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 Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas

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Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas Empty
MessageSujet: Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas   Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas Icon_minitimeSam 7 Nov 2015 - 17:50

Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas ANSA899401_LancioGrande

Vendredi 6 Novembre 2015

Le pape se confie à un journal de sans-abri des Pays-Bas

Un travail, un toit, une terre : le pape François réaffirme le droit des pauvres aux trois « T », dans cet entretien accordé, le 27 octobre, à un journal de sans-abri des Pays-Bas « Straatnieuws » (« Nouvelles de la rue »). Il est publié en italien ce 6 novembre.

Il dénonce l’incohérence : « Si un croyant parle de la pauvreté ou des sans-abri et mène une vie de pharaon, ce n’est pas possible. »

Il évoque aussi le « prince de Mark Twain vit dans une cage dorée ».

Il confie : « La rue me manque. »

Pour ce qui est des trésors culturels et artistiques du Vatican, il fait observer qu’ils ne peuvent pas être venu parce que « ce ne sont pas les trésors de l’Église, mais les trésors de l’humanité. » Mais il ajoute immédiatement : « Mais il y a des choses qui peuvent se vendre et alors on les vend. »

Rencontre avec le pape François :

Il est encore tôt quand nous nous présentons à la grande porte de service du Vatican, à gauche de la basilique Saint-Pierre. Les gardes suisses, informés de notre arrivée, nous laissent passer. Nous devons aller à la maison Sainte-Marthe, parce que c’est là qu’habite le pape François. Cette maison Sainte-Marthe est probablement l’hôtel trois étoiles le plus particulier au monde. Un grand édifice blanc où logent des cardinaux et des évêques qui travaillent au service du Vatican ou qui sont ici de passage ; c’est aussi le lieu où résident les cardinaux pendant le conclave.

Ici aussi, on est au courant de notre venue. Deux dames à la réception, comme dans tous les hôtels, nous indiquent gentiment une porte latérale. La salle de la rencontre est déjà préparée. Un espace assez grand avec un bureau, un canapé, quelques tables et sièges : c’est là que le pape François reçoit pendant la semaine. Nous attendons. Marc, le vendeur de Straatnieuws, est le plus paisible d’entre nous, assis sur son siège, attentif à ce qui va se passer.

Soudain le photographe officiel du pape entre. « Le pape arrive », nous chuchote-t-il.

Et avant que nous ne nous en rendions compte, apparaît le pape François, chef spirituel d’un milliard deux cent mille catholiques. Il tient à la main une grande enveloppe blanche. « Asseyez-vous, mes amis ! », dit-il en faisant un geste aimable de la main. « C’est un plaisir que vous soyez ici ! » Le pape donne l’impression d’un homme calme et amical, mais en même temps énergique et précis. Une fois assis, il s’excuse de ne pas parler le néerlandais. Nous le lui pardonnons volontiers.

Straatnieuws- Nos interviews commencent toujours par une question à propos de la rue où a grandi la personne interrogée. Vous-même, Saint-Père, quel souvenir avez-vous de cette rue ? Quelles images vous viennent à l’esprit quand vous pensez aux rues de votre enfance ?

Pape François– Depuis l’âge d’un an jusqu’au moment où je suis entré au séminaire, j’ai vécu dans la même rue. C’était un quartier simple de Buenos Aires, avec des maisons basses. Il y avait une petite place où nous jouions au football. Je me souviens que je m’échappais de la maison et j’allais jouer au football avec les garçons après l’école. Et puis mon papa travaillait dans une entreprise qui était à cent mètres. Il était comptable. Et mes grands-parents habitaient à cinquante mètres. Nous étions à quelques pas les uns des autres. Je me souviens aussi des noms des gens : quand j’étais prêtre, je suis aller donner les sacrements, le dernier réconfort, à beaucoup qui m’appelaient et j’y allais parce que je les aimais bien. Ce sont là mes souvenirs spontanés.

Vous jouiez aussi au football ?

Oui.

Vous étiez fort ?

Non. À Buenos Aires, ceux qui jouaient au football comme moi, on les appelait pata dura, qui veut dire avoir deux pieds gauches. Mais je jouais, je faisais souvent le gardien de but.

D’où est parti votre engagement personnel envers les pauvres ?

