d'écoute réciproque, de dialogue et de discernement communautaire, en ouverture à la voix de l'Esprit Saint, un travail serein et fructueux. Les thèmes confiés à votre attention et votre expertise revêtent une grande importance dans cette nouvelle étape de l'annonce de l'Evangile que le Seigneur nous appelle à vivre comme Eglise au service de la fraternité universelle en Christ. En effet, ils nous invitent à assumer pleinement le regard du disciple, qui, avec une stupeur toujours nouvelle, reconnaît que le Christ, "précisément en révélant le mystère du Père et de son amour, révèle aussi pleinement l'homme à lui-même et lui manifeste sa très haute vocation" (Cost. past. Gaudium et spes, 22) ; ainsi Il nous enseigne que "la loi fondamentale de la perfection humaine, et donc aussi de la transformation du monde, est le nouveau commandement de l'amour" (ibid., n. 38). Et j'ai utilisé le mot "stupeur". Je crois qu'il est important, peut-être pas tant pour les chercheurs, mais certainement pour les professeurs de théologie : se demander si les leçons de théologie provoquent la stupeur chez ceux qui les suivent. C'est un bon critère, cela peut aider.
Chers frères et soeurs, je vous remercie pour votre précieux service, vraiment précieux. Je bénis de tout coeur chacun de vous et vos collaborateurs. Et je vous demande de prier pour moi.
Je crois qu'il serait peut-être important d'augmenter le nombre des femmes, non pas parce qu'elles sont à la mode, mais parce qu'elles ont une pensée différente des hommes et font de la théologie quelque chose de plus profond et aussi de plus "savoureux". Merci.