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| Sujet: Vêpres : Le Pape François appelle l'Église cubaine à la pauvreté et à la miséricorde Mar 22 Sep 2015 - 20:34 | |
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Dimanche 20 Septembre 2015
Vêpres : Le Pape François appelle l'Église cubaine à la pauvreté et à la miséricorde
Texte intégral de l'homélie improvisée par le pape François en la cathédrale de La Havane, aux vêpres :
Le cardinal Jaime nous a parlé de la pauvreté et Sœur Yaileny [Sœur Yaileny Ponce Torres, Fille de la Charité, ndlr] nous a parlé du plus petit, des plus petits : « Ce sont tous les enfants. » J’avais préparé une homélie à prononcer en ce moment, à partir des textes bibliques, mais puisque les prophètes parlent – tout prêtre est prophète, tout baptisé est prophète, tout consacré est prophète –, nous allons leur prêter attention. Donc, je donnerai l’homélie au cardinal Jaime pour qu’il vous la fasse parvenir et que vous la publiiez. Ensuite, vous la méditerez. Et à présent, parlons un peu de ce qu’ont dit ces deux prophètes.
Le cardinal Jaime a eu l’idée de prononcer un mot très embarrassant, vraiment embarrassant, qui va même à contre-courant de toute la structure culturelle, entre guillemets, du monde. Il a dit : « pauvreté ». Et il a répété cette parole plusieurs fois. Je pense que le Seigneur a voulu que nous l’entendions plusieurs fois et que nous la recevions dans nos cœurs. L’esprit du monde ne la connaît pas, ne la veut pas, la cache, non pas par pudeur, mais par mépris. Et, s’il lui faut pécher et offenser Dieu, pour que la pauvreté ne l’affecte pas, il le fait. L’esprit du monde n’aime pas le chemin du Fils de Dieu, qui s’est vidé de lui-même, s’est fait pauvre, s’est anéanti, s’est humilié, pour être l’un de nous.
La pauvreté fait peur à ce jeune homme si généreux – il avait observé tous les commandements – et lorsque Jésus lui dit : « Regarde, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres », il est devenu triste, il a eu peur de la pauvreté. La pauvreté, nous cherchons toujours à l’occulter, cela peut être pour des raisons valables, mais je parle du fait de l’occulter dans le cœur. Qu’il faille savoir administrer les biens, c’est une obligation, car les biens sont un don de Dieu, mais lorsque ces biens entrent dans le cœur et commencent à guider ta vie, là tu es perdu. Tu n’es plus comme Jésus. Tu trouves ta sécurité là où la trouvait le jeune homme triste, celui qui s’en est allé triste. Vous, prêtres, consacrés, consacrées, je crois que ce que disait saint Ignace peut vous servir – et ce n’est pas de la propagande publicitaire de famille, n’est-ce pas ? – mais il disait que « la pauvreté est le mur et la mère de la vie consacrée ». Elle en est la mère parce qu’elle crée plus de confiance en Dieu. Et elle en est le mur parce qu’elle la protège de toute mondanité. Que d’âmes détruites ! Des âmes généreuses, comme celle du jeune homme devenu triste, qui ont bien commencé, et ensuite l’amour de cette mondanité les a progressivement gagnées, et elles ont mal fini. C’est-à-dire, médiocres. Elles ont fini sans amour, parce que la richesse appauvrit, mais elle appauvrit mal. Elle nous ôte le meilleur que nous ayons, elle nous rend pauvres de l’unique richesse qui vaille la peine, pour placer la sécurité dans quelque chose d’autre.
L’esprit de pauvreté, l’esprit de détachement, l’esprit d’abandon total, pour suivre Jésus. Cet abandon total, je ne l’invente pas moi. Plusieurs fois, il apparaît dans l’Evangile. Dans l’appel des premiers [disciples] qui ont laissé les barques, les filets, et l’ont suivi. Ceux qui ont tout laissé pour suivre Jésus. Une fois, un prêtre âgé, sage, m’a dit, en parlant du moment où l’esprit de richesse, de mondanité riche, gagne le cœur d’un consacré ou d’une consacrée, d’un prêtre, d’un évêque, d’un pape, de qui que ce soit ; il m’a dit : « C’est quand on commence à réunir de l’argent, et pour assurer l’avenir, n’est-ce pas ? Alors, l’avenir n’est pas en Jésus, il est dans une compagnie d’assurances de type spirituel, que je gère, n’est-ce pas ? Donc, quand, par exemple, une congrégation religieuse, – pour prendre un exemple, me disait-il –, commence à réunir de l’argent et à épargner, et à épargner, Dieu est si bon qu’il envoie un économe qui est un désastre, qui la conduit à la faillite. Ils font partie des meilleures bénédictions de Dieu à son Église, les économes qui sont des désastres, car ils la rendent libre, ils la rendent pauvre. L’Église, notre Sainte Mère, est pauvre, Dieu la veut pauvre, comme il a voulu pauvre Marie, notre Sainte Mère. Aimez la pauvreté comme une mère. Et simplement, si quelqu’un parmi vous le veut bien, je vous suggère de vous demander : comment est mon esprit de pauvreté ? Comment est mon esprit de détachement intérieur ? Je crois que cela peut faire du bien à notre vie consacrée, à notre vie sacerdotale. Après tout, n’oublions pas que c’est la première des Béatitudes : « Heureux les pauvres en esprit », ceux qui ne sont pas attachés à la richesse, aux pouvoirs de ce monde.
