Le nom de Dieu est miséricorde : c’est le titre du livre-interview du Pape François avec le vaticaniste Andrea Tornielli. Cet ouvrage sera publié ce mardi 12 janvier, en Italie, dans le cadre d'un lancement mondial dans 86 pays. L’édition française, au prix de 15 euros, sera publiée le jeudi 14 janvier. Elle est co-éditée par Robert Laffont et les Presses de la Renaissance.
Des extraits du livre ont été publiés ce dimanche dans quatre journaux italiens : La Stampa, Il Corriere della Sera, La Repubblica, et L’Avvenire.
«Le Pape est un homme qui a besoin de la miséricorde de Dieu.» Le Pape François le confie dans la conversation avec le vaticaniste Andrea Tornielli, dont est tiré ce livre. Le souverain pontife redit notamment son lien privilégié avec les prisonniers. «Chaque fois que je passe la porte d’une prison pour une célébration ou pour une visite, il me vient toujours à l’idée cette pensée : "pourquoi eux et pas moi ?"» «Leurs chutes auraient pu être les miennes, je ne me sens pas meilleur de celui que j’ai en face de moi».
Comme Pierre, ses successeurs sont aussi pécheurs
«Cela peut scandaliser, mais je me console avec Pierre : il avait renié Jésus et néanmoins, il a été choisi.» Le Pape se souvient d’avoir été frappé en lisant certains textes de Paul VI et de Jean-Paul 1er, Albino Luciani, qui se définissait lui-même comme «de la poussière», dans le sens de la conscience des limites et des incapacités qui sont colmatées par la miséricorde de Dieu. Saint Pierre a trahi Jésus. «Les Évangiles nous décrivent son péché, son reniement, et si Jésus lui a dit :" paie mes brebis", je ne crois pas que l’on doive s’émerveiller si aussi ses successeurs se décrivent eux-mêmes comme pécheurs». Dans un autre passage, François affirme qu’il peut «lire» sa vie à travers le chapitre 16 du Livre d’Ézéchiel, quand le prophète «parle de la honte».
La honte est une grâce qui nous fait sentir la miséricorde de Dieu
La honte, souligne le Pape, est une «grâce : quand on sent la miséricorde de Dieu, on a une grande honte de soi-même, de son propre péché». La honte, mise en évidence, «est une des grâces que Saint Ignace fait demander dans la confession des péchés devant le Christ crucifié». Ce texte d’Ézéchiel, confie-t-il, «t’apprend à avoir honte», mais «avec toute ton histoire de misère et de péché, Dieu te reste fidèle et te relève». François se souvient du père Carols Duarte Ibarra, le confesseur qu’il avait rencontré dans sa paroisse le 21 septembre 1953, journée en laquelle l’Église célèbre saint Matthieu. «Je me suis senti accueilli par la miséricorde de Dieu en me confessant à lui». Une expérience tellement forte que, des années après, la vocation de Saint Matthieu décrite dans les homélies de Saint Bède le Vénérable deviendraient sa devise épiscopale : miserando atque eligendo.
L’Église existe pour permettre la rencontre avec la miséricorde de Dieu
François approfondit donc la mission de l’Église dans le monde. Avant tout, il met en évidence le fait que «l’Église condamne le péché parce qu’elle doit dire la vérité». En même temps, elle «embrasse le pécheur qui se reconnaît comme tel, elle se rapproche de lui, elle lui parle de la miséricorde infinie de Dieu». Jésus «a pardonné même ceux qui l’ont mis en croix et l’ont méprisé». Le Pape rappelle la parabole du Père miséricordieux et de l’enfant prodigue. «En suivant le Seigneur, et sa réflexion, l’Église est appelée à diffuser sa miséricorde sur tous ceux qui se reconnaissent pécheurs, responsables du mal accompli, qui sentent avoir besoin du pardon». «L’Église, souligne François, n’est pas dans le monde pour condamner, mais pour permettre la rencontre avec cet amour viscéral qu’est la miséricorde de Dieu.»
Que le Jubilé fasse émerger toujours plus le visage d’une Église mère
Pour annoncer la miséricorde de Dieu, souligne le Pape, «il est nécessaire de sortir». «Sortir des églises et des paroisses, sortir et aller chercher les personnes là où elles vivent, où elles souffrent et où elles espèrent». Il revient donc à l’image de l’Église comme d’un «hôpital de campagne», et note que «l’Église en sortie a la caractéristique de surgir là où l’on combat : ce n’est pas la structure solide, dotée de tout, où l’on va se soigner pour les petites et grandes infirmités : il s’y pratique la médecine d’urgence, pas les check-up de spécialistes.» Il espère donc que «le Jubilé extraordinaire fasse émerger toujours plus le visage d’une Église qui redécouvre les entrailles maternelles de la miséricorde, et qui va à la rencontre de tant de blessés qui ont besoin d’écoute, de compassion, de pardon, d’amour.»
Pécheurs, oui, mais ne pas accepter l’état de corruption
François réfléchit ensuite sur la distinction entre péché et corruption. Celle-ci, observe-t-il, est «le péché qui au lieu d’être reconnu comme tel et de nous rendre humbles, est élevé comme un système, devient une habitude mentale, un mode de vie». «Le pécheur repenti, qui ensuite tombe et retombe dans son péché à cause de sa faiblesse retrouve à nouveau le pardon s’il reconnait avoir besoin de miséricorde. Le corrompu, au contraire, est celui qui pèche et ne se repent pas, celui qui pèche et fait semblant d’être chrétien, et crée du scandale avec sa double vie.»
«Il n’y a pas besoin d’accepter l’état de corruption comme s’il était seulement un péché de plus, insiste le Saint-Père, même si souvent on identifie la corruption avec le péché, en réalité il s’agit de deux réalités distinctes, bien que liées entre eux». «On peut être un grand pécheur et malgré cela, ne pas être tombé dans la corruption». François donne l’exemple de certaines figures comme Zachée, Matthieu, la Samaritaine, Nicodème, ou encore le bon larron. «Dans leurs cœurs pécheurs, tous avaient quelque chose qui les sauvait de la corruption. Ils étaient ouverts au pardon, leur cœur les avertissait de leur propre faiblesse, et ceci a été la faille qui a fait entrer la force de Dieu.»