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Conférence de presse : le Pape François dénonce «l'idolâtrie de l'argent»
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Sujet: Conférence de presse : le Pape François dénonce «l'idolâtrie de l'argent» Jeu 3 Déc 2015 - 21:07
Lundi 30 Novembre 2015
Conférence de presse : le Pape François dénonce «l'idolâtrie de l'argent»
CONFÉRENCE DE PRESSE DU SAINT-PÈRE AU COURS DU VOL DE RETOUR DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
(Bernard Namuname) Au Kenya, vous avez rencontré les familles pauvres à Kangemi. Le même jour, vous êtes allé au stade Kasarani où vous avez rencontré les jeunes. Qu’avez-vous éprouvé tandis que vous écoutiez leurs histoires ? Et que faut-il faire pour mettre fin aux injustices ?
Sur ce problème, je me suis exprimé clairement au moins trois fois. Durant la première rencontre des Mouvements populaires au Vatican ; lors de la deuxième rencontre des Mouvements populaires à Santa Cruz de la Sierra, en Bolivie ; et ensuite deux autres fois: un peu dans Evangelii gaudium, et puis clairement et fortement dans Laudato si’. Je ne me souviens pas des statistiques et pour cela je vous demande de ne pas publier les statistiques que je vous donnerai car je ne sais pas si elles sont exactes, mais j’ai entendu... je crois que 80 pour cent de la richesse du monde est entre les mains de 17 pour cent de la population ; je ne sais pas si c’est vrai, mais si ce n’est pas vrai, nous en sommes proches, car les choses sont ainsi. Si l’un d’entre vous connaît ces statistiques, je le prie de nous les dire pour être correct. C’est un système économique où se trouve l’argent au centre, le dieu argent. Je me rappelle avoir rencontré un jour un grand ambassadeur, il parlait français et m’a dit cette phrase — il n’était pas catholique — il m’a dit : « Nous sommes tombés dans l’idolâtrie de l’argent ». Et si les choses continuent ainsi, le monde continuera ainsi. Vous me demandiez ce que j’ai éprouvé avec les témoignages des jeunes et à Kangemi, où j’ai également parlé clairement de droits. J’ai éprouvé de la douleur. Et je pense au fait que les gens ne s’en rendent pas compte... Une grande douleur. Hier, par exemple, je suis allé à l’hôpital pédiatrique: le seul de Bangui et du pays ! Et en thérapie intensive, ils n’ont pas les instruments pour l’oxygène. Il y avaient tant d’enfants mal nourris, tellement. Et le docteur m’a dit : « La majorité de ceux-là mourront, car ils ont une forte malaria, et sont mal nourris ». Le Seigneur — mais je ne veux pas faire une homélie ! —, le Seigneur admonestait toujours le peuple, le peuple d’Israël — mais c’est un mot que nous acceptons et adorons, car c’est la Parole de Dieu — l’idolâtrie. Et il y a idolâtrie quand un homme ou une femme perd sa « carte d’identité », d’enfant de Dieu et préfère chercher un dieu à sa propre mesure. C’est le début. À partir de là, si l’humanité ne change pas, les misères, les tragédies, les guerres, les enfants qui meurent de faim, l’injustice se poursuivront... Que pense ce pourcentage qui a entre les mains 80 pour cent de la richesse du monde ? Et cela n’est pas du communisme, c’est la vérité. Et il n’est pas facile de voir la vérité. Je vous remercie de m’avoir posé cette question, car c’est la vie...
(Mumo Makau) Quel a été pour vous le moment le plus mémorable de ce voyage en Afrique ? Reviendrez-vous bientôt sur ce continent ? Et quelle est votre prochaine destination ?