Oui, beaucoup de souvenirs me viennent à l’esprit. J’ai été très frappé par une dame qui venait à la maison trois fois par semaine pour aider ma maman. Elle aidait, par exemple, à laver le linge. Elle avait deux fils. Ils étaient Italiens, Siciliens, et ils ont vécu la guerre, ils étaient très pauvres, mais tellement bons. Et je me suis toujours souvenu de cette femme. Sa pauvreté me touchait. Nous n’étions pas riches, nous arrivions à la fin du mois normalement, mais sans plus. Nous n’avions pas de voiture, nous ne partions pas en vacances, par exemple. Mais elle, il lui manquait très souvent le nécessaire. Nous avions suffisamment et ma maman lui donnait des choses. Ensuite, elle est retournée en Italie et après, elle est rentrée en Argentine. Je l’ai retrouvée quand j’étais archevêque de Buenos Aires, elle avait 90 ans. Et je l’ai accompagnée jusqu’à sa mort, à 93 ans. Un jour, elle m’a donné une médaille du Sacré-Cœur de Jésus que je porte encore sur moi tous les jours. Cette médaille – qui est aussi un souvenir – m’a fait beaucoup de bien. Voulez-vous la voir ?

(Avec quelques efforts, le pape parvient à sortir la médaille, complètement décolorée après avoir été portée pendant des années.)

Comme cela, je pense à elle tous les jours et à tout ce qu’elle a souffert à cause de la pauvreté. Et je pense à tous les autres qui ont souffert. Je la porte et je la prie…

Quel est le message de l’Église pour les sans-abri ? Que signifie concrètement la solidarité chrétienne avec eux ?

Il me vient deux choses à l’esprit. Jésus est venu au monde sans abri et il s’est fait pauvre. Et puis, l’Église veut embrasser tout le monde et dire que c’est un droit d’avoir un toit au-dessus de la tête. Dans les mouvements populaires, on travaille avec trois ‘t’, en espagnol : trabajo (travail), techo (toit) et tierra (terre). L’Église enseigne que toute personne a droit à ces trois « T ».

Vous demandez souvent de l’attention envers les pauvres et les réfugiés. Ne craignez-vous pas que cela puisse générer une forme de lassitude dans les médias et dans la société en général ?

Nous avons tous la tentation – quand on revient sur un thème qui n’est pas beau, parce que c’est pénible d’en parler – de dire : « Mais, arrêtons, on en a assez de ce sujet. » Je sens que la lassitude existe, mais cela ne me fait pas peur. Je dois continuer de dire les vérités et comment sont les choses.

C’est votre devoir ?

Oui, c’est mon devoir. Je le sens en moi-même. Ce n’est pas un commandement, mais en tant que personnes, nous devons tous le faire.

Ne craignez-vous pas que votre soutien à la solidarité et à l’aide pour les sans-abri et les autres pauvres ne soit exploité politiquement ? Comment l’Église doit-elle parler pour être influente tout en restant en dehors des coalitions politiques ?

Il y a des chemins qui conduisent à des erreurs sur ce point. Je voudrais souligner deux tentations. L’Église doit parler par la vérité et aussi par le témoignage : le témoignage de la pauvreté. Si un croyant parle de la pauvreté ou des sans-abri et mène une vie de pharaon, ce n’est pas possible. C’est la première tentation. L’autre tentation est de faire des accords avec les gouvernements. On peut conclure des accords, mais il faut que ce soit des accords clairs, des accords transparents. Par exemple, nous gérons cet immeuble, mais les comptes sont tous contrôlés, pour éviter la corruption. Parce qu’il y a toujours la tentation de la corruption dans la vie publique. Qu’elle soit politique ou religieuse.

Je me souviens que j’ai vu une fois, avec une grande douleur – quand l’Argentine, sous le régime des militaires, est entrée en guerre contre la Grande-Bretagne pour les îles Malouines – que les gens donnaient des choses, et j’ai vu que beaucoup de personnes, y compris catholiques, qui étaient chargées de les distribuer, les emportaient chez elles. Le danger de la corruption existe toujours. Une fois, j’ai posé une question à un ministre en Argentine, un homme honnête. Quelqu’un qui a quitté sa charge parce qu’il ne pouvait pas être d’accord avec certaines choses un peu obscures. Je lui ai posé cette question : quand vous envoyez de l’aide (que ce soit des repas, des vêtements, de l’argent) aux pauvres et aux indigents : de ce que vous envoyez, qu’est-ce qui arrive là-bas, en argent ou en matériel ? Il m’a dit : 35 %. Cela signifie que 65 % sont perdus. C’est la corruption : un peu pour moi, et encore un peu pour moi.

Croyez-vous que jusqu’ici, dans votre pontificat, vous avez pu obtenir un changement de mentalité, par exemple dans la politique ?

