« Le chrétien, de par sa vocation, est frère de tout homme, surtout s’il est pauvre, et même s’il est ennemi », a déclaré le pape François en visite à Santa Maria in Trastevere, au centre de Rome, ce dimanche 11 mars 2018, pour les 50 ans de la Communauté de Sant’Egidio. « Les pauvres sont votre trésor ! » a-t-il aussi lancé en encourageant à « ne pas avoir peur même devant la force du mal ».
La communauté catholique, née à Rome en 1968 sous l’impulsion d’Andrea Riccardi, s’est consacrée à l’aide aux plus pauvres, mais aussi au dialogue interreligieux, au travail pour la paix, et au service des réfugiés.
Le pape a été accueilli aux alentours de 16h30, sous la pluie, par le président de Sant’Egidio Marco Impagliazzo. Improvisant quelques paroles dehors, sous un abri dressé pour l’occasion, il a remercié les membres de la communauté qui se pressaient sous leurs parapluies, pour leur « générosité ». Il a invité à avoir « le cœur ouvert à tous, sans distinctions ».
En entrant dans la basilique Santa Maria in Trastevere, le pape a béni et échangé avec des personnes malades ou handicapées. La célébration s’est ouverte par une procession de jeunes entourant l’Evangéliaire avec des palmes, puis a suivi la lecture de l’Evangile du Bon Samaritain et de Marthe et Marie (Lc.10, 25-42).
Ne pas avoir peur même devant la force du mal
« Le monde aujourd’hui est souvent habité par la peur… ou la colère, qui est sa sœur », a constaté le pape dans son discours : « Et les peurs se concentrent souvent sur celui qui est étranger, différent de nous, pauvre, comme s’il était un ennemi… Alors on se défend contre ces personnes, en croyant préserver ce que nous avons ou ce que nous sommes. »
« L’avenir du monde semble incertain, a-t-il ajouté. Regardez le nombre de guerres ouvertes ! … Pensons aux souffrances du peuple syrien, le peuple syrien bien-aimé et martyrisé … Comment est-il possible qu’après les tragédies du XXe siècle, l’on puisse encore retomber dans la même logique absurde ? »
Pour « ne pas avoir peur même devant la force du mal », pour se protéger « de l’idéologie » et se libérer « de l’intimidation de la peur », le pape François a exhorté « à aimer et à fréquenter toujours plus la Bible ».
“Qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ?”
Dans ce monde devenu “global”, le pape a estimé qu’ « il reste encore à construire une globalisation de la solidarité ». « L’avenir du monde global est le vivre ensemble, a-t-il souligné : cet idéal demande l’engagement de construire des ponts, de garder le dialogue ouvert, de continuer à se rencontrer. »
« Le chrétien, de par sa vocation, est frère de tout homme, surtout s’il est pauvre, et même s’il est ennemi », a-t-il insisté : « Ne dites jamais : “Qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ?”… Belle parole pour s’en laver les mains. »
Le pape a alors encouragé « à l’audace créative de l’amour » : « L’audace n’est pas le courage d’un jour, mais la patience d’une mission quotidienne dans la ville et dans le monde. C’est la mission de retisser patiemment le tissu humain des périphéries, que la violence et l’appauvrissement ont déchiré ; de communiquer l’Evangile à travers l’amitié personnelle ; de montrer comment une vie devient vraiment humaine quand elle est vécue à côté des plus pauvres ; de créer une société où personne ne soit plus étranger. »
Et le pape d’encourager la communauté de Sant’Egidio : « Continuez à rester au côté des enfants des périphéries … continuez à rester au côté des plus âgés : parfois ils sont écartés, mais pour vous ce sont des amis. Continuez à ouvrir de nouveaux couloirs humanitaires pour les réfugiés de la guerre et de la faim. Les pauvres sont votre trésor ! »
Les témoignages de Sant’Egidio
Au cours de la rencontre, diverses personnes ont témoigné devant le pape : Giovanna, 80 ans, a parlé de la vision de la vieillesse aujourd’hui, considérée « comme une maladie à tenir éloignée le plus longtemps possible ». Mais « nous les personnes âgées, avons encore des jambes capables d’aller vers les autres, des bras qui peuvent soutenir, des paroles qui peuvent consoler, et surtout beaucoup d’affection qui peut redonner chaleur et joie aux jeunes ».
Jafar, 15 ans, palestinien syrien de Damas, a confié son souvenir de la guerre, où sa mère a perdu la vue à cause d’éclats provoqués par une bombe : « Je suis les yeux de ma mère aujourd’hui », a-t-il dit. Laura, 23 ans, représentant le mouvement Jeunes pour la Paix de Sant’Egidio, a affirmé que « la peur n’est pas aussi grande … qu’on voudrait nous le faire croire… et nous ne sommes pas si petits que nous croyons ». Le problème n’est pas de se défendre contre les autres mais de défendre les pauvres, et cela n’est pas réservé « aux spécialistes », a-t-elle ajouté.
Mauro Garofalo, responsable des relations internationales de Sant’Egidio, a lancé un appel à « convaincre ce monde que la paix ne peut pas naître avec les armes – comme on nous le dit hypocritement et cyniquement – mais sans armes. Les armes sont diaboliques ». Andrea Riccardi, fondateur de la communauté, a quant à lui dénoncé « la logique de penser à soi : de mon égocentrisme personnel à l’égoïsme national… On se sent victime et on a peur»