Commençons par la fin: si tout se passe bien, je crois que le prochain voyage sera au Mexique. Les dates ne sont pas encore précises. Deuxièmement : reviendrai-je en Afrique ? Eh bien, je ne sais pas... Je suis âgé, les voyages sont fatigants... Et la première question: quel a été le moment [qui m’a particulièrement frappé]... Je pense à cette foule, cette joie, cette capacité de célébrer, de faire la fête avec l’estomac vide. Pour moi, l’Afrique a été une surprise. J’ai pensé : Dieu nous surprend, mais l’Afrique nous surprend aussi! Il y a eu tant de moments... La foule, la foule. Ils sentent qu’on leur rend visite. Ils possèdent un très grand sens de l’accueil. J’ai vu, dans les trois pays, qu’ils avaient ce sens de l’accueil, car ils étaient heureux de sentir qu’on leur rendait visite. Ensuite, chaque pays a son identité. Le Kenya est un peu plus moderne, développé. L’Ouganda possède l’identité des martyrs : le peuple ougandais, aussi bien catholique qu’anglican, vénère les martyrs. J’ai été dans les deux sanctuaires, anglican tout d’abord, puis catholique ; et la mémoire des martyrs est sa carte d’identité. Le courage de donner sa vie pour un idéal. Et la République centrafricaine : le désir de paix, de réconciliation, de pardon. Jusqu’à il y a quatre ans, catholiques, protestants, fidèles de l’islam ont vécu comme des frères. Hier, je suis allé chez les évangéliques, qui travaillent très bien, et ensuite ils sont venus à la Messe, le soir. Aujourd’hui, je suis allé à la mosquée, j’ai prié dans la mosquée ; l’imam est aussi monté sur la « papamobile » pour faire le tour dans le petit stade... C’est cela : de petits gestes, c’est cela qu’ils veulent, car il y a un petit groupe qui, je le crois, est chrétien ou se dit chrétien, qui est très violent, je n’ai pas bien compris cela..., mais ce n’est pas l’ei, c’est autre chose. Et ils veulent la paix. Maintenant, les élections vont avoir lieu, ils ont choisi un État de transition, ils ont choisi le maire [de Bangui], cette dame, comme présidente de l’État de transition, et elle organisera les élections ; mais ils cherchent la paix, entre eux, la réconciliation, et non la haine.
(Philip Pulella) En Ouganda, vous avez dit que la corruption existait partout, même au Vatican. Quelle est l’importance de la presse libre et laïque dans l’éradication de cette corruption, partout où elle se trouve ?
La presse libre, laïque et également confessionnelle, mais professionnelle — car le professionnalisme de la presse peut être laïc ou confessionnel, l’important est qu’il y ait de vrais professionnels, que les nouvelles ne soient pas manipulées — est une chose importante pour moi, car la dénonciation des injustices, des corruptions, est un beau travail, car il dit : « Il y a là de la corruption ». Et ensuite, le responsable doit faire quelque chose, émettre un jugement, constituer un tribunal. Mais la presse professionnelle doit tout dire, sans sombrer dans les trois péchés les plus communs : la désinformation — dire la moitié et ne pas dire l’autre moitié — ; la calomnie — la presse non-professionnelle : quand il n’y a pas de professionnalisme, l’on salit l’autre par la vérité ou sans vérité — ; et la diffamation, qui consiste à dire des choses qui entachent la bonne réputation d’une personne, des choses qui en ce moment ne font pas mal, qui ne sont rien, peut-être des choses du passé... Et tels sont les trois défauts qui portent atteinte au professionnalisme de la presse. Mais nous avons besoin de professionnalisme. Ce qui est juste : la chose est ainsi, ainsi et ainsi. Et sur la corruption, bien voir les éléments et les communiquer : oui, il y a de la corruption ici, pour cela, cela et cela... Ensuite, un journaliste qui est un vrai professionnel, s’il se trompe, demande pardon : j’ai cru, mais ensuite je me suis rendu compte que ce n’était pas vrai. Et ainsi les choses vont très bien. C’est très important.
(Philippine de Saint-Pierre) Aujourd’hui plus que jamais, le fondamentalisme religieux menace la planète tout entière. Face à ce danger, pensez-vous que les dignitaires religieux doivent intervenir davantage dans le domaine politique ?
