Le pape a reçu en audience, ce mardi 9 février, à 17h30, dans la Salle royale du Palais apostolique du Vatican, 126Missionnaires de la miséricorde (en tous ils sont 1142, l’un d’eux vient de mourir), provenant de tous les continents, auxquels il confèrera, demain, 10 février, au cours de la messe du Mercredi des cendres, le « mandat » de Missionnaires de la miséricorde dans le cadre du Jubilé. Il a en quelque sorte brossé un portrait robot du confesseur idéal pour ce Jubilé.
Discours du pape François :
Chers prêtres, bonsoir !
C’est avec grand plaisir que je vous rencontre avant de vous donner le mandat d’être Missionnaires de la miséricorde. Ce signe revêt une importance particulière, parce qu’il caractérise le Jubilé et permet de vivre, dans toutes les Églises locales, le mystère insondable de la miséricorde du père.
Être Missionnaires de la miséricorde est une responsabilité qui vous est confiée, parce que cela vous demande d’être, en personne, témoins de la proximité de Dieu et de sa façon d’aimer. Non pas notre façon, toujours limitée et parfois contradictoire, mais sa façon d’aimer et de pardonner, qui est précisément la miséricorde. Je voudrais vous offrir quelques brèves réflexions, pour que le mandat que vous allez recevoir puisse être accompli de manière cohérente et comme une aide concrète pour toutes les personnes qui s’approcheront de vous.
Avant tout, je désire vous rappeler que, dans ce ministère, vous êtes appelés à exprimer la maternité de l’Église. L’Église est Mère parce qu’elle enfante toujours de nouveaux enfants à la foi ; l’Église est Mère parce qu’elle nourrit la foi ; et l’Église est Mère aussi parce qu’elle offre le pardon de Dieu, ré-enfantant à une vie nouvelle, fruit de la conversion. Nous ne pouvons pas courir le risque qu’un pénitent ne perçoive pas la présence maternelle de l’Église qui l’accueille et qui l’aime. Si cette perception diminuait à cause de notre rigidité, ce serait un grave dommage en premier lieu pour la foi elle-même, parce que cela empêcherait le pénitent de se voir inséré dans le Corps du Christ. En outre, cela limiterait beaucoup son sentiment de faire partie d’une communauté. Au contraire, nous sommes appelés à être l’expression vivante de l’Église qui, comme mère, accueille quiconque s’approche d’elle, sachant qu’à travers elle on est inséré dans le Christ. En entrant au confessionnal, souvenons-nous toujours que c’est le Christ qui accueille, le Christ qui écoute, le Christ qui pardonne et le Christ qui donne la paix. Nous, nous sommes ses ministres : et les premiers, nous avons toujours besoin d’être pardonnés par lui. C’est pourquoi, quel que soit le péché qui soit confessé – ou que la personne n’ose pas dire mais fait comprendre, c’est suffisant – , tout missionnaire est appelé à se souvenir de sa propre existence de pécheur et à se situer humblement comme « canal » de la miséricorde de Dieu.
Et je vous confie fraternellement que c’est une source, le souvenir de la confession du 21 septembre 1953, qui a orienté ma vie. Qu’est-ce que le prêtre m’a dit ? Je ne m’en souviens pas. Je me souviens seulement qu’il m’a fait un sourire, et ensuite, je ne sais pas ce qui est arrivé. Mais, recevoir comme un père.
Un autre aspect important est de savoir voir le désir de pardon présent dans le cœur du pénitent. C’est un désir qui est le fruit de la grâce et de son action dans la vie des personnes, qui permet d’éprouver la nostalgie de Dieu, de son amour et de sa maison. N’oublions pas qu’il y a précisément ce désir au début de la conversion. Le cœur s’adresse à Dieu en reconnaissant le mal commis, mais dans l’espérance d’obtenir le pardon. Ce désir se fortifie quand on décide dans son cœur de changer de vie et de vouloir ne plus pécher. C’est le moment où l’on se confie à la miséricorde de Dieu et où l’on a pleine confiance d’être compris, pardonné et soutenu. Donnons un grand espace à ce désir de Dieu et de son pardon ; faisons-le émerger comme une véritable expression de la grâce de l’Esprit qui provoque à la conversion du cœur.
Ici, je vous recommande de comprendre non seulement le langage de la parole, mais aussi celui des gestes. Si quelqu’un vient à toi, c’est parce qu’il sent qu’il doit se débarrasser de quelque chose, mais il n’arrive peut-être pas à le dire, mais toi, tu comprends, et c’est bien. Il le dit comme cela, par le geste de venir. Première condition : il s’est repenti. Deuxième condition : si quelqu’un vient à toi c’est parce qu’il voudrait bien ne pas tomber dans ces situations. Mais il n’ose pas le dire, il a peur de le dire. Et puis de ne pas le faire. S’il ne peut pas, à l’impossible nul n’est tenu. Le Seigneur comprend ces choses. Le langage des gestes. Les bras ouverts. Pour comprendre ce qu’il y à l’intérieur de ce coeur et qu’on n’arrive pas à dire, ou à dire ainsi, un peu … et la honte… Vous me comprenez. Et puis recevez tous avec le langage qu’ils peuvent parler.
