Voici le discours, adressé en espagnol, par le pape François aux participants à la IVème réunion mondiale du Forum des peuples indigènes, convoquée par le Fonds international pour le Développement agricole, qui s’est déroulée les 12 et 13 février 2019.
Discours du pape François :
Chers amis,
Je remercie Madame Myrna Cunningham pour ses aimables paroles et je suis heureux de saluer tous ceux qui, à l’occasion des sessions du Conseil des gouverneurs, ont participé à la quatrième réunion mondiale du Forum des peuples indigènes, convoquée par le Fonds international pour le Développement agricole (FIDA). Le thème de vos travaux était : « Promouvoir les connaissances et les innovations des peuples autochtones pour créer une résilience au changement climatique et un développement durable ».
Votre présence à tous ici démontre que les questions environnementales sont d’une extrême importance et nous invite à tourner à nouveau notre regard vers notre planète, blessée dans de nombreuses régions par l’avidité humaine, par des conflits armés qui génèrent une marée de maux et de disgrâces, ainsi que par les catastrophes naturelles qui laissent sur leur passage pénurie et dévastation. Nous ne pouvons pas continuer d’ignorer ces fléaux en réagissant à ceux-ci avec indifférence et manque de solidarité, ou en repoussant les mesures qui doivent y faire face efficacement. Au contraire, seul un sens vigoureux de la fraternité affermira nos mains pour secourir aujourd’hui ceux qui en ont besoin et ouvrir la porte de demain aux générations qui viendront après nous.
Dieu a créé la terre pour tous, afin qu’elle soit un espace accueillant où personne ne se sente exclu et où nous puissions tous trouver une maison. Notre planète est riche en ressources naturelles. Et les peuples autochtones, avec leur grande diversité de langues, cultures, traditions, connaissances et méthodes ancestrales, deviennent pour tous une sonnette d’alarme qui met en évidence le fait que l’homme n’est pas le propriétaire de la nature, mais seulement celui qui la gère, celui qui a pour vocation de veiller sur elle avec soin, afin que sa biodiversité ne se perde pas et que l’eau puisse continuer d’être saine et cristalline, l’air pur, les bois touffus et le sol fertile.
Les peuples indigènes sont un cri vivant pour l’espérance. Ils nous rappellent que nous autres, êtres humains, nous avons une responsabilité commune dans le soin de notre « maison commune ». Et si certaines décisions prises jusqu’à maintenant l’ont ruinée, il n’est jamais trop tard pour en tirer les leçons et acquérir un nouveau style de vie. Il s’agit d’adopter une manière de procéder qui, abandonnant les approches superficielles et les habitudes nocives ou d’exploitation, dépasse l’individualisme atroce, le consumérisme convulsif et le froid égoïsme. La terre souffre et les peuples autochtones connaissent le dialogue avec la terre, ils savent ce que signifie écouter la terre, voir la terre, toucher la terre. Ils connaissent l’art de bien vivre en harmonie avec la terre. Et cela, nous devons l’apprendre, nous qui sommes peut-être tentés dans une sorte d’illusion progressiste aux dépends de la terre. N’oublions jamais le dicton de nos grands-parents : « Dieu pardonne toujours, nous, les hommes, nous pardonnons parfois, la nature ne pardonne jamais ». Et nous le voyons, avec les mauvais traitements et l’exploitation. À vous, qui savez dialoguer avec la terre, est confiée la tâche de nous transmettre cette sagesse ancestrale.
Si nous unissons nos forces et si, dans un esprit constructif, nous engageons un dialogue patient et généreux, nous finirons par prendre davantage conscience du fait que nous avons besoin les uns des autres, qu’un comportement nuisible pour l’environnement qui nous entoure se répercute négativement aussi sur la sérénité et sur la fluidité de la coexistence, que parfois, il ne s’est pas agi de coexistence mais de destruction et que les indigènes ne peuvent pas continuer de subir des injustices, que les jeunes ont droit à un monde meilleur que le nôtre et qu’ils attendent de nous des réponses convaincantes.
Merci à tous pour la ténacité avec laquelle vous affirmez que la terre n’existe pas seulement pour être exploitée sans aucun égard, mais aussi pour être chantée, protégée et caressée. Merci parce que vous élevez la voix pour affirmer que le respect dû à l’environnement doit toujours être sauvegardé au-dessus des intérêts exclusivement économiques et financiers. L’expérience du FIDA, sa compétence technique, ainsi que les moyens dont il dispose, rendent un service précieux pour aplanir des chemins qui reconnaissent qu’ « un développement technologique et économique qui ne laisse pas un monde meilleur et une qualité de vie intégralement supérieure, ne peut pas être considéré comme un progrès » (Lettre encyclique Laudato si’, n.194).
Et dans notre imaginaire collectif, il y a aussi un danger : nous autres, peuples dits civilisés, « nous sommes de première classe » et les peuples dits autochtones ou indigènes « sont de seconde classe ». Non ! C’est la grande erreur d’un progrès déraciné, détaché de la terre. Il est nécessaire que les deux peuples dialoguent. Aujourd’hui, l’urgence est à un « métissage culturel » où la sagesse des peuples autochtones puisse dialoguer au même niveau avec la sagesse des peuples plus développés, sans s’anéantir. Le « métissage culturel » serait le but vers lequel nous devrions tendre avec la même dignité.
En vous encourageant à avancer, je supplie Dieu de ne pas cesser d’accompagner de ses bénédictions vos communautés et ceux qui, au FIDA, travaillent pour protéger les habitants des zones rurales et plus pauvres de la planète, mais plus riches car ils ont la sagesse de vivre avec la nature.
Merci.