Intervenir dans le domaine politique : si cela veut dire « faire de la politique », non. Qu’ils fassent le prêtre, le pasteur, l’imam, le rabbin : voilà leur vocation. Mais on fait de la politique indirectement en prêchant des valeurs, des valeurs authentiques, et l’une des valeurs les plus grandes est la fraternité entre nous. Nous sommes tous fils de Dieu, nous avons le même père. Et dans ce sens, on doit faire une politique d’unité, de réconciliation... — et un mot que je n’aime pas, mais que je dois utiliser — de tolérance, mais pas seulement de tolérance, de coexistence, d’amitié ! C’est ainsi. Le fondamentalisme est une maladie qui existe dans toutes les religions. Nous catholiques en avons certains, pas certains, beaucoup, qui croient détenir la vérité absolue, et qui vont de l’avant en salissant les autres avec la calomnie, la diffamation, et ils font du mal, ils font du mal. Et je dis cela parce que c’est mon Église, et nous aussi, tous ! Et il faut combattre. Le fondamentalisme religieux n’est pas religieux. Pourquoi ? Parce qu’il manque Dieu. Il est idolâtrie, tout comme l’argent est idolâtrie. Faire de la politique dans le sens de convaincre ces gens qui ont cette tendance, est une politique que nous devons faire nous, responsables religieux. Mais le fondamentalisme qui finit toujours en tragédie, ou en crime, est une chose mauvaise, mais qui existe un peu dans toutes les religions.
(Cristiana Caricato) Tandis que nous étions à Bangui ce matin, se tenait à Rome une nouvelle audience du procès contre Lucio Vallejo Balda, Mme Chaouqui et deux journalistes. Je vous pose la question que nous ont posée également de nombreuses personnes : pourquoi ces deux nominations ? Comment a-t-il été possible que dans le processus de réforme que vous avez commencé, deux personnes de ce type aient pu entrer dans une commission, la cosea ? Pensez-vous avoir commis une erreur ?
Je pense qu’il y a eu une erreur. Mgr Vallejo Balda est entré en raison de la fonction qu’il occupait et qu’il a occupée jusqu’à présent. Il était secrétaire de la préfecture pour les affaires économiques et il est entré. Quant à elle, comment elle est entrée, je n’en suis pas sûr, mais je ne crois pas me tromper en disant — mais je n’en suis pas sûr — que c’est lui qui l’a présentée comme étant une femme qui connaissait le monde des relations commerciales... Ils ont travaillé, et une fois le travail terminé, les membres de cette commission qui s’appelait la cosea sont restés dans certains postes, au Vatican. Lucio Vallejo Balda, lui aussi. Mme Chaouqui n’est pas restée au Vatican parce qu’elle est entrée dans la commission, et ensuite elle n’est pas restée. Certains disent qu’elle était en colère à cause de cela, mais les juges nous diront la vérité sur les intentions, comment cela s’est passé. Pour moi [ce qui a été révélé] a été une surprise, mais cela ne m’a pas empêché de dormir, parce qu’ils ont vraiment fait voir le travail qui a été commencé avec la commission des cardinaux — le « c9 » — de chercher la corruption et les choses qui ne vont pas. Et ici, je voudrais dire quelque chose — cela n’a rien à voir avec Lucio Vallejo Balda et Mme Chaouqui, mais plus en général, puis je reviendrai à votre question si vous voulez — : le mot « corruption » — l’un des deux Kényans l’a dit — treize jours avant la mort de saint Jean-Paul ii, au cours de la Via Crucis, celui qui était alors le cardinal Ratzinger, qui guidait la Via Crucis, a parlé des « souillures de l’Église » : il a dénoncé cela ! En premier ! Puis, le Pape meurt en l’octave de Pâques — c’était le Vendredi Saint — le Pape Jean-Paul ii meurt et il devient Pape. Mais au cours de la Messe « pro eligendo Pontifice » — il était doyen — il a parlé de la même chose, et nous l’avons élu pour sa liberté de dire les choses. C’est depuis cette époque que l’on a commencé à dire au Vatican qu’il y a de la corruption, il y a de la corruption. À propos de ce jugement, j’ai donné les accusations concrètes aux juges, parce que ce qui importe, pour la défense, est la formulation des accusations. Je n’ai pas lu les accusations concrètes, techniques. J’aurais voulu que cela finisse avant le 8 décembre, pour l’année de la miséricorde, mais je crois que cela ne sera pas possible, parce que je voudrais que tous les avocats de la défense aient le temps de défendre, que la liberté de défense soit totalement respectée. Voilà comment ils ont été choisis, et toute l’histoire. Mais la corruption vient de loin.
