Le Pape a reçu environ 80 membres de la Fraternité politique de la Communauté du Chemin Neuf en salle Clémentine du Palais apostolique, ce lundi 16 mai 2022. Devant ces jeunes de 18 à 35 ans, l’évêque de Rome a développé un programme de politique au sens chrétien du terme, organisé autour du triptyque suivant: rencontre, réflexion, action.
Aux membres de la Fraternité Politique du Chemin Neuf :
Chers amis!
Je suis heureux de vous accueillir les jeunes membres de la "Fraternité Politique" du Chemin Neuf. Lorsque nous nous sommes rencontrés l'année dernière, vous avez confié votre participation à l'événement Changemakers à Budapest à mes prières. Vous y avez eu des moments de rencontre, de formation, mais aussi d'action, dans des associations locales. La façon dont vous avez vécu cet événement me semble une bonne mise en œuvre du vrai sens de ce qu'est la politique, surtout pour les chrétiens. La politique est rencontre, réflexion, action.
La politique est avant tout l'art de la rencontre. Certes, cette rencontre se vit dans l'accueil de l'autre et l'acceptation de sa différence, dans un dialogue respectueux. En tant que chrétiens, cependant, il y a plus : puisque l'Évangile nous demande d'aimer nos ennemis (cf. Mt 5, 44), je ne peux me contenter d'un dialogue superficiel et formel, comme ces négociations souvent hostiles entre partis politiques. Nous sommes appelés à vivre la rencontre politique comme une rencontre fraternelle, surtout avec ceux qui sont moins d'accord avec nous ; et cela signifie voir en celui avec qui l'on dialogue un vrai frère, un enfant bien-aimé de Dieu.Cet art de la rencontre commence donc par un changement de regard sur l'autre, par un accueil et un respect inconditionnels de sa personne. Si ce revirement n'a pas lieu, la politique risque de se transformer en un affrontement souvent violent pour faire triompher ses idées, dans une recherche d'intérêts particuliers plutôt que du bien commun, contre le principe selon lequel "l'unité l'emporte sur le conflit" (cf Evangelii gaudium , 226-230).
Du point de vue chrétien, la politique est aussi réflexion, c'est-à-dire formulation d'un projet commun. Un homme politique du XVIIIe siècle, Edmund Burke, expliqua ainsi aux électeurs de Bristol qu'il ne pouvait se contenter de défendre leurs intérêts particuliers, mais qu'il serait plutôt envoyé, en leur nom, pour élaborer avec les autres députés une vision pour le bien de tout le pays, pour le bien commun. En tant que chrétiens, nous comprenons que la politique, aussi bien que par la rencontre, se fait avec une réflexion commune, à la recherche de ce bien général, et non simplement avec la confrontation d'intérêts conflictuels et souvent opposés. Bref, « le tout est supérieur à la partie » (cf. ibid., 234-237). Et notre boussole pour élaborer ce projet commun est l'Evangile, qui apporte au monde une vision profondément positive de l'homme aimé de Dieu.
Enfin, la politique, c'est aussi l'action. Je me réjouis que votre Fraternité ne se contente pas d'être un espace de débat et d'échange, mais vous conduise aussi à un engagement concret. En tant que chrétiens, nous devons toujours confronter nos idées à l'épaisseur de la réalité, si nous ne voulons pas bâtir sur du sable qui tôt ou tard finira par céder. N'oublions pas que "la réalité est plus importante que l'idée" (cf. ibid., 231-233). Et donc j'encourage votre engagement en faveur des migrants et de l'écologie. J'ai donc appris que certains d'entre vous ont choisi de vivre ensemble au milieu d'un quartier populaire de Paris, à l'écoute des pauvres : c'est une manière chrétienne de faire de la politique ! N'oubliez pas ces lignes, que la réalité est plus importante que l'idée : on ne peut pas faire de politique avec de l'idéologie. Le tout est supérieur à la partie et l'unité est supérieure au conflit. Cherchez toujours l'unité et ne vous perdez pas dans le conflit.
Rencontre, réflexion, action : voilà un programme politique au sens chrétien. Je pense que vous en faites l'expérience, surtout dans vos réunions du dimanche soir : c'est en priant ensemble le Père de qui tout procède, c'est en imitant Jésus-Christ, c'est en écoutant l'Esprit Saint que votre souci du bien commun s'acquiert une force intérieure très puissante et inspirante. Car c'est ainsi que se pratique la politique comme « la plus haute forme de charité », comme l'a définie le pape Pie XI.
Je m'arrête sur une chose que ce gentil Brésilien a dit : il a parlé de mémoire, d'espoir et d'asombro - c'était comme ça, n'est-ce pas ? Asombro : La vie chrétienne n'est pas possible sans cet asombro, sans étonnement. L'émerveillement est ce qui me fait sentir que je suis en Jésus, avec Jésus, l'émerveillement de voir la grandeur du Seigneur, la grandeur de sa Personne, la grandeur de son programme, de ressentir la grandeur des Béatitudes comme programme de vie. Et puis cet autre mot... souvenir... Souvenir, espoir, émerveillement. Le passé, le futur et le présent : il n'y a pas de futur sans présent, et il n'y a pas d'espoir sans émerveillement. Cultivez la prière avec l'Evangile pour ressentir l'émerveillement de la rencontre avec Jésus-Christ.
Ma prière vous accompagne sur ce chemin. Je vous remercie de votre écoute et je vous bénis. Et s'il vous plait, n'oubliez pas de prier pour moi !
Et maintenant, tous ensemble dans la prière, demandons au Seigneur de nous bénir. Seigneur Jésus, bénis nous tous qui travaillons près de toi. Bénis nos idées, bénis nos cœurs, bénis nos mains. Amen.