Je voudrais, enfin, rappeler un élément dont on ne parle pas beaucoup, mais qui est pourtant déterminant : la honte. Ce n’est pas facile de se mettre devant un autre homme, même si l’on sait qu’il représente Dieu, et de confesser son péché. On éprouve de la honte soit pour ce que l’on a commis, soit parce qu’on doit le confesser à un autre. La honte est un sentiment intime qui a une incidence dans la vie personnelle et qui exige de la part du confesseur une attitude de respect et d’encouragement.
Si souvent, la honte te rend muet… le geste ! Le langage du geste.
Dès les premières pages, la Bible parle de la honte. Après le péché d’Adam et Ève, l’auteur sacré note aussitôt : « Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils se rendirent compte qu’ils étaient nus. Ils attachèrent les unes aux autres des feuilles de figuier, et ils s’en firent des pagnes » (Gn 3,7). La première réaction de cette honte est de se cacher devant Dieu (cf. Gn 3,8-10).
Il y a aussi un autre passage de la Genèse qui me frappe, et c’est le récit de Noé. Nous le connaissons tous, mais nous nous souvenons rarement de l’épisode où il s’est enivré. Dans la Bible, Noé est considéré comme un homme juste ; et pourtant, il n’est pas sans péché : le fait qu’il se soit enivré nous fait comprendre combien il était faible lui aussi, au point de perdre sa dignité, ce que l’Écriture exprime par l’image de la nudité. Mais deux de ses fils prennent son manteau et le couvrent pour qu’il retrouve sa dignité de père (cf. Gn 9,18-23).
Ce passage me fait dire combien notre rôle dans la confession est important. Devant nous, il y a une personne « nue », et aussi une personne qui n’ose pas parler, et ne sait pas quoi dire, avec sa faiblesse et ses limites, avec sa honte d’être un pécheur. Et si souvent sans pouvoir le dire. N’oublions pas : devant nous, il n’y a pas le péché, mais le pécheur repenti. Le pécheur qui ne voudrait pas être ainsi mais il ne peut pas…
Une personne qui ressent le désir d’être accueillie et pardonnée. Un pécheur qui promet de vouloir ne plus s’éloigner de la maison du Père et qui, avec le peu de force qu’il retrouve, veut tout faire pour vivre en enfant de Dieu. Nous ne sommes donc pas appelés à juger, avec un sentiment de supériorité, comme si nous étions exempts du péché ; au contraire, nous sommes appelés à agir comme Sem et Japhet, les fils de Noé, qui prirent une couverture pour mettre leur père à l’abri de la honte. Être confesseur selon le cœur du Christ signifie couvrir le pécheur de la couverture de la miséricorde, pour qu’il n’aie plus honte et qu’il puisse retrouver la joie de sa dignité filiale. Et qu’il puisse savoir où la retrouver.
Ce n’est donc pas avec le bâton du jugement que nous réussirons à ramener la brebis perdue dans l’enclos, mais par la sainteté de vie qui est un principe de renouvellement et de réforme dans l’Église. La sainteté se nourrit d’amour et sait prendre sur elle le poids de celui qui est plus faible. Un missionnaire de la miséricorde porte le pécheur sur ses épaules et il le console par la force de sa compassion.
Le pécheur qui va là, la personne qui vient là trouve un père. Vous avez entendu, moi aussi j’ai entendu tant de gens qui disent : « Oh ! moi, non ! Je n’y vais jamais. Parce que j’y suis allé une fois et le prêtre m’a donné des coups de bâtons, il m’a fait tellement de reproches. » Ou bien : « J’y suis allé et il m’a posé des questions un peu obscures, de curiosité. Je vous en prie ! Cela, ce n’est pas le Bon Pasteur. Cela, c’est le juge qui pense qu’il n’a pas péché ou le pauvre homme malade qui avec les questions devient curieux.
J’ai l’habitude de dire aux confesseurs, si tu ne te sens pas d’être père, mais c’est mieux de ne pas aller au confessionnal, fais autre chose. Parce qu’on peut faire tant de mal, tant de mal à une âme si elle n’est pas accueillie avec un cœur de père, avec le cœur de l’Eglise mère.
Je parlais il y a quelques mois avec un sage cardinal de la curie romaine, à propos des questions que certains prêtres font pendant la confession, et il m’a dit : « Quand une personne commence, et que je vois qu’elle veut avouer quelque chose – je m’en aperçois ! – : « J’ai compris ! Avance ! » Et cela, c’est un père. »
Je vous accompagne dans cette aventure missionnaire, en vous donnant comme exemples deux saints ministres du pardon de Dieu, saint Léopold et saint Pio, – et ici, parmi les Italiens, il y a un capucin qui ressemble tellement à saint Léopold ! Là, avec la barbe ! – avec tant d’autres prêtres qui, dans leur vie, ont témoigné de la miséricorde de Dieu. Ils vous aideront. Quand vous sentirez le poids des péchés qui vous seront confessés et la limite de votre personne et de vos paroles, confiez-vous en la force de la miséricorde qui va à la rencontre de tous comme un amour qui ne connaît pas de frontières.
Dites, comme tant de saints confesseurs : mais, Seigneur, je pardonne, mets cela sur mon compte ! Et avance !
Que la Mère de miséricorde vous assiste et vous protège dans ce service si précieux.
Que ma bénédiction vous accompagne ; et vous, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Merci.