(Cristiana Caricato) Mais comment comptez-vous procéder pour que ces épisodes n’aient plus lieu ?
Et bien... Je rends grâce à Dieu qu’il n’y ait plus de Lucrèce Borgia ! [ils rient] Je ne sais pas, continuer avec les cardinaux, avec la commission, à nettoyer... Merci.
(Néstor Pongutá Puerto) Je voudrais vous poser une question particulière. C’est un thème spécifique qui touche au changement politique en Amérique latine, y compris l’Argentine, votre pays, dans lequel à présent, se trouve M. Macri, après 12 ans de « kirchnérisme », les choses changent un peu... Que pensez-vous de ces changements, de la façon dont la politique latino-américaine, du continent dont vous provenez vous-même, prend une nouvelle direction ?
J’ai entendu quelques opinions, mais vraiment, je ne sais pas quoi dire en ce moment à propos de cette géopolitique. Vraiment, je ne sais pas. Parce qu’il y a des problèmes dans beaucoup de pays dans ce sens, mais je ne sais vraiment pas pourquoi ou comment cela a commencé, je ne sais pas pourquoi. Vraiment. Il est vrai qu’il y a beaucoup de pays latino-américains dans cette situation qui change un peu, mais je ne sais pas l’expliquer.
(Jürgen Baetz) Le sida est la première cause de décès parmi les jeunes africains. Vous avez rencontré des enfants séropositifs, et vous avez écouté un témoignage émouvant en Ouganda. Pourtant, vous avez très peu parlé de ce thème. Nous savons que la prévention est fondamentale. Nous savons aussi que le préservatif n’est pas le seul moyen d’arrêter l’épidémie. Mais nous savons que c’est une partie importante de la réponse. N’est-il pas temps de changer la position de l’Église sur ce sujet ? De permettre l’utilisation du préservatif afin de prévenir d’autres contaminations ?
La question me semble trop restrictive et me semble aussi une question partielle. Oui, c’est l’une des méthodes ; sur ce point, la morale de l’Église se trouve — je pense — face à une perplexité : est-ce le cinquième ou le sixième commandement ? Défendre la vie, ou que le rapport sexuel soit ouvert à la vie ? Mais ce n’est pas le problème. Le problème est plus grand. Cette question me fait penser à celle que l’on a posée à Jésus, un jour : « Dis-moi Maître, est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ». Il est obligatoire de guérir ! Mais cette question, s’il est permis de guérir... Mais la malnutrition, l’exploitation des personnes, l’esclavage, le manque d’eau potable : voilà les problèmes. Ne nous demandons pas si l’on peut utiliser ce pansement ou un autre pour une petite blessure. La grande blessure est l’injustice sociale, l’injustice environnementale, l’injustice que j’ai mentionnée de l’exploitation, et la malnutrition. Voilà la vérité. Je n’aime pas m’abaisser à des réflexions aussi casuistiques, lorsque les gens meurent par manque d’eau et à cause de la faim, du logement... Quand tout le monde sera guéri ou quand il n’y aura plus ces maladies tragiques que provoque l’homme, que ce soit à cause de l’injustice sociale ou pour gagner plus d’argent — pensez au trafic d’armes ! — quand il n’y aura plus ces problèmes, je crois que l’on pourra poser une question : « Est-il permis de guérir le jour du sabbat ? ». Pourquoi continue-t-on de fabriquer des armes et de faire du trafic d’armes ? Les guerres sont la cause de mortalité la plus grande... Je dirais de ne pas penser s’il est permis ou pas de guérir le jour du sabbat. Je dirais à l’humanité : faites justice, et quand tous seront guéris, quand il n’y aura plus d’injustice dans ce monde, nous pourrons parler du sabbat.
(Marco Ansaldo) Une crise, au niveau international, a eu lieu entre la Russie et la Turquie, une crise qui n’était franchement pas nécessaire, au cours de cette « troisième guerre mondiale par morceaux », dont vous parlez, qui se déroule dans notre monde. Quelle est la position du Vatican à cet égard ? Je voudrais aussi vous demander si, par hasard, vous avez pensé à aller à la célébration des 101 ans des événements en Arménie, qui seront célébrés en avril de l’année prochaine, comme vous l’aviez fait l’année dernière en Turquie.