Je ne saurais que répondre. Je ne sais pas. Je sais que certains ont dit que j’étais communiste. Mais c’est une catégorie un peu ancienne (il rit). Peut-être utilise-t-on, aujourd’hui, d’autres mots pour dire cela…

Marxiste, socialiste…

Tout cela a été dit.

Les sans-abri ont des problèmes financiers, mais ils cultivent leur liberté. Le pape n’a aucun besoin matériel, mais il est considéré par certains comme prisonnier au Vatican. N’éprouvez-vous jamais le désir de vous mettre dans la peau d’un sans-abri ?

Je me souviens du livre de Mark Twain, Le prince et le pauvre : quand on peut manger tous les jours, tu as des vêtements, tu as un lit où dormir, tu as un bureau où travailler et rien ne manque. Tu as aussi des amis. Mais ce prince de Mark Twain vit dans une cage dorée.

Vous sentez-vous libre, ici, au Vatican ?

Deux jours après avoir été élu pape, je suis allé – comment on dit, officiellement – prendre possession de l’appartement papal dans le Palais apostolique. Ce n’est pas un appartement luxueux. Mais il est grand, vaste… Après avoir vu cet appartement, il m’a fait l’effet d’un entonnoir à l’envers, c’est-à-dire grand mais avec une petite porte. Cela signifie être isolé. J’ai pensé : je ne peux pas vivre ici simplement pour des raisons mentales. Cela me ferait du mal. Au début, cela a paru étrange, mais j’ai demandé à rester ici, à Sainte-Marthe. Et cela me fait du bien parce que je me sens libre. Je mange dans la salle à manger où tout le monde mange. Et quand je suis en avance, je mange avec les employés. Je trouve les gens, je les salue et cela fait que la cage dorée n’est pas trop une cage. Mais la rue me manque.

Saint-Père, Marc veut vous inviter à venir manger une pizza avec nous. Qu’en pensez-vous ?


J’aimerais bien, mais nous n’y arriverons pas. Parce que au moment où je sortirai d’ici, les gens arriveront. Quand je suis aller changer les verres de mes lunettes en ville, il était sept heures du soir. Il n’y avait pas grand monde dans la rue. On m’a conduit chez l’opticien et je suis sorti de la voiture et là, il y avait une dame qui m’a vu et qui a crié : « Voilà le pape ! » Et ensuite, j’étais à l’intérieur et tout le monde à l’extérieur…

Le contact avec les gens vous manque-t-il ?

Cela ne me manque pas parce que les gens viennent ici. Tous les mercredis, je vais sur la place pour l’audience générale, quelquefois je vais dans une paroisse : je suis en contact avec les gens. Par exemple, hier (le 26 octobre), plus de cinq mille Gitans sont venus dans la salle Paul VI.

Cela se voit que vous appréciez ce tour sur la place, pendant l’audience générale…

C’est vrai. Oui, c’est vrai.

Votre homonyme, saint François a choisi la pauvreté radicale et il a vendu jusqu’à son évangéliaire. En tant que pape et évêque de Rome, vous arrive-t-il de vous sentir sous pression pour vendre les trésors de l’Église ?

C’est une question facile. Ce ne sont pas les trésors de l’Église, mais les trésors de l’humanité. Par exemple, si demain je dis que la Pietà de Michel-Ange doit être mise aux enchères, ce n’est pas possible, parce que ce n’est pas la propriété de l’Église. Elle est dans une église, mais elle appartient à l’humanité. Cela vaut pour tous les trésors de l’Église. Mais nous avons commencé à vendre des cadeaux et d’autres choses qui me sont données. Et le produit de la vente va à Mgr Krajewski qui est mon aumônier. Et il y aussi la loterie. Il y avait des voitures qui ont toutes été vendues ou données pour une loterie et les recettes sont employées pour les pauvres. Mais il y a des choses qui peuvent se vendre et alors on les vend.

Êtes-vous conscient que la richesse de l’Église peut créer ce type d’attentes ?

Oui, si nous faisons un catalogue des biens de l’Église, on se dit : l’Église est très riche. Mais quand le Concordat de 1929, sur la Question romaine, a été conclu avec l’Italie, le gouvernement italien de l’époque a offert à l’Église un grand parc à Rome. Le pape d’alors, Pie XI, a dit : non, je voudrais seulement un demi-kilomètre carré pour garantir l’indépendance de l’Église. Ce principe vaut encore. Oui, les biens immobiliers de l’Église sont nombreux, mais nous les utilisons pour maintenir les structures de l’Église et pour maintenir un grand nombre d’œuvres qui sont réalisées dans les pays démunis : hôpitaux, écoles. Hier, par exemple, j’ai demandé que l’on envoie au Congo 50 000 euros pour construire trois écoles dans des villages pauvres ; l’éducation est importante pour les enfants. Je suis allé à l’administration compétente, j’ai fait cette demande et l’argent a été envoyé.

