‘Dire‘ signifie davantage ‘agir‘ que ‘parler’. Nous disons ce que Dieu veut dire au monde, en agissant dans le monde. » C’est l’exhortation du pape François aux membres de la Conférence italienne des Instituts séculiers (CIIS), dans un message publié par le Saint-Siège ce 28 octobre 2017.
Message du pape François :
Chers frères et sœurs !
A l’occasion du 70ème anniversaire de la constitution apostolique Provida Mater Ecclesiae, la Conférence italienne des Instituts séculiers, sous le patronage de la congrégation pour les instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique, vous a convoqués sur le thème « Au-delà et au milieu. Instituts séculiers : histoires de passion et prophétie pour Dieu et pour le monde ». Je vous fais à tous mes plus cordiales salutations, et vous souhaite un fructueux congrès.
Ce document du pape Pie XII fut pour ainsi dire un texte révolutionnaire : il décrit en effet une nouvelle forme de consécration : celle de fidèles laïcs et de prêtres diocésains appelés à appliquer les conseils évangéliques au sécularisme dans lequel ils sont plongés en vertu de leur condition existentielle ou de leur ministère pastoral. La nouveauté et la fécondité des Instituts séculiers reposent donc sur une conjugaison entre la consécration et le sécularisme, en pratiquant un apostolat de témoignage, d’évangélisation – spécialement pour les prêtres – et d’engagement chrétien dans la vie sociale – spécialement pour les laïcs, auquel il nous faut ajouter la fraternité qui, sans être déterminée par une communauté de vie, représente toutefois une vraie communion.
Dans le sillon tracé par Provida Mater, vous êtes appelés aujourd’hui à être d’humbles porteurs, des porteurs passionnés, en Jésus Christ et dans son Esprit, du sens du monde et de l’histoire. Votre passion naît de l’étonnement toujours nouveau que suscite en vous le Seigneur Jésus, que suscite sa manière unique de vivre et d’aimer, de rencontrer les personnes, de guérir la vie, de consoler. Votre présence « à l’intérieur » du monde n’est donc pas seulement une condition sociologique mais une réalité théologique qui vous permet d’être attentifs, de voir, d’écouter, de compatir, de « vous réjouir avec… », de comprendre les nécessités.
Cela veut dire être des présences prophétiques de manière très concrète. Cela signifie apporter dans le monde, dans les situations que nous vivons, la parole que nous écoutons de Dieu. Voilà ce qui caractérise la laïcité au sens propre du terme : savoir dire cette parole que Dieu tient à dire sur le monde. Où « dire » signifie davantage « agir » que « parler ». Nous disons ce que Dieu veut dire au monde, en agissant dans le monde. Ceci est très important. Surtout à une époque comme la nôtre où, face aux difficultés, on peut être tentés de s’isoler dans le confort d’une petite vie sûre, de se retirer du monde. Vous aussi vous pourriez tomber dans cette tentation. Mais votre place est d’être « à l’intérieur » comme une présence qui transforme au sens évangélique du terme. Le chemin est certes difficile. Il comporte le port de la croix, mais le Seigneur veut le parcourir avec vous.
Votre vocation et mission est d’être attentifs, d’un côté, à la réalité qui vous entoure en vous demandant toujours : Que se passe-t-il ? En ne vous arrêtant pas à la surface mais en allant plus au fond ; et en même temps, au mystère de Dieu, pour le trouver là où Il est en train de se manifester. Etre attentifs au monde avec le cœur plongé en Dieu.
Je voudrais enfin vous suggérer quelques attitudes spirituelles qui peuvent vous aider sur ce chemin et que l’on peut résumer en cinq verbes : prier, discerner, partager, donner courage et être sympathique.
Prier pour être unis à Dieu, proches de son coeur. Ecouter sa voix face à tout événement de la vie, en vivant une existence lumineuse qui prend en main l’Evangile et le prend vraiment sérieusement en main. Discerner c’est savoir faire la distinction entre les choses essentielles et celles qui ne le sont pas, qui sont secondaires ; c’est affiner cette sagesse, à cultiver jour après jour, qui permet de voir quelles sont les responsabilités à assumer et les tâches prioritaires. Il s’agit d’un parcours personnel mais également communautaire, pour lequel l’effort individuel ne suffit pas. Partager le sort de chaque homme et chaque femme : même si les événements du monde sont tragiques et obscurs, je n’abandonne pas les sorts du monde, parce que je l’aime, comme et avec Jésus, jusqu’à la fin.
Donner courage : avec la grâce du Christ ne jamais perdre la confiance, qui sait voir le bien en toute chose. C’est l’invitation que nous recevons aussi à chaque célébration eucharistique : « Elever nos cœurs ». Avoir de la sympathie pour le monde et pour les personnes. Même quand on fait tout pour nous la faire perdre, être animés de cette sympathie qui nous vient de l’Esprit du Christ, qui nous rend libres et passionnés, fait que nous « sommes dedans », comme le sel et le levain.
Chers frères et sœurs, puissiez-vous entrer dans le monde comme l’âme dans le corps (cf. Lettre à Diognète, VI, 1), témoins de la Résurrection du Seigneur Jésus. C’est ce que je vous souhaite. Que ma prière et ma bénédiction vous accompagnent.
Du Vatican, 23 octobre 2017