Le pape François a adressé un Message à l’Agence nationale des sourds italienne (E.N.S.) à l’occasion de la soixantième Journée mondiale des sourds que l’on célèbre ce vendredi 28 septembre 2018.
Message du pape François :
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui, j’aurais voulu être avec vous, mais malheureusement cela ne m’a pas été possible ; c’est pourquoi je me rends présent par ce message pour vous exprimer ma proximité, dans l’attente de pouvoir vous rencontrer à une prochaine occasion.
En cette soixantième Journée mondiale des sourds – la première a été célébrée à Rome le 28 septembre 1958 – je désire avant tout remercier le Seigneur pour le témoignage de votre association, l’Agence nationale des sourds, et de tant d’hommes et de femmes de bonne volonté qui, depuis de nombreuses années, s’engagent pour combattre l’exclusion et la culture du rejet, pour protéger et promouvoir, dans tous les secteurs, la valeur de la vie de chaque être humain et, en particulier, la dignité des personnes sourdes.
L’histoire de l’E.N.S. est faite de personnes qui ont cru dans l’unité, dans la solidarité, dans le partage d’objectifs communs, dans la force d’être une communauté à l’intérieur d’un long chemin constellé de progrès, de sacrifices et de batailles quotidiennes. Une histoire faite par ceux qui ne se sont pas rendus et qui ont continué de croire dans l’autodétermination des personnes sourdes. C’est un grand résultat, si je pense à toutes les personnes sourdes et à leurs proches qui, confrontées au défi du handicap, ne se sentent plus seuls.
Au cours de ces décennies, de grands progrès ont été faits dans différents domaines, scientifique, social et culturel ; mais en même temps, il s’est aussi répandu la culture dangereuse et inacceptable du rejet, conséquence de la crise anthropologique qui ne met plus l’homme au centre, mais recherche plutôt l’intérêt économique, le pouvoir et la consommation effrénée (cf. exhortation ap. Evangelii gaudium, 52-53). Parmi les victimes de cette culture, il y a les personnes plus fragiles, les enfants qui ont des difficultés à participer à la vie scolaire, les personnes âgées qui font l’expérience de la solitude et de l’abandon, les jeunes qui perdent le sens de la vie et se voient voler leur avenir et leurs meilleurs rêves.
En pensant à vous, je voudrais rappeler qu’être une association et s’associer est en soi une valeur. Vous n’êtes pas une somme de personnes, mais vous vous êtes associés pour vivre et transmettre la volonté d’accompagner et de soutenir ceux qui, comme vous, sont en difficulté mais ceci est avant tout porteur d’une inestimable richesse humaine. Aujourd’hui, il y a un grand besoin de vivre avec joie et engagement la dimension associative : être unis et solidaires, se rencontrer, partager ses expériences, ses succès et ses échecs, mettre des ressources en commun, tout cela contribue à accroître le patrimoine humain, social et culturel d’un peuple. Les associations comme la vôtre – grâce à Dieu, en Italie, il y en a beaucoup – stimulent tout le monde à « faire communauté » ou plutôt à être communauté, à s’accueillir mutuellement avec nos limites et nos fatigues, mais aussi avec nos joies et nos sourires. Parce que nous avons tous des capacités et des limites !
Nous sommes appelés ensemble à aller à contre-courant, en luttant surtout pour que soit toujours protégé le droit de chaque homme et de chaque femme à une vie digne. Il ne s’agit pas seulement de satisfaire des besoins déterminés, mais plus encore de voir reconnu le désir de chacun d’être accueilli et de pouvoir vivre de manière autonome. Le défi est que l’inclusion devienne une mentalité et une culture, et que les législateurs et les gouvernants ne privent pas cette cause de leur soutien cohérent et concret. Parmi les droits à garantir, il ne faut pas oublier le droit à étudier, à avoir un travail, une maison et l’accès à la communication. C’est pourquoi, tout en menant avec ténacité la lutte nécessaire contre les barrières architecturales, il faut s’engager pour abattre toutes les barrières qui empêchent la possibilité de relation et de rencontre en autonomie et pour parvenir à une authentique culture et pratique de l’inclusion. Cela vaut pour la société civile comme pour la communauté ecclésiale.
Beaucoup d’entre vous ont atteint leur position sociale et professionnelle, y compris de haut niveau, avec beaucoup de fatigue en raison de leur surdité, et c’est une grande conquête humaine et civile. Mais comme je suis content quand je vois que, comme d’autres personnes qui ont des handicaps, en vertu de votre baptême, vous atteignez aussi ces objectifs dans le monde de l’Église, surtout dans le domaine de l’évangélisation ! Cela devient un exemple et un stimulant pour les communautés chrétiennes dans leur vie quotidienne.
Je souhaite que, dans tous les diocèses, avec les acteurs de la pastorale préparés en langue des signes, lecture labiale et sous-titres, vous collaboriez afin que les personnes sourdes soient pleinement insérées dans la communauté chrétienne et que grandisse en elles le sentiment d’appartenance. Il faut pour cela une pastorale inclusive dans les paroisses, dans les associations et dans les écoles.
Mais le premier lieu d’inclusion est, comme toujours, la famille. Dans ce cas encore, les familles avec des personnes sourdes sont donc les protagonistes du renouveau de la mentalité et du style de vie. Elles le sont en tant que destinataires de services, qu’elles revendiquent à juste titre de la part des institutions compétentes ; elles le sont en tant que sujets d’action promotionnelle dans le secteur civil, social et ecclésial.
Chers amis, beaucoup a été fait, grâce à vous entre autres, pour faire grandir l’accueil, l’inclusion, la rencontre et la solidarité. Mais il reste encore beaucoup à faire pour la promotion des personnes sourdes, en surmontant l’isolement de nombreuses familles et en réhabilitant celles qui font encore l’objet de discriminations inacceptables.
Que ma prière et ma bénédiction vous accompagnent dans cet engagement renouvelé. Mais vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi et pour toute l’Église, afin qu’elle devienne de plus en plus une communauté fraternelle et accueillante.