Le pape a rencontré les évêques du Chili dans la sacristie de la cathédrale de Santiago ce mardi 16 novembre 2018, après sa rencontre avec le clergé et les consacrés dans la cathédrale.
Allocution du pape François :
Chers frères,
Je remercie le Président de la Conférence épiscopale pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom à tous.
En premier lieu je voudrais saluer Mgr Bernardino Piñera Carvallo, qui fêtera cette année 60 ans d’épiscopat (il est l’évêque le plus ancien du monde, tant en âge qu’en années d’épiscopat), et qui a vécu les quatre sessions du Concile Vatican II. Une mémoire vivante précieuse.
Il y aura bientôt un an que vous avez fait votre visite ad limina; maintenant, c’est mon tour de venir vous rendre visite et je me réjouis que cette rencontre ait lieu après celle avec le “monde consacré”. Puisque l’une de nos tâches principales consiste précisément à être proche de nos consacrés, de nos prêtres. Si le pasteur est porté disparu, les brebis aussi se disperseront et seront à la merci de n’importe quel loup. Frères, la paternité de l’évêque avec son clergé ! Une paternité qui n’est pas un paternalisme ni un abus d’autorité. Elle est un don à demander. Soyez proches de vos prêtres à la manière de Saint Joseph. Une paternité qui aide à grandir et à développer les charismes que l’Esprit a voulu répandre en chacun de vos prêtres.
Je sais que nous étions d’accord de ne pas prendre beaucoup de temps, parce que déjà lors des entretiens des deux longues sessions de la visite ad limina nous avons abordé de nombreux thèmes. C’est pourquoi dans cette « salutation » j’aimerais reprendre quelques points de la rencontre que nous avons eue à Rome et que je peux résumer par la phrase suivante : la conscience d’être un peuple, d’être le Peuple de Dieu.
L’un des problèmes que nos sociétés affrontent aujourd’hui, c’est le sentiment d’être orphelin, c’est-à-dire de n’appartenir à personne. Ce sentiment “postmoderne” peut nous gagner et gagner nos prêtres. Alors, nous commençons par croire que nous n’appartenons à personne, nous oublions que nous faisons partie du saint peuple fidèle de Dieu et que l’Eglise n’est
pas et ne sera jamais une élite de personnes consacrées, prêtres ou évêques. Nous ne pourrons vivre notre vie, notre vocation ou notre ministère sans cette conscience d’être un peuple. Oublier cela – comme je l’ai exprimé lors d’une réunion de la Commission pour l’Amérique Latine – «comporte plusieurs risques et/ou déformations dans notre expérience, à la fois personnelle et communautaire, du ministère que l’Eglise nous a confié » (Lettre au Cardinal Marc Ouellet, Président de la Commission Pontificale pour l’Amérique Latine (21 mars 2016). Le manque de conscience d’appartenir au peuple de Dieu comme serviteurs, et non pas comme maîtres, peut nous conduire à l’une des tentations qui porte le plus de préjudice au dynamisme missionnaire que nous sommes appelés à impulser: le cléricalisme qui est une caricature de la vocation reçue.
Le manque de conscience quant au fait que la mission revient à toute l’Eglise et non [uniquement] au prêtre ou à l’évêque, restreint l’horizon et, ce qui est pire, entrave toutes les initiatives que l’Esprit peut insuffler parmi nous. Disons-le clairement, les laïcs ne sont pas nos ouvriers, ni nos employés. Ils ne doivent pas répéter comme des ‘‘perroquets’’ ce que nous leur disons. « Le cléricalisme, loin de donner une impulsion aux différentes contributions et propositions, éteint peu à peu, dans le coeur de vos peuples, le feu prophétique dont l’Eglise tout entière est appelée à témoigner. Le cléricalisme oublie que la visibilité et la sacramentalité de l’Eglise appartiennent à tout le peuple de Dieu (cf. Lumen gentium, n. 9-14), et pas seulement à quelques personnes élues et éclairées » (Ibid.).
Soyons vigilants, s’il vous plaît, contre cette tentation, surtout dans les séminaires et dans tout le processus de formation. Les séminaires doivent tout mettre en oeuvre pour que les futurs prêtres soient capables de servir le saint peuple fidèle de Dieu, en reconnaissant la diversité des cultures et en renonçant à la tentation de toute forme de cléricalisme. Le Prêtre est ministre de Jésus-Christ : le protagoniste qui se rend présent dans tout le peuple de Dieu. Les prêtres de demain doivent se former en regardant demain : leur ministère se déroulera dans un monde sécularisé et donc, exige de nous, pasteurs, de discerner comment les préparer à exercer leur mission dans cet environnement concret et non dans nos “mondes ou situations idéalisés”. Une mission qui s’accomplit en union fraternelle avec tout le peuple de Dieu. Main dans la main, en impulsant et en stimulant le laïcat dans un climat de discernement et de synodalité, deux caractéristiques essentielles du prêtre de demain. Non au cléricalisme et aux mondes idéalisés qui ne rentrent que dans nos schémas mais qui ne touchent la vie de personne.
Et ici, demander, demander à l’Esprit Saint le don de rêver: s’il vous plaît, ne cessez pas de rêver, de rêver et de travailler pour une option missionnaire et prophétique qui soit capable de tout transformer, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toutes les structures ecclésiales deviennent un canal adéquat pour l’évangélisation du Chili plus que pour une auto-préservation ecclésiastique. N’ayons pas peur de nous défaire de ce qui nous éloigne du mandat missionnaire (cf. Exhort. ap. Evangelii gaudium, n. 27).
Frères, voilà ce que je voulais vous dire comme résumé des choses principales dont nous avons parlé au cours des visites ad limina. Confions-nous à la protection maternelle de Marie, Mère du Chili. Prions ensemble pour nos prêtres, pour nos consacrés; prions pour le saint peuple fidèle de Dieu, dont nous faisons partie. Merci!