L’année dernière, j’ai promis aux trois patriarches [arméniens] de m’y rendre : la promesse a été faite. Je ne sais pas si cela pourra se faire, mais la promesse a été faite. Ensuite, les guerres : les guerres naissent à cause de l’ambition — je ne parle pas des guerres pour se défendre de manière juste contre un agresseur injuste —, mais les guerres, les guerres sont une « industrie » ! Nous avons très souvent vu dans l’histoire que si le bilan d’un pays n’est pas en équilibre... « Allez, faisons une guerre ! », et le « déséquilibre » finit. La guerre est une affaire : une affaire d’armes. Est-ce les terroristes qui fabriquent les armes ? Oui, peut-être quelques-unes de petite taille. Mais qui leur donne les armes pour faire la guerre ? Il existe là tout un réseau d’intérêts, derrière lequel se trouve l’argent, ou le pouvoir: le pouvoir impérial, ou le pouvoir conjoncturel... Mais nous, depuis des années, nous sommes en guerre et chaque fois davantage : les « morceaux » sont de moins en moins des morceaux et deviennent plus grands... Qu’est-ce que j’en pense ? Je ne sais pas ce qu’en pense le Vatican, mais ce que j’en pense moi ? Que les guerres sont un péché et sont contre l’humanité, elles détruisent l’humanité ; elles sont la cause d’exploitations, de trafics de personnes, de tant de choses... Il faut que cela cesse. Aux Nations unies, j’ai dit cela deux fois, aussi bien ici au Kenya qu’à New York : que votre travail ne soit pas un nominalisme seulement déclaré, qu’il soit effectif : que l’on fasse la paix. Ils font tant de choses: ici en Afrique, j’ai vu comment travaillent les Casques bleus... Mais cela n’est pas suffisant. Les guerres ne viennent pas de Dieu. Dieu est le Dieu de la paix. Dieu a fait le monde, il a tout fait beau et ensuite, selon le récit biblique, un frère tue l’autre : la première guerre, la première guerre mondiale, entre frères. Je ne sais pas, c’est ce qui me vient à l’esprit. Et je le dis avec une grande douleur... Merci.
(François Beaudonnet) Aujourd’hui, à Paris, commence la Conférence sur le changement climatique. Sommes-nous certains que la cop21 sera le début de la solution ?
Je n’en suis pas sûr, mais je peux dire que c’est maintenant ou jamais ! Depuis la première, qui je crois s’est tenue à Tokyo, on n’a accompli que peu de choses, jusqu’à présent, et chaque année, les problèmes sont plus graves. En parlant dans une réunion d’universitaires sur le monde que nous voudrions laisser à nos enfants, l’un d’eux a dit : « Mais vous êtes sûr qu’il y aura des enfants de cette génération ? ». Nous sommes à la limite ! Nous sommes à la limite d’un suicide, pour dire un mot fort. Et je suis certain que presque la totalité de ceux qui sont à Paris, à la cop21, ont cette conscience et veulent faire quelque chose. L’autre jour, j’ai lu qu’au Groënland, les glaciers ont perdu des milliards de tonnes. Dans le Pacifique, il y a un pays qui est en train d’acheter des terres à un autre pays pour déménager son propre pays, car d’ici vingt ans, il n’existera plus... Non, j’ai confiance. J’ai confiance dans ces personnes, qui feront quelque chose ; car, dirais-je, je suis certain qu’ils ont de la bonne volonté pour agir, et je souhaite qu’il en soit ainsi. Et je prie pour cela.
(Delia Gallagher) Qu’est-ce que l’islam et les enseignements du prophète Mahomet ont à dire au monde d’aujourd’hui ?
