Admin Admin
Messages : 5949 Date d'inscription : 17/03/2013
| Sujet: Le pape écrit au directeur de La Repubblica Mer 11 Sep 2013 - 17:26 | |
| Discours du Mercredi 11 Septembre 2013
Dialogue avec les non-croyants : le pape écrit au directeur de La Repubblica Aller vers l’autre, dialoguer avec ceux qui ne partagent pas la même foi et les mêmes croyances, c’est l’injonction continuelle de François depuis le début de son pontificat. Il le prouve une nouvelle fois dans les actes en adressant une « lettre à ceux qui ne croient pas » au directeur du quotidien italien La Repubblica. Le Pape répond à Eugenio Scalfari qui, dans les colonnes de son journal, avait proposé une série de réflexions sur l’Eglise et le ministère des souverains pontifes après avoir lu la première encyclique du pape François « Lumen Fidei » écrite avec son prédécesseur Benoît XVI. Par cette lettre, le pape met en œuvre l’un des buts de l’encyclique « Lumen Fidei », celui d’un dialogue sincère et rigoureux avec un non croyant qui n’en reste pas moins intéressé et fasciné par les questions liées à la Foi. Un dialogue qui prend tout son sens dans nos sociétés contemporaines si peu sensibles à la transcendance et à la figure divine. Son importance dérive de plusieurs circonstances mises en exergue lors du Concile Vatican II. Le paradoxe d’abord qui veut que la Foi, qui devrait illuminer la vie des Hommes, soit dénoncée depuis l’époque moderne comme un sombre ramassis de superstitions opposé à la lumière de la Raison. D’où la nécessité d’entamer un dialogue ouvert sans préjugés pour une rencontre féconde. Un dialogue qui n’est pas une mondanité mais un impératif pour le croyant qui se doit de témoigner de sa Foi et du Christ. Le Pape rappelle ainsi que sa Foi est née de la rencontre avec Jésus, une rencontre personnelle qui a touché son cœur et donné un sens à son existence. Une rencontre rendue possible par la communauté des chrétiens, l’Eglise, qui rend accessible les Ecritures, dispense les sacrements, repose sur la fraternité et l’attention à ses frères et sœurs plus pauvres. C’est à partir de ce point central dans sa vie, sa Foi, que le Pape commence ce dialogue avec le directeur de la Repubblica. François part donc du Christ, de sa vie, de son message. C’est le cœur de la Foi chrétienne, l’exemple à suivre. Son incarnation, son partage de nos victoires et de nos défaites, de nos joies et de nos peines en un mot de notre condition témoigne de l’amour de Dieu pour les Hommes qui sont tous ses fils à l’image du Christ. Un amour plus fort que le péché, plus fort que la mort, un don qui mérite de donner sa vie pour en témoigner. Obéir à sa conscience - Citation :
- « Vous me demandez si le Dieu des chrétiens pardonne ceux qui ne croient pas et ne cherchent pas la foi », reprend le pape. « La miséricorde de Dieu n’a pas de limite si l’on s’adresse à lui avec un cœur sincère et contrit », assure-t-il alors comme présupposé, avant de poursuivre : « Pour ceux qui ne croient pas en Dieu, la question est d’obéir à sa conscience ».
« Le péché, précise-t-il, même pour ceux qui ne croient pas, est d’aller contre sa conscience. L’écouter et lui obéir signifie en effet prendre des décisions face à ce qui est perçu comme bien ou mal. Et c’est sur cette décision que se joue la bonté ou la méchanceté de notre action ». Découle ainsi la question de l’existence de l’Absolu et de la Vérité absolue ou bien d’une série de vérités relatives et subjectives, ce relativisme si souvent dénoncé par Benoît XVI. Le pape indique que, même pour les croyants, la vérité ne saurait être absolue, car elle est relation avec Jésus et « chemin » permanent, ce qui ne fait pas d’elle un élément « variable et subjectif » pour autant. La Vérité pour la Foi chrétienne est cet amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Ce « chemin » pour la trouver est fait d’humilité et d’ouverture pour l’accueillir et l’exprimer. - Citation :
- « L’Eglise, croyez-moi, conclut le pape, malgré toutes ses lenteurs, ses infidélités, ses erreurs et les péchés qu’elle peut avoir commis et qu’elle peut encore commettre à travers ceux qui la composent, n’a pas d’autre sens et d’autre fin que de vivre et de témoigner de Jésus ».
