Le pape François a commenté, dans son homélie, l’Évangile de saint Jean (5, 1-16) dans lequel Jésus guérit un malade, gisant depuis 38 ans près de la piscine de Bethesda. Il a diagnostiqué la maladie de cet homme : « Était-il malade ? Oui, peut-être, il avait une sorte de paralysie, mais il semble qu’il pouvait marcher un peu. Mais il était malade dans son coeur, il était malade dans son âme, il était malade de pessimisme, il était malade de tristesse, il était malade d’acédie ».
Homélie du pape François :
La liturgie de ce jour nous fait réfléchir sur l’eau, l’eau comme symbole de salut, parce que c’est un moyen de salut, mais l’eau est aussi un moyen de destruction : pensons au Déluge… Mais dans ces lectures, l’eau est pour le salut. Dans la première lecture, cette eau qui conduit à la vie, qui assainit les eaux de la mer, une eau nouvelle qui assainit. Et dans l’Évangile, la piscine, cette piscine où allaient les malades, pleine d’eau, pour guérir, parce qu’on disait que parfois les eaux bouillonnaient, comme un fleuve, parce qu’un ange descendait du ciel pour les agiter, et le premier, ou les premiers, qui se jetaient dans l’eau étaient guéris. Et beaucoup – comme le dit Jésus – « étaient couchés une foule de malades, aveugles, boiteux et impotents », là, attendant la guérison, que l’eau soit agitée. Cela fait réfléchir, non ? C’est un peu trop… parce que celui qui veut être guéri s’arrange pour avoir quelqu’un qui l’aide, il se lève, il est un peu rapide, et aussi un peu malin… mais celui-ci, là depuis 38 ans, au point qu’on ne sait pas s’il est malade ou s’il est mort… Le voyant couché là, et connaissant la réalité, le fait qu’il était là depuis très longtemps, Jésus lui dit : « Veux-tu guérir ? ». Et la réponse est intéressante : il ne dit pas oui, il se plaint. De la maladie ? Non. Le malade répond : « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine quand l’eau est agitée. En effet, pendant que j’y vais – que je prends la décision d’y aller – un autre descend avant moi ». Un homme qui arrive toujours en retard. Jésus lui dit : « Lève-toi, prends ton brancard et marche ». À l’instant, l’homme fut guéri.
L’attitude de cet homme nous fait réfléchir. Était-il malade ? Oui, peut-être, il avait une sorte de paralysie, mais il semble qu’il pouvait marcher un peu. Mais il était malade dans son coeur, il était malade dans son âme, il était malade de pessimisme, il était malade de tristesse, il était malade d’acédie. Voilà la maladie de cette homme : « Oui, je veux vivre, mais… », il était là. Mais la réponse est-elle : « Oui, je veux être guéri ! » ? Non, il se plaint. « Ce sont les autres qui arrivent les premiers, toujours les autres ». La réponse à la demande de Jésus pour le guérir, c’est une plainte contre les autres. Et ainsi, 38 années de plainte contre les autres. Et sans rien faire pour guérir.
C’était un samedi : nous avons entendu ce qu’on fait les docteurs de la loi. Mais la clé, c’est la rencontre avec Jésus, après. Il le trouva dans le Temple et lui dit : « Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver quelque chose de pire ». Cet homme était dans le péché, mais il n’était pas là parce qu’il avait fait quelque chose de grave, non. Le péché de survivre et de se plaindre de la vie des autres : le péché de la tristesse qui est la semence du diable, de cette incapacité à prendre une décision sur sa vie, mais oui, regarder la vie des autres pour se plaindre. Pas pour les critiquer, pour se plaindre. « Ils y vont avant, je suis la victime de cette vie » : les plaintes, elles respirent la plainte, ces personnes.
Si nous comparons avec l’aveugle-né que nous avons entendu dimanche dernier, l’autre dimanche : avec quelle joie, avec quelle détermination il avait pris la guérison, et aussi avec quelle détermination il est allé discuter avec les docteurs de la Loi ! Il y est simplement allé et il a informé : « Oui, c’est cela ». Point. Sans compromis avec la vie… Cela me fait penser à beaucoup d’entre nous, à beaucoup de chrétiens qui vivent dans cet état d’acédie, incapables de faire quelque chose, mais se plaignant de tout. Et l’acédie est un venin, c’est un brouillard qui enveloppe l’âme et ne l’empêche de vivre. Et c’est aussi une drogue parce que si tu la goûtes souvent, cela te plaît. Et tu finis comme un « dépendant triste », un « dépendant de l’acédie »… C’est comme l’air. Et c’est un péché assez habituel parmi nous : la tristesse, l’acédie, je ne dis pas la mélancolie, mais c’est proche.
Cela nous fera du bien de relire ce chapitre 5 de Jean pour voir comment est cette maladie dans laquelle nous pouvons tomber. L’eau est pour nous sauver. « Mais je ne peux pas me sauver ! – Pourquoi ? – Parce que c’est la faute des autres ». Et je reste là pendant 38 ans… Jésus m’a guéri : on ne voit pas la réaction des autres qui sont guéris, qui prennent leur brancard et qui dansent, chantent, rendent grâce, le disent à tout le monde ? Non, il avance. Les autres lui disent qu’il ne faut pas faire cela, et il dit : « Mais celui qui m’a guéri m’a dit que c’était possible », et il va de l’avant. Et puis, au lieu d’aller trouver Jésus, le remercier et tout, il informe : « C’était comme cela ». Une vie grise, mais grise de ce mauvais esprit qu’est l’acédie, la tristesse, la mélancolie.
Pensons à l’eau, à cette eau qui est le symbole de notre force, de notre vie, l’eau dont Jésus s’est servi pour nous régénérer, le baptême. Et pensons aussi à nous-mêmes, si l’un de nous risque de glisser dans cette acédie, dans ce péché neutre : le péché du neutre, c’est cela, ni blanc ni noir, on ne sait pas ce que c’est. Et c’est un péché que le diable peut utiliser pour annihiler notre vie spirituelle et même notre vie personnelle.
Que le Seigneur nous aide à comprendre combien ce péché est mauvais et dangereux.