Parlons des Pays-Bas. Êtes-vous déjà venu dans notre pays ?

Oui, une fois, quand j’étais supérieur provincial des jésuites d’Argentine. J’étais de passage lors d’un voyage. Je suis allé à Wijchen, parce que le noviciat était là-bas, et j’ai aussi passé un jour et demi à Amsterdam, où j’ai visité une maison des jésuites. Je n’ai rien vu de la vie culturelle parce que je n’avais pas le temps.

Cela pourrait donc être une bonne idée si les sans-abri de Hollande vous invitaient à visiter notre pays ? Qu’en pensez-vous, Saint-Père ?


Les portes ne sont pas fermées à cette possibilité.

Comme cela, quand il y aura la demande, vous la prendrez en considération ?

Je la considèrerai. Et maintenant que les Pays-Bas ont une reine argentine (il rit), qui sait !

Auriez-vous un message particulier pour les sans-abri de notre pays ?

Je ne connais pas bien les détails sur les sans-abri aux Pays-Bas. Je voudrais dire que les Pays-Bas sont un pays développé avec de nombreuses possibilités. Je dirais de demander aux sans-abri néerlandais de continuer à lutter pour les trois « T ».

(À la fin de l’entretien, Marc pose quelques questions. Il veut savoir, entre autres, si le pape rêvait déjà de devenir pape quand il était petit. Le Saint-Père répond par un « non » résolu.)

Mais, je vais vous faire une confidence. Quand j’étais petit, il n’y avait pas de magasins où l’on vendait les choses. En revanche, il y avait le marché où se trouvait le boucher, le marchand de fruits, etc. J’allais y faire les courses avec ma maman et ma grand-mère. J’étais tout petit, j’avais quatre ans. Et une fois, on m’a demandé : « Qu’est-ce que tu aimerais faire quand tu seras grand ? » J’ai répondu : « Boucher ! »

Pour beaucoup, avant le 13 mars 2013, vous étiez un inconnu. Et puis, d’un moment à l’autre, vous êtes devenu célèbre dans le monde entier. Comment avez-vous vécu cette expérience ?

C’est arrivé et je ne m’y attendais pas. Je n’ai pas perdu la paix. Et cela, c’est une grâce de Dieu. Je ne pense pas tellement au fait que je suis célèbre. Je me dis : maintenant, j’ai un poste important, mais dans dix ans, plus personne ne te connaîtra (il rit). Tu sais, il y a deux types de renommée : la renommée des « grands » qui ont fait de grandes choses, comme Madame Curie. Et la renommée des vaniteux. Mais cette renommée-là est comme une bulle de savon.

Et donc, vous dites : maintenant je suis là et je dois faire de mon mieux. Et vous continuerez ce travail jusqu’à ce que vous n’en soyez plus capable ?

Oui.

Saint-Père, peut-on imaginer un monde sans pauvres ?

Je voudrais un monde sans pauvres. Nous devrions nous battre pour cela. Mais je suis un croyant et je sais que le péché habite toujours en nous Et la cupidité humaine existe toujours, le manque de solidarité, l’égoïsme qui crée les pauvres. C’est pourquoi il me semble un peu difficile d’imaginer un monde sans pauvres. Si vous pensez aux enfants exploités pour l’esclavage par le travail ou l’esclavage sexuel. Et une autre forme d’exploitation : tuer les enfants pour prendre leurs organes, le trafic d’organes. Tuer les enfants pour prendre leurs organes, c’est de la cupidité. C’est pourquoi je ne sais pas si nous ferons ce monde sans pauvres, parce que le péché existe toujours et nous mène à l’égoïsme. Mais nous devons nous battre toujours… toujours.
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Nous avons fini. Nous remercions le pape pour l’interview. Lui aussi nous remercie en disant que l’entretien lui a beaucoup plu. Puis il prend l’enveloppe blanche, restée tout le temps à côté de lui sur le canapé et en sort un chapelet pour chacun de nous. Les photos sont prises et le pape nous salue. Il repart par la porte, aussi tranquille et détendu qu’à son arrivée.
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Source : http://www.zenit.org/fr/
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http://www.papefrancois.fr
 
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