(Olivier Tosseri) SourceTexte Intégral : Lettre à M. Eugenio Sclafari Cher Docteur Scalfari, C’est avec une grande sympathie que je voudrais tenter de répondre, ne serait-ce qu’à grands traits, à la lettre accompagnée d’une série de réflexions personnelles, que vous avez voulu m’adresser dans les pages de « La Repubblica », le 7 juillet, et que vous avez ensuite enrichie dans ce même journal le 7 août.
Je vous remercie, avant tout, pour l’attention avec laquelle vous avez bien voulu lire l’encyclique « Lumen fidei ». En fait, dans l’intention de mon bien-aimé prédécesseur, Benoît XVI, qui l’a conçue et rédigée en grande partie, et de qui je l’ai héritée, l’encyclique vise non seulement à confirmer dans la foi en Jésus-Christ ceux qui se reconnaissent déjà en elle, mais aussi à susciter un dialogue sincère et rigoureux avec toute personne qui, comme vous-même, se définit comme « un non-chrétien depuis longtemps intéressé et fasciné par la prédication de Jésus de Nazareth ». Il me semble donc tout à fait positif, non seulement pour nous personnellement, mais aussi pour la société dans laquelle nous vivons, de nous arrêter pour dialoguer sur une réalité aussi importante que la foi, qui se réfère à la prédication et à la figure de Jésus. Je pense que deux circonstances en particulier font que ce dialogue, aujourd’hui, est juste et précieux.
Celui-ci, d’ailleurs, constitue, comme on le sait, un des objectifs principaux du concile Vatican II voulu par Jean XXIII, et du ministère des papes qui, chacun avec sa sensibilité et son apport propres, ont depuis lors marché dans le sillon tracé par le Concile.
Une expression intime et indispensable
La première circonstance, comme cela est rappelé dans les premières pages de l’encyclique, vient du fait que, tout au long des siècles de la modernité, nous avons assisté à un paradoxe : la foi chrétienne, dont la nouveauté et l’incidence sur la vie de l’homme se sont dès le début exprimées à travers le symbole de la lumière, a été souvent présentée comme l’obscurité de la superstition, en opposition avec la lumière de la raison. C’est ainsi qu’entre l’Église et la culture d’inspiration chrétienne d’une part, et la culture moderne empreinte d’illuminisme de l’autre, la communication est devenue impossible. Le temps est désormais venu, et Vatican II en a justement inauguré la saison, d’un dialogue ouvert et sans préjugés qui ouvre de nouveau la porte à une rencontre sérieuse et profonde.
La seconde circonstance, pour celui qui cherche à être fidèle au don qui consiste à suivre Jésus dans la lumière de la foi, découle du fait que ce dialogue n’est pas un accessoire secondaire de l’existence du croyant : il en est au contraire une expression intime et indispensable. Permettez-moi de vous citer à ce sujet une affirmation, à mon avis très importante, de l’encyclique : puisque la vérité dont témoigne la foi est celle de l’amour, « il résulte alors clairement que la foi n’est pas intransigeante, mais elle grandit dans une cohabitation qui respecte l’autre. Le croyant n’est pas arrogant ; au contraire, la vérité le rend humble, sachant que ce n’est pas lui qui la possède, mais c’est elle qui l’embrasse et le possède. Loin de le raidir, la sécurité de la foi le met en route, et rend possible le témoignage et le dialogue avec tous » (n.34). Tel est l’esprit qui anime les paroles que je vous écris.
Un sens nouveau
La foi, pour moi, est née de la rencontre avec Jésus. Une rencontre personnelle, qui a touché mon cœur et a donné une direction et un sens nouveau à mon existence. Mais en même temps, une rencontre qui a été rendu possible par la communauté de foi dans laquelle j’ai vécu et grâce à laquelle j’ai trouvé l’accès à l’intelligence de l’Écriture sainte, à la vie nouvelle qui, comme une eau jaillissante, vient de Jésus à travers les sacrements, à la fraternité avec tous et au service des pauvres, vraie image du Seigneur. Sans l’Église, croyez-moi, je n’aurais pas pu rencontrer Jésus, tout en ayant conscience que ce don immense qu’est la foi est gardé dans les fragiles vases d’argile de notre humanité. Maintenant, c’est précisément à partir de là, de cette expérience personnelle de foi vécue dans l’Église, que je me trouve à mon aise pour écouter vos questions et pour chercher, avec vous, les routes sur lesquelles nous pouvons peut-être commencer à faire un bout de chemin ensemble.
