Dans le message adressé aux membres de l’Académie pontificale des Sciences réunis en assemblée plénière du 7 au 9 octobre à Rome, le Pape François évoque les conséquences de la pandémie, notamment sur la vie des plus pauvres.
Message du pape François :
Aux membres distingués de l’Académie Pontificale des Sciences réunis en session plénière
Je vous salue cordialement et j’exprime toute ma gratitude à l’Académie pontificale des sciences pour avoir consacré la session plénière de cette année à mettre la recherche scientifique fondamentale au service de la santé de notre planète et de ses habitants, en particulier des plus pauvres et des plus défavorisés. Je salue également les experts et les dirigeants invités, qui ont tous de lourdes responsabilités internationales, et je me réjouis de leur contribution.
Avant toute chose, j’exprime mon soutien aux travaux de l’Académie, activement encouragés par son président, le professeur Joachim von Braun, et par le Conseil. En ces jours, mon intérêt pour vos travaux est encore plus vif, car vous avez consacré cette session plénière à ce qui est à juste titre un sujet de profonde préoccupation pour l’humanité tout entière. Vous vous concentrez sur la notion de science au service des personnes pour la survie de l’humanité, à la lumière de la pandémie de SRAS-CoV-2/COVID-19 et d’autres problèmes mondiaux.
En effet, la pandémie a mis en lumière non seulement nos fausses sécurités, mais aussi l’incapacité des pays du monde à travailler ensemble. Malgré toute notre hyper-connectivité, nous avons été témoins d’une fragmentation qui a rendu plus difficile la résolution de problèmes qui nous touchent tous (cf. Fratelli tutti, 7). Il est donc significatif que cette session plénière virtuelle de l’Académie rassemble un certain nombre de disciplines scientifiques différentes ; en ce sens, elle offre un exemple de la manière dont les défis de la crise due à la COVID-19 devraient être relevés à travers des efforts coordonnés au service de la famille humaine tout entière.
Vos efforts se concentrent largement sur l’étude de nouvelles voies immunologiques et immunochimiques pour activer les mécanismes de défense de l’organisme ou arrêter la prolifération des cellules infectées. Vous étudiez également d’autres traitements spécifiques, notamment des vaccins actuellement testés dans le cadre d’essais cliniques. Comme nous le savons, en affectant la santé des personnes, le virus a également touché l’ensemble du tissu social, économique et spirituel de la société, paralysant les relations humaines, le travail, la fabrication, le commerce et même de nombreuses activités spirituelles. Il a un impact énorme sur l’éducation. Dans de nombreuses régions du monde, un grand nombre d’enfants ne peuvent pas retourner à l’école et cette situation risque d’entraîner une augmentation du travail des enfants, de l’exploitation, des abus et de la malnutrition. En bref, le fait de ne pas pouvoir voir le visage d’une personne et de considérer d’autres personnes comme des porteurs potentiels du virus est une terrible métaphore d’une crise sociale mondiale qui doit préoccuper tous ceux qui ont à cœur l’avenir de l’humanité.
À cet égard, personne parmi nous ne peut manquer de se préoccuper de l’impact de la crise sur les pauvres dans le monde. Pour beaucoup d’entre eux, c’est en effet une question de survie. Avec la contribution des sciences, les besoins des membres les plus pauvres de notre famille humaine exigent des solutions équitables de la part des gouvernements et de tous les décideurs. Les systèmes de santé, par exemple, doivent devenir beaucoup plus inclusifs et accessibles aux personnes défavorisées et à celles qui vivent dans les pays à faible revenu. Si quelqu’un doit être privilégié, que ce soit les personnes les plus démunies et les plus vulnérables d’entre nous. De même, lorsque des vaccins seront disponibles, il faudra en assurer un accès équitable, indépendamment des revenus, en commençant toujours par les plus modestes. Les problèmes mondiaux auxquels nous sommes confrontés exigent des réponses coopératives et multilatérales. Les organisations internationales telles que l’ONU, l’OMS, la FAO et d’autres, qui ont été créées pour favoriser la coopération et la coordination au niveau mondial, doivent être respectées et soutenues pour pouvoir atteindre leurs objectifs au nom du bien commun universel.
L’éruption de la pandémie, dans le contexte plus large du réchauffement climatique, de la crise écologique et de la perte dramatique de biodiversité, représente un appel à notre famille humaine à repenser son cours, à se repentir et à entreprendre une conversion écologique (cf. Laudato si’, 216-221). Une conversion qui fait appel à tous les dons et talents que Dieu nous a donnés afin de promouvoir une « écologie humaine » à la hauteur de notre dignité innée et de notre destin commun. C’est l’espoir que j’ai exprimé dans ma récente encyclique Fratelli tutti sur la fraternité et l’amitié sociale. « Comme il serait merveilleux que la croissance de l’innovation scientifique et technologique s’accompagne de plus d’égalité et d’inclusion sociale. Comme il serait merveilleux, alors même que nous découvrons des planètes lointaines, de redécouvrir les besoins des frères et sœurs qui gravitent autour de nous ! » (n° 31).
Les réflexions de votre session plénière sur les sciences et la survie de l’humanité soulèvent également la question de scénarios similaires qui pourraient provenir des laboratoires les plus avancés des sciences physiques et biologiques. Pouvons-nous rester silencieux face à de telles perspectives ? Aussi grande que soit la responsabilité des hommes politiques, elle ne dispense pas les scientifiques de reconnaître leurs propres responsabilités éthiques dans leur effort pour mettre fin non seulement à la fabrication, à la possession et à l’utilisation d’armes nucléaires, mais aussi au développement d’armes biologiques, avec leur potentiel de dévastation de civils innocents et, en fait, de peuples entiers.
Chers amis, je vous remercie une fois de plus pour vos recherches et vos efforts afin de faire face à ces graves problèmes dans un esprit de coopération et de responsabilité partagée pour l’avenir de nos sociétés. Au cours de ces derniers mois, le monde entier a dépendu de vous et de vos collègues pour fournir des informations, insuffler de l’espoir et, dans le cas d’innombrables professionnels de la santé, pour soigner les malades et les personnes souffrantes, souvent au risque de leur propre vie. En vous renouvelant ma propre gratitude et en offrant ma prière et mes meilleurs vœux pour les délibérations de votre session plénière, j’invoque sur vous, vos familles et vos associés, les bénédictions divines de sagesse, de force et de paix. Et je vous demande, s’il vous plaît, de vous souvenir de moi dans vos prières.