Je ne comprends pas bien la question... On peut dialoguer, ils possèdent des valeurs. De nombreuses valeurs. Ils ont de nombreuses valeurs et ces valeurs sont constructives. Et moi aussi j’ai une expérience d’amitié — c’est un mot fort « amitié » — avec un musulman : il s’agit d’un dirigeant mondial... Nous pouvons parler: il a ses valeurs, moi les miennes. Il prie, je prie. De nombreuses valeurs... La prière, par exemple. Le jeûne. Des valeurs religieuses, et aussi d’autres valeurs. On ne peut pas effacer une religion parce qu’il y a certains groupes — ou de nombreux groupes — à un certain moment de l’histoire, de fondamentalistes. C’est vrai, les guerres entre religions ont toujours existé, dans l’histoire, toujours. Nous aussi, nous devons demander pardon. Catherine de Médicis n’était pas une sainte ! Et cette Guerre de Trente ans, cette nuit de la Saint-Barthélemy... Nous devons demander pardon nous aussi, pour les extrémismes fondamentalistes, pour les guerres de religion. Mais ils possèdent des valeurs, on peut dialoguer avec eux. Aujourd’hui, je suis allé à la mosquée, j’ai prié ; l’imam a voulu lui aussi venir avec moi pour faire le tour du petit stade où il y avait tant de personnes que tous n’ont pas pu entrer... Et sur la papamobile, il y avait le Pape et l’imam. On pouvait parler. Comme partout, il y a des gens avec des valeurs religieuses, et des gens qui n’en ont pas... Mais combien de guerres, pas seulement de religion, avons-nous faites, nous chrétiens ? Le sac de Rome ce ne sont pas les musulmans qui l’ont fait ! Ils ont des valeurs, ils ont des valeurs !
(Martha Calderón Castro) Nous savons que vous irez au Mexique. Nous aimerions savoir quelque chose de plus sur ce voyage et aussi si dans le cadre de cette volonté, qui est de visiter les pays qui ont des problèmes, vous pensez visiter la Colombie ou, à l’avenir, d’autres pays d’Amérique latine, comme le Pérou... ?
Tu sais, à mon âge les voyages ne font pas du bien... On peut les faire, mais ils laissent leur trace... Cependant, j’irai au Mexique. Tout d’abord pour rendre visite à la Vierge, car elle est la Mère de l’Amérique. C’est pourquoi je vais à Mexico. Si ce n’était pas pour la Vierge de Guadalupe je n’irai pas à Mexico, en raison du critère du voyage : visiter trois ou quatre villes où les Papes ne se sont jamais rendus. Mais j’irai au Mexique, pour la Vierge. Ensuite, j’irai au Chiapas, dans le sud, à la frontière avec le Guatemala ; ensuite, j’irai à Morelia ; et presque certainement, sur la route du retour pour Rome, je m’arrêterai une journée, ou peut-être un peu moins, à Ciudad Juárez. En ce qui concerne la visite d’autres pays latino-américains : en 2017, j’ai été invité à aller à Aparecida, l’autre patronne de l’Amérique de langue portugaise — car il y en a deux — et, de là, je pourrai visiter un autre pays, célébrer la Messe à Aparecida et ensuite... Mais je ne sais pas, il n’y a pas encore de programme... Merci.
(Mark Masai) Que diriez-vous aux personnes qui pensent que l’Afrique n’est qu’un pays déchiré par les guerres et caractérisé par la destruction ?
L’Afrique est une victime. L’Afrique a toujours été exploitée par d’autres puissances. Les personnes arrivaient d’Afrique en Amérique, vendues comme esclaves. Il y a des puissances qui cherchent uniquement à prendre les grandes richesses de l’Afrique. Je ne sais pas, c’est le continent le plus riche, peut-être pour cela... Mais ils ne pensent pas à aider à faire grandir le pays, pour qu’il puisse travailler, que tous aient du travail... L’exploitation ! L’Afrique est une martyre. Elle est une martyre de l’exploitation au cours de l’histoire. Ceux qui disent que de l’Afrique proviennent toutes les calamités et toutes les guerres, ne comprennent peut-être pas bien les dommages que certaines formes de développement causent à l’humanité. Et c’est pour cela que j’aime l’Afrique, car l’Afrique a été la victime d’autres puissances.
Je vous remercie pour votre travail. Le moment est venu de déjeuner, mais on me dit que vous jeûnez, vous devez travailler sur cet entretien !... Merci beaucoup de votre travail et de vos questions, de votre intérêt. Je vous dis simplement que je réponds lorsque je sais, et lorsque je ne sais pas, je ne dis rien, parce que je ne le sais pas. Je n’invente pas. Merci beaucoup. Merci.