Pardonnez-moi si je ne suis pas pas-à-pas les arguments que vous proposez dans votre éditorial du 7 juillet. Il me semble plus fructueux – ou du moins il m’est plus naturel – d’aller d’une certaine manière au cœur de vos considérations. Je n’entre pas non plus dans la modalité selon laquelle l’encyclique expose son objet, et où vous avez noté l’absence d’une section consacrée spécifiquement à l’expérience historique de Jésus de Nazareth.
J’observe seulement, pour commencer, qu’une analyse de ce genre n’est pas secondaire. Il s’agit en fait, si l’on suit du reste la logique qui guide l’articulation de l’encyclique, d’attirer l’attention sur la signification de ce que Jésus a dit et a fait et ainsi, en définitive, sur ce que Jésus a été et est pour nous. Les Lettres de Paul et l’Évangile de Jean, auxquels il est fait particulièrement référence dans l’encyclique, sont construits, en effet, sur le fondement solide du ministère messianique de Jésus de Nazareth, qui atteint son sommet décisif dans la pâque de sa mort et de sa résurrection.
L'histoire de Jésus
Je dirais donc qu’il faut se confronter à Jésus dans le concret et dans l’aspérité de son histoire, telle qu’elle nous est racontée surtout par le plus ancien des Évangiles, celui de Marc. On constate alors que le « scandale » que provoquent autour de lui la parole et la pratique de Jésus viennent de son extraordinaire « autorité », mot attesté dès l’Évangile de Marc, mais qu’il n’est pas facile de bien rendre en italien. Le mot grec est « exousia » qui, à la lettre, renvoie à ce qui « provient de l’être » que l’on est. Il ne s’agit donc pas de quelque chose d’extérieur ou de forcé, mais de quelque chose qui émane de l’intérieur et qui s’impose de soi. Jésus, en effet, touche, déconcerte, innove, à partir – il le dit lui-même – de sa relation à Dieu, qu’il appelle familièrement Abba, et qui lui donne cette « autorité » pour qu’il s’en serve en faveur des hommes. Ainsi Jésus prêche « comme quelqu’un qui a autorité », il appelle les disciples à le suivre, il pardonne… tous ces actes qui, dans l’Ancien Testament, relèvent de Dieu et seulement de Dieu.
La question qui revient plusieurs fois dans l’Évangile de Marc : « Qui est-il celui-là… » et qui concerne l’identité de Jésus, naît de la constatation d’une autorité différente de celle du monde, une autorité qui ne cherche pas à exercer un pouvoir sur les autres, mais à les servir, à leur donner une liberté et une plénitude de vie. Et ceci jusqu’à mettre en jeu sa propre vie, jusqu’à expérimenter l’incompréhension, la trahison, le refus, jusqu’à être condamné à mort, jusqu’à sombrer dans l’état d’abandon sur la croix. Mais Jésus est resté fidèle à Dieu jusqu’au bout. Et c’est précisément à ce moment, comme l’a exprimé le centurion romain au pied de la croix, dans l’Évangile de Marc, que Jésus se montre, paradoxalement, comme le Fils de Dieu ! Fils d’un Dieu qui est amour et qui veut, de tout son être, que l’homme, tout homme, découvre lui aussi qu’il est vraiment son enfant et qu’il le vive. Pour la foi chrétienne, ceci est certifié par le fait que Jésus est ressuscité : non pas pour triompher de ceux qui l’ont refusé, mais pour attester que l’amour de Dieu est plus fort que la mort, que le pardon de Dieu est plus fort que tout péché, et qu’il vaut la peine de dépenser sa vie, jusqu’au bout, pour témoigner de ce don immense.
Ouvrir à tous la voie de l’amour
La foi chrétienne croit cela : elle croit que Jésus est le Fils de Dieu venu donner sa vie pour ouvrir à tous la voie de l’amour. Vous avez donc raison, cher Docteur Scalfari, lorsque vous voyez dans l’incarnation du Fils de Dieu le pivot de la foi chrétienne. Tertullien, autrefois, écrivait « caro cardo salutis », la chair (du Christ) est le pivot du salut. Parce que l’incarnation, c’est-à-dire le fait que le Fils de Dieu soit venu dans notre chair et qu’il ait partagé les joies et les douleurs, les victoires et les échecs de notre existence, jusqu’au cri de la croix, en vivant tout dans l’amour et dans la fidélité à Abba, témoigne de l’incroyable amour que Dieu a pour tout homme, la valeur inestimable qu’il lui reconnaît. C’est pour cela que chacun de nous est appelé à faire siens le regard et le choix d’amour de Jésus, à entrer dans sa manière d’être, de penser et d’agir. C’est cela la foi, avec toutes les expressions qui sont décrites avec précision dans l’encyclique.
Dans l’éditorial du 7 juillet encore, vous me demandez aussi comment comprendre l’originalité de la foi chrétienne qui est centrée sur l’incarnation du Fils de Dieu, en comparaison avec d’autres fois qui, elles, gravitent autour de la transcendance absolue de Dieu. Je dirais que son originalité se trouve précisément dans le fait que la foi nous fait participer, en Jésus, à la relation qu’il a avec Dieu qui est Abba et, dans cette lumière, à la relation qu’il a avec tous les autres hommes, y compris ses ennemis, sous le signe de l’amour. En d’autres termes, la filiation de Jésus, comme nous la présente la foi chrétienne, n’est pas révélée pour marquer une séparation insurmontable entre Jésus et tous les autres, mais pour nous dire que, en lui, nous sommes tous appelés à être enfants de l’unique Père et frères entre nous.
Pour la communication et non pour l’exclusion
La singularité de Jésus est pour la communication et non pour l’exclusion. Certes, il en résulte aussi – et ce n’est pas sans importance – cette distinction entre la sphère religieuse et la sphère politique qui est ratifiée par le fait de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César », nettement affirmé par Jésus et sur lequel l’histoire de l’Occident s’est péniblement construite. L’Église, en effet, est appelée à semer le levain et le sel de l’Évangile, c’est-à-dire l’amour et la miséricorde de Dieu qui rejoignent tous les hommes, indiquant ainsi le but définitif de notre destinée dans l’au-delà, tandis qu’à la société civile et politique revient la tâche ardue d’articuler et d’incarner dans la justice et dans la solidarité, dans le droit et dans la paix, une vie toujours plus humaine. Pour celui qui vit la foi chrétienne, cela ne signifie pas la fuite du monde ou la recherche d’une quelconque hégémonie, mais le service de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes, à partir des périphéries de l’histoire et en gardant éveillé le sens de l’espérance qui pousse à faire le bien malgré tout et en regardant toujours au-delà.
La peuple juif
Vous me demandez aussi, dans la conclusion de votre premier article, quoi dire à nos frères juifs au sujet de la promesse que Dieu leur a faite : a-t-elle totalement échoué ? Cette question, croyez-moi, nous interpelle radicalement comme chrétiens, parce que, avec l’aide de Dieu, surtout à partir du concile Vatican II, nous avons redécouvert que le peuple juif est toujours, pour nous, la racine sainte d’où a germé Jésus. Moi aussi, dans l’amitié que j’ai cultivée tout au long de ces années avec mes frères juifs, en Argentine, j’ai souvent interrogé Dieu dans ma prière, en particulier lorsque mon esprit me rappelait la terrible expérience de la Shoah. Ce que je peux dire, avec l’apôtre Paul, c’est que jamais la fidélité de Dieu à l’alliance nouée avec Israël n’a faibli et que, à travers les terribles épreuves de ces derniers siècles, les juifs ont conservé leur foi en Dieu. Et nous, l’Église, mais aussi l’humanité, nous ne leur en seront jamais suffisamment reconnaissants. De plus, précisément en persévérant dans leur foi dans le Dieu de l’alliance, ils nous rappellent à tous, y compris à nous chrétiens, que nous sommes toujours dans l’attente, comme des pèlerins, du retour du Seigneur et que nous devons tous toujours être ouverts à lui et ne jamais nous retrancher derrière ce que nous avons déjà atteint.
Ecouter sa conscience
J’en viens aux trois questions que vous me posez dans l’article du 7 août. Il me semble, pour les deux premières, que ce qui vous tient à cœur est de comprendre l’attitude de l’Église envers ceux qui ne partagent pas la foi en Jésus. Avant tout, vous me demandez si le Dieu des chrétiens pardonne à ceux qui ne croient pas et qui ne cherchent pas la foi. Étant donné – et c’est le point fondamental – que la miséricorde de Dieu n’a pas de limites si l’on s’adresse à lui avec un cœur sincère et contrit, la question, pour celui qui ne croit pas en Dieu, est dans l’obéissance à sa propre conscience. Le péché, même pour celui qui n’a pas la foi, consiste à aller contre sa conscience. Écouter sa conscience et lui obéir signifie, en effet, se décider face à ce que l’on perçoit comme le bien ou le mal. Et c’est sur cette décision que se joue la nature bonne ou mauvaise de nos actes.
La vérité, ni variable ni subjective
En second lieu, vous me demandez si c’est une erreur ou un péché de penser qu’il n’existe aucun absolu et donc aucune vérité absolue non plus, mais seulement une série de vérités relatives et subjectives. Pour commencer, je ne parlerais pas de vérité « absolue », pas même pour le croyant, au sens où l’absolu est ce qui est détaché, ce qui est privé de toute relation. Or la vérité, selon la foi chrétienne, est l’amour de Dieu pour nous en Jésus-Christ. Donc la vérité est une relation ! C’est tellement vrai que chacun de nous saisit la vérité et l’exprime à partir de lui-même : de son histoire et de sa culture, de la situation dans laquelle on vit, etc. Cela ne signifie pas que la vérité soit variable et subjective, bien au contraire. Mais cela signifie qu’elle se donne à nous toujours et uniquement comme un chemin et une vie. Jésus lui-même n’a-t-il pas dit : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ? En d’autres termes, la vérité étant en définitive une seule chose avec l’amour, elle demande humilité et ouverture pour être cherchée, accueillie et exprimée. Il faut donc bien s’entendre sur les termes et peut-être, pour sortir d’une opposition… absolue, reposer la question en profondeur. Je pense que ceci est absolument nécessaire aujourd’hui pour engager ce dialogue serein et constructif que j’ai souhaité au début de ma lettre.
Dieu n'est pas une "idée"
Vous me demandez enfin si, avec la disparition de l’homme sur la terre, la pensée capable de penser Dieu disparaîtra aussi. Certes, la grandeur de l’homme réside dans sa capacité à penser Dieu. Et donc, dans sa capacité à vivre une relation consciente et responsable avec lui. Mais cette relation est entre deux réalités. Dieu – c’est ce que je pense et c’est mon expérience mais combien, hier et aujourd’hui, partagent ce point de vue ! – n’est pas une idée, même très élevée, fruit de la pensée de l’homme. Dieu est une Réalité avec un « R » majuscule. Jésus nous le révèle comme un Père d’une bonté et d’une miséricorde infinies, et c’est cette relation qu’il vit avec lui. Dieu ne dépend donc pas de notre pensée. Du reste, même si la vie de l’homme sur la terre prenait fin – et, pour la foi chrétienne en tout cas, ce monde tel que nous le connaissons est destiné à disparaître – l’homme n’arrêtera pas d’exister ni même, d’une manière que nous ignorons, l’univers créé avec lui. L’Écriture parle de « cieux nouveaux et terre nouvelle » et affirme que, à la fin, dans un « où » et un « quand » qui sont au-delà de nous, mais vers lesquels, dans la foi, nous tendons dans le désir et dans l’attente, Dieu sera « tout en tous ».
Une tentative de réponse sincère et confiante
Cher Docteur Scalfari, je conclus ici ces quelques réflexions, suscitées par ce que vous avez bien voulu me communiquer et me demander. Accueillez-les comme la tentative d’une réponse provisoire, mais sincère et confiante, à la proposition que je vous adressée de faire un bout de chemin ensemble. L’Église, croyez-moi, malgré toutes ses lenteurs, ses infidélités, les erreurs et les péchés qu’elle a pu commettre et qu’elle peut encore commettre à travers ceux qui la composent, n’a pas d’autre sens ni d’autre but que de vivre de Jésus et de témoigner de lui, lui qui a été envoyé par Abba « pour porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18-19).
SourceAvec mes sentiments de proximité fraternelle, François Traduction de Zenit, Hélène Ginabat | |
|