Le pape François plaide pour un journalisme qui sache « mettre la vérité avant les intérêts personnels ou corporatifs ».
C’est ce que le pape François a suggéré devant une délégation du Prix international du journalisme « Biagio Agnes », ce lundi 4 juin 2018, à 12h20, en la Salle Clementine du Palais apostolique du Vatican.
Discours du pape François :
Chers amis,
Soyez les bienvenus ! Je salue et remercie Madame Simona Agnes, les membres du jury et vous tous ici présents, qui couvrez à divers titres des charges importantes dans la communication. La Fondation promotrice du Prix porte le nom de Biagio Agnès, un des journalistes italiens les plus connus, défenseur du service public, intervenu à plusieurs reprises sur le rôle du journaliste comme garant d’une information correcte, fiable, authentique et ponctuelle. Faisant trésor de son enseignement, vous vous engagez tous, avant tout personnellement, pour une communication qui sache mettre la vérité avant les intérêts personnels ou corporatifs. En outre, observant tout ce qui est produit par l’industrie culturelle, avec ce prix, vous signalez à l’entreprise des journalistes, hommes et femmes, qui se distinguent par leur responsabilité dans l’exercice de leur profession. En effet, être journaliste a à voir avec la formation des personnes, ave leur vision du monde et leurs attitudes face aux événements. C’est un travail exigeant qui traverse une période caractérisée, d’une part, par la convergence numérique et, d’autre part, par la transformation des médias eux-mêmes.
Il m’arrive souvent de voir, à l’occasion de voyages apostoliques ou autres rencontres, une différence dans les méthodes de production : ça va des troupes classiques de télévision, à des garçons et des filles qui, avec un téléphone mobile, savent confectionner une nouvelle pour quelque portail. Mais aussi des radios traditionnelles avec de véritables interviews réalisées encore avec un téléphone portable. Tout cela dit bien que nous vivons une transformation pressante des formes et des langages de l’information. Il est difficile d’entrer dans ce processus de transformation, mais il est de plus en plus nécessaire si nous voulons continuer à être des éducateurs des nouvelles générations. Je dis que c’est fatigant, et j’ajouterais qu’une sage vigilance est nécessaire. En effet « les dynamiques des moyens de communication sociale et du monde digital, […] en devenant omniprésentes, ne favorisent pas le développement d’une capacité de vivre avec sagesse, de penser en profondeur, d’aimer avec générosité. Les grands sages du passé, dans ce contexte, auraient couru le risque de voir s’éteindre leur sagesse au milieu du bruit dispersif de l’information. (Enc. Laudato si’, 47).
Il n’existe pas de recettes mais je voudrais souligner trois mots : périphéries, vérité, espérance.
Périphéries. Très souvent, les centres névralgiques de la production des nouvelles se trouvent dans les grands centres. Mais cela ne saurait nous faire oublier les histoires des personnes qui vivent à l’écart, loin, dans les périphéries. Ce sont des histoires parfois de souffrance et de dégradation ; d’autres fois, des histoires de grande solidarité qui peuvent aider chacun à regarder la réalité d’une façon différente, nouvelle.
Vérité. Nous savons tous qu’un journaliste est appelé à écrire ce qu’il pense, ce qui correspond à sa consciente et responsable compréhension d’un événement. Il faut être très exigeant avec soi-même pour ne pas tomber dans le piège des logiques d’opposition par intérêt ou par idéologie. Aujourd’hui, dans un monde où tout est rapide, il est de plus en plus urgent de faire appel à la loi douloureuse et laborieuse de la recherche approfondie, de la confrontation et, si cela est nécessaire, de se taire plutôt que de blesser une personne ou un groupe de personnes. Je sais que c’est difficile, mais l’histoire d’une vie se comprend à la fin, et cela doit nous aider à devenir courageux et, je dirais-même, prophétiques.
Espérance. Il ne s’agit pas de raconter un monde sans problèmes : ce serait une illusion. Il s’agit d’ouvrir des plages d’espérance quand on dénonce des situations de dégradation et de désespoir. Un journaliste ne devrait pas se sentir bonne conscience par le simple fait d’avoir raconté, selon sa propre responsabilité libre et consciente, un événement. Il est appelé à laisser une porte de sortie, de sens, d’espérance.
Je termine en rappelant une des initiatives que la Fondation Biagio Agnes, grâce à la ténacité de sa présidente, poursuit : le Forum de divulgation scientifique « Check-Up pour l’Italie », un projet né d’une idée de Biagio Agnes, qui a pour objectif d’approfondir les sujets médico-scientifiques grâce à une information précise qui aille à l’encontre de la prolifération des informations «bricolées» et des nouvelles approximatives, de plus en plus présentes sur le web et qui attirent l’attention du public beaucoup plus que la science. Le Conseil pontifical de la culture, il y a quelques semaines, a conclu une conférence internationale qui parlait justement de ces questions. A ce propos je voudrais rappeler «il faut garantir une discussion scientifique et sociale qui soit responsable et large, capable de prendre en compte toute l’information disponible et d’appeler les choses par leur nom. Parfois, on ne met pas à disposition toute l’information, qui est sélectionnée selon les intérêts particuliers, qu’ils soient politiques, économiques ou idéologiques » (Laudato si’, 135).
Je vous remercie encore et fais toutes mes félicitations aux lauréats du prix. Et, s’il vous plaît, rappelez-vous de prier pour moi. Merci.