Et la Sœur nous parlait des derniers, des plus petits que, même s’ils sont grands, on finit par traiter comme des enfants, parce qu’ils se présentent comme des enfants. Le plus petit. C’est une phrase de Jésus. Et elle se trouve dans les principes à partir desquels nous serons jugés : « Ce que tu as fait au plus petit de ces frères, tu me l’as fait à moi. » Il y a des services pastoraux qui peuvent être plus gratifiants du point de vue humain, sans être ni mauvais ni mondains, mais lorsqu’on cherche dans la préférence intérieure le plus petit, le plus abandonné, le plus malade, celui que personne ne prend en considération, celui que personne n’aime, le plus petit, et qu’on sert le plus petit, on sert Jésus de façon inégalable. Toi, on t’a envoyé là où tu ne voudrais pas aller. Et tu as pleuré. Tu as pleuré parce que cela ne te plaisait pas, ce qui ne signifie pas que tu es une religieuse pleureuse, non. Dieu nous délivre des religieuses pleureuses, eh ! qui sont toujours à se plaindre ! Cette affirmation n’est pas mienne, sainte Thérèse, eh ? disait cela à ses religieuses. C’est d’elle [cette affirmation]. Malheur à la religieuse qui passe toute la journée à se plaindre, parce qu’on a commis envers elle une injustice. Dans le langage espagnol de l’époque, on disait : « Malheur à la religieuse qui passe son temps à dire : on m’a traitée sans raison. » Tu as pleuré, parce que tu étais jeune, tu avais d’autres aspirations, tu pensais peut-être que dans un collège tu pouvais réaliser plus de choses et que tu pouvais programmer l’avenir pour la jeunesse. Et on t’a envoyée là-bas – « Maison de la Miséricorde » –, où la tendresse et la miséricorde du Père se rendent plus évidentes, où la tendresse et la miséricorde de Dieu se font caresse. Que de religieuses, et de religieux consument – et je répète le verbe, consument – leur vie, en caressant du « matériel » de rejet, en caressant ceux que le monde rejette, ceux que le monde méprise, ceux dont le monde préfère qu’ils n’existent pas, ceux à qui, de nos jours, par des méthodes nouvelles d’analyse disponibles, lorsqu’on prévoit qu’ils peuvent être affectés par une maladie dégénérative, le monde se propose de faire rebrousser chemin, avant même qu’ils naissent. C’est le plus petit. Et une jeune fille, pleine d’aspirations, commence sa vie consacrée en vivant la tendresse de Dieu dans sa miséricorde. Parfois, ils n’entendent pas, ils ne savent pas, mais qu’il est beau aux yeux de Dieu et qu’il fait du bien, par exemple, le sourire d’un spasmophile, qui ne sait pas comment sourire, ou lorsqu’ils veulent donner un baiser et bavent sur ton visage ! C’est la tendresse de Dieu, c’est la miséricorde de Dieu. Ou bien lorsqu’ils sont fâchés et te donnent un coup. Et consumer ainsi ma vie, au contact du « matériel » de rejet aux yeux du monde, cela nous parle d’une seule personne. Cela nous parle de Jésus, qui, par pure miséricorde du Père, s’est anéanti ; il s’est abaissé, dit la Lettre aux Philippiens, chapitre 2. Et les gens auxquels tu consacres ta vie imitent Jésus, non pas parce qu’ils l’ont voulu, mais parce que le monde les a faits ainsi. Ils ne sont rien et on les cache, on ne les montre pas, ou bien on ne les visite pas. Et si on le peut, et s’il est encore temps, on leur fait rebrousser chemin. Merci pour ce que tu fais et, à travers toi, merci à toutes les femmes et aux nombreuses femmes consacrées, au service de l’inutile, parce qu’on ne peut créer aucune entreprise, on ne peut pas gagner de l’argent, on ne peut absolument rien faire avancer de « constructif » entre guillemets, avec ces frères, avec ceux qui sont de moindre importance, avec les plus petits. Là, resplendit Jésus. Et là resplendit mon choix de Jésus. Merci à toi ainsi qu’à tous les consacrés et toutes les consacrées qui font ce travail.
« Père, je ne suis pas religieuse, je ne m’occupe pas de malades, je suis prêtre, et j’ai une paroisse, ou bien j’aide un curé. Qui est mon Jésus préféré ? Qui est mon plus petit ? Qui est celui qui montre le plus la miséricorde du Père ? Où dois-je le rencontrer ? » Evidemment, je continue de parcourir le protocole de Mathieu 25. Tu y as tout : en celui qui a faim, dans le prisonnier, dans le malade. C’est là que tu vas les trouver, mais il y a un endroit privilégié pour le prêtre, où apparaît le dernier dont il est question, ce tout petit, le plus petit, et c’est le confessionnal. Et là, lorsque cet homme, ou cette femme te montre sa misère, attention ! qui est la même que la tienne, dont Dieu t’a sauvé, eh ?, et tu n’en es pas arrivé là. Lorsqu’il te montre sa misère, s’il te plaît, ne le défie pas, ne l’arrête pas, ne le punis pas. Si tu n’as pas péché, lance-lui la première pierre, mais uniquement à cette condition. Autrement, pense à tes péchés. Et pense que tu peux être cette personne. Et pense que, probablement, tu peux arriver plus bas encore. Et pense qu’en ce moment tu as un trésor dans les mains, qui est la miséricorde du Père. S’il vous plaît – vous, les prêtres – ne vous lassez pas de pardonner. Soyez des dispensateurs de pardon. Ne vous lassez pas de pardonner, comme le faisait Jésus. Ne vous cachez pas derrière des peurs et des rigidités. Comme cette religieuse et toutes celles qui font son travail, n’entrez pas en furie lorsque vous vous trouvez face à un malade sale ou qui se sent mal, mais plutôt, de la même manière qu’elles le servent, le nettoient, prennent soin de lui ; de même, lorsqu’un pénitent vient vers toi, ne te fâche pas, ne deviens pas hystérique, ne le chasse pas du confessionnal, ne le défie pas. Jésus les embrassait. Jésus les aimait. Demain, nous fêterons saint Matthieu. Comme il volait, celui-là ! En outre, comme il trahissait le peuple ! Et l’Evangile dit qu’à la faveur de la nuit, Jésus était allé dîner avec lui et avec d’autres comme lui. Une phrase de saint Ambroise me touche beaucoup : « Là où il y a miséricorde, il y a l’esprit de Jésus. Là où il y a rigidité, là ne se trouvent que ses ministres. »
Frère prêtre, frère Evêque, n’aie pas peur de la miséricorde. Permets-lui de s’écouler par tes mains et par ton accolade de pardon, car celui ou celle qui se trouve là est le plus petit. Et donc, c’est Jésus. Voilà ce qu’il m’est venu à l’idée de vous dire après avoir écouté ces deux prophètes. Que le Seigneur nous concède ces grâces que tous les deux ont semées dans notre cœur : pauvreté et miséricorde. Car, là se trouve Jésus. -------------------------------------------------- Source : http://www.zenit.org/fr/
Homélie écrite à l’avance et remise par le pape :
Nous sommes réunis dans cette cathédrale historique de La Havane pour chanter avec les psaumes la fidélité de Dieu à son peuple, afin de rendre grâce pour sa présence, pour son infinie miséricorde. Fidélité et miséricorde dont font mémoire non seulement les murs de cet édifice, mais aussi certains « cheveux blancs », rappel vivant, actualisé, que « sa miséricorde est infinie, et [que] sa fidélité demeure pour les âges ». Frères, rendons grâce ensemble !
Rendons grâce pour la présence de l’Esprit à travers la richesse des divers charismes sur les visages de tant de missionnaires qui sont venus sur ces terres, parvenant à devenir Cubains parmi les Cubains, signes que sa miséricorde est éternelle.
L’Évangile nous présente Jésus en dialogue avec son Père, il nous met au centre de l’intimité faite prière entre le Père et le Fils. Quand approchait son heure, Jésus a prié le Père pour ses disciples, pour ceux qui étaient avec lui et pour ceux qui viendraient (cf. Jn 17, 20). Cela nous fait penser qu’à son heure cruciale, Jésus met dans sa prière la vie des siens, notre vie. Et il demande à son Père de les garder dans l’unité et dans la joie. Jésus connaissait bien le cœur des siens, il connaît bien notre cœur. C’est pourquoi il prie, il demande au Père que ne les gagne pas une conscience qui tend à s’isoler, à se réfugier dans ses propres certitudes, sécurités, espaces ; à se désintéresser de la vie des autres en s’installant dans de petites «fermes » qui brisent le visage multiforme de l’Église. Situations qui débouchent sur une tristesse individualiste, sur une tristesse faisant peu à peu place au ressentiment, à la plainte continuelle, à la monotonie ; « ce n’est pas le désir de Dieu pour nous, ce n’est pas la vie dans l’Esprit » (Evangelii gaudium, n. 2) à laquelle il les a invités, à laquelle il nous invite. C’est pourquoi Jésus prie, il demande que la tristesse et l’isolement ne gagnent pas notre cœur. Nous voulