Saluant « l’esprit d’aventure » des jeunes, le pape François les a encouragés à « voyager dans la vie, non vagabonder sans but », au dernier jour de son voyage au Bangladesh, ce 2 décembre 2017.
Discours du pape François :
Chers jeunes, chers amis, bonsoir !
Je vous remercie tous de votre accueil chaleureux. Je remercie Monseigneur Gervas [Rozario] pour ses bonnes paroles, Upasana et Anthony pour leurs témoignages. Il y a quelque chose d’unique dans les jeunes: vous êtes toujours pleins d’enthousiasme, toujours. Et c’est beau. Et je me sens rajeunir chaque fois que je vous rencontre. Upasana, tu as parlé de cela dans ton témoignage, tu as dit être vraiment “très enthousiaste” et je peux le voir et le sentir.
Cet enthousiasme de la jeunesse s’associe à l’esprit d’aventure. Un de vos poètes nationaux, Kazil Nazrul Islam, l’a exprimé, en qualifiant la jeunesse du pays d’“impavide”, “habituée à arracher la lumière hors du ventre de l’obscurité”. Et c’est beau ! Les jeunes sont toujours prêts à avancer, à faire arriver les choses et à prendre des risques. Je vous encourage à aller de l’avant avec cet enthousiasme dans les bonnes circonstances et dans les mauvaises. Aller de l’avant, spécialement en ces moments où vous vous sentez accablés par les problèmes et par la tristesse et, regardant au dehors, il semble que Dieu n’apparaisse pas à l’horizon.
Mais en allant de l’avant, assurez-vous de choisir le juste chemin. Qu’est-ce-que cela veut dire ? Cela veut dire savoir voyager dans la vie, non vagabonder sans but. Je vous poise une question : Vous voyagez ou bien vous vagabondez ? Notre vie n’est pas sans direction; elle a un but, que Dieu nous a donné. Il nous guide, en nous orientant avec sa grâce. C’est comme s’il avait positionné en nous un software, qui nous aide à discerner son programme divin et à lui répondre avec liberté. Mais, comme tout software, il doit aussi être constamment mis à jour. Tenez votre programme à jour, en écoutant le Seigneur et en acceptant le défi de faire sa volonté. C’est un peu triste lorsque le software n’est pas à jour ; et c’est encore plus triste quand il est en panne et ne sert pas.
Anthony, tu as fait référence à ce défi dans ton témoignage lorsque tu as dit que vous êtes des hommes et des femmes qui « grandissent dans un monde fragile qui réclame de la sagesse ». Tu as utilisé la parole sagesse, et en le faisant, tu nous as fourni la clé. Quand on passe du voyage au vagabondage sans but, toute la sagesse est perdue ! La seule chose qui nous oriente et nous fait avancer sur le juste chemin est la sagesse, la sagesse qui naît de la foi. Ce n’est pas la fausse sagesse de ce monde. C’est la sagesse qu’on entrevoit dans les yeux des parents et des grands-parents, qui ont mis leur confiance en Dieu. Comme chrétiens, nous pouvons voir dans leurs yeux la lumière de la présence de Dieu, la lumière qu’ils ont découverte en Jésus, qui est la sagesse-même de Dieu (cf. 1 Co 1, 24). Pour recevoir cette sagesse, nous devons regarder le monde, nos situations, nos problèmes, tout, avec les yeux de Dieu. Nous recevons cette sagesse lorsque nous commençons à voir les choses avec les yeux de Dieu, à écouter les autres avec les oreilles de Dieu, à aimer avec le cœur de Dieu et à évaluer les choses avec les valeurs de Dieu.
Cette sagesse nous aide à reconnaître et à rejeter les fausses promesses de bonheur. Une culture qui fait des fausses promesses ne peut pas libérer, elle porte seulement à un égoïsme qui remplit le cœur d’obscurité et d’amertume. La sagesse de Dieu, au contraire, nous aide à savoir comment accueillir et accepter ceux qui agissent et pensent différemment de nous. C’est triste quand nous commençons à nous renfermer dans notre petit monde et que nous nous replions sur nous-mêmes. Alors nous faisons nôtre le principe du “comme je dis, moi, ou au revoir”. Et c’est un mauvais principe : « Ou bien on fait comme je dis moi ou bien salut, au-revoir ». Cela n’aide pas. Et quand nous utilisons ce principe nous restons piégés, fermés sur nous-mêmes. Quand un peuple, une religion ou une société deviennent un “petit monde”, ils perdent le meilleur de ce qu’ils ont et ils se précipitent dans une mentalité présomptueuse, celle du “je suis bon, tu es mauvais”. Toi, Upasana, tu as mis en évidence les conséquences de cette manière de penser, quand tu as dit: «nous perdons la direction et nous nous perdons nous-mêmes» et «la vie devient insensée pour nous». Tu as bien parlé ! La sagesse de Dieu nous ouvre aux autres. Elle nous aide à regarder au-delà de nos commodités personnelles et des fausses sécurités qui nous font devenir aveugles devant les grands idéaux qui rendent la vie plus belle et digne d’être vécue.
Je suis content qu’avec les catholiques, il y ait avec nous beaucoup de jeunes amis musulmans et d’autres religions. En vous trouvant ensemble ici aujourd’hui, vous montrez votre détermination à promouvoir un climat d’harmonie, où on se tend la main les uns aux autres, en dépit de vos différences religieuses. Cela me rappelle une expérience que j’ai eue à Buenos Aires, dans une nouvelle paroisse située dans un quartier extrêmement pauvre. Un groupe d’étudiants était en train de construire des locaux pour la paroisse et le prêtre m’avait invité à aller les trouver. Ainsi j’y suis allé, et quand je suis arrivé dans la paroisse, le prêtre me les a présentés l’un après l’autre, en disant : « Celui-ci est l’architecte, il est juif, celui-ci est communiste, celui-ci est catholique pratiquant » (Salut aux jeunes du Centre culturel P.F. Varela, La Havane, 20 septembre 2015). Ces étudiants étaient tous différents, mais ils travaillaient tous pour le bien commun. C’est important ! N’oubliez pas : différents, mais ils travaillaient pour le bien commun, en harmonie ! Vous avez compris ? C’est la belle harmonie qui se perçoit ici au Bangladesh. Ces étudiants, différents, étaient ouverts à l’amitié sociale et déterminés à dire non à tout ce qui aurait pu les détourner de la proposition de se trouver ensemble et de s’aider les uns les autres.
La sagesse de Dieu nous aide aussi à regarder au-delà de nous-mêmes pour discerner la bonté de notre patrimoine culturel. Votre culture vous enseigne à respecter les aînés. C’est très important. Comme je l’ai déjà dit, les aînés nous aident à apprécier la continuité des générations. Ils portent avec eux la mémoire et la sagesse de l’expérience, qui nous aide à éviter de répéter les erreurs du passé. Les aînés ont “le charisme de combler les distances”, en tant qu’ils assurent que les valeurs les plus importantes seront transmises aux enfants et aux petits-enfants. À travers leurs paroles, leur amour, leur affection et leur présence, nous comprenons que l’histoire n’a pas commencé avec nous, mais que nous faisons partie d’un antique “voyage” et que la réalité est plus grande que nous. Parlez avec vos parents et vos grands-parents, ne passez pas la journée tout entière avec le portable, ignorant le monde autour de vous ! Parlez avec les grands-parents, ils vous donneront la sagesse.
Upasana et Anthony, vous avez conclu vos témoignages avec des paroles d’espérance. La sagesse de Dieu renforce en nous l’espérance et elle nous aide à affronter l’avenir avec courage. Nous chrétiens, nous trouvons cette espérance dans la rencontre personnelle avec Jésus dans la prière et dans les Sacrements, et dans la rencontre concrète avec lui dans les pauvres, dans les malades, dans les personnes qui souffrent et dans celles qui sont abandonnées. En Jésus nous découvrons la solidarité de Dieu, qui marche constamment à nos côtés.
Chers jeunes, chers amis, en regardant vos visages, je suis rempli de joie et d’espérance : joie et espérance pour vous, pour votre pays, pour l’Église et pour vos communautés. Que la sagesse de Dieu puisse continuer à inspirer votre engagement à grandir dans l’amour, dans la fraternité et dans la bonté. En quittant votre pays aujourd’hui, je vous assure de ma prière pour que tous vous puissiez continuer à grandir dans l’amour de Dieu et du prochain. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
Que Dieu bénisse le Bangladesh ! [Isshór Bangladeshké ashirbád korún!]