Lors de l’homélie de la messe matinale à la Maison Sainte-Marthe, ce mardi 20 mars 2018, François a exhorté à regarder le crucifix, spécialement dans les moments difficiles de la vie, et à ne pas s’envenimer l’âme en parlant mal de Dieu.
Regarder le crucifix dans les moments difficiles, quand on a le cœur déprimé et que l’on se fatigue du voyage de la vie : c’est l’invitation que le Pape a adressé ce matin dans l’homélie de la messe à Sainte-Marthe. François a basé sa réflexion sur la Première Lecture du jour, tirée du livre des Nombres, dans laquelle est rappelée la désolation vécue par le peuple d’Israël dans le désert, et l’épisode des serpents. Le peuple avait eu faim et Dieu avait répondu avec la manne, il avait eu soif et Dieu lui avait donné l’eau. Ensuite, à l’approche de la terre promise, certains d’entre eux avaient manifesté du scepticisme parce que les explorateurs envoyés par Moïse avaient dit qu’elle était riche de fruit et d’animaux, mais habitée par un peuple grand et fier, bien armée : ils avaient peur d’être tués. Et donc, ils exprimaient les raisons du péril d’y aller. «Ils regardaient leur propre force et ils avaient oublié la force du Seigneur qui les avait libérés de l’esclavage depuis 400 ans», a noté le Pape.
La mémoire malade : quand on regrette l’esclavage
En substance, «le peuple n’a pas supporté le voyage», comme quand les personnes initient «une voie pour suivre le Seigneur, pour être proche du Seigneur», mais qu’à un certain point les épreuves les découragent. Ce moment de la vie quand on dit «Assez !, je m’arrête et je retourne en arrière.» Et l’on pense avec regret au passé : «Combien de viande, combien d’oignons, combien de belles choses nous mangions là !» Mais le Pape invite à regarder la partialité de cette «mémoire malade», de cette nostalgie déformée, parce qu'il s'agissait en réalité de la table de l’esclavage, quand ils étaient justement esclaves en Égypte.
«Ce sont les illusions que porte le diable : il te fait voir la beauté d’une chose que tu as laissé, de laquelle tu t’es converti dans le moment de la désolation du chemin, quand tu n’es pas encore arrivé à la promesse du Seigneur. C’est un peu le chemin du Carême, nous pouvons penser comme cela, ou concevoir la vie comme un Carême : il a toujours les épreuves et les consolations du Seigneur, il y a la manne, il y a l’eau, il y les oiseaux qui nous donnent à manger… "Mais ce plat était meilleur!" Mais n’oublie pas que tu le mangeais à la table de l’esclavage !»
Médire de Dieu, c’est s’envenimer l’âme
Cette expérience, a souligné le Pape, nous arrive à tous quand nous voulons suivre le Seigneur mais que nous nous fatiguons. Mais le pire, c’est quand le peuple en vient à médire de Dieu et à «s’envenimer l’âme». Certains, en se disant que Dieu ne les aide pas et qu’il y a beaucoup d’épreuves, ont «le cœur déprimé, envenimé». Et les serpents, qui mordent le peuple comme le raconte la Première Lecture d’aujourd’hui, sont justement «le symbole de l’empoisonnement», du manque de constance sur le chemin du Seigneur.
Regarder le crucifix et la gloire du Christ
Moïse, alors, sur l’invitation du Seigneur, fait un serpent de bronze et le met sur un bâton. Ce serpent, qui guérissait tous ceux qui étaient attaqués par les serpents pour avoir médit de Dieu, «était prophétique : c’était la figure du Christ sur la croix».
«C’est ici la clé de notre salut, la clé de notre patience dans le chemin de la vie, la clé pour surmonter nos déserts : regarder le crucifix. Regarder le Christ crucifié. « Et qu’est-ce que je dois faire, mon Père ? » “regarde-le. Regarde les plaies. Entre dans les plaies”. Par ces plaies, nous sommes tous guéris. Tu te sens empoisonné, tu te sens triste, tu sens que ta vie ne va pas, qu’elle est pleine de difficultés et aussi de maladie? Regarde là.»
François a donc invité, dans ces moments, à regarder «le crucifix brut, c’est-à-dire le vrai», parce que «les artistes ont fait de beaux crucifix artistiques», certains en or, en pierres précieuses, ce qui d’ailleurs «n’est pas toujours de la mondanité» parce que cela veut signifier «la gloire de la croix, la gloire de la Résurrection». «Mais quand tu te sens comme cela, regarder ceci, avant la gloire», a encore souligné le Pape.
François a évoqué ses souvenirs d’enfance, quand il suivait le chemin de Croix du Vendredi Saint avec sa grand-mère. Quand le Christ arrivait, sa grand-mère lui disait : «Regarde-le bien ! Mais demain il ressuscitera !». À cette époque en effet, avant la réforme liturgique de Pie XII, la Résurrection se célébrait le samedi matin, et non pas le dimanche. Et donc, la grand-mère, quand on entendait les cloches de la Résurrection, faisait laver les yeux avec de l’eau, pour voir la gloire du Christ.
«Apprenez à vos enfants à regarder le crucifix et la gloire du Christ, a insisté le Pape en conclusion. Mais nous, dans les mauvais moments, dans les moments difficiles, un peu envenimés d’avoir exprimé dans notre cœur quelque désillusion contre Dieu, regardons les plaies. Le Christ élevé comme le serpent : parce que lui, il s’est fait serpent, il s’est annihilé pour vaincre le serpent malin. Que la Parole de Dieu aujourd’hui nous enseigne ce chemin : regarder le crucifix. Surtout dans le moment dans lequel, comme le peuple de Dieu, nous nous fatiguons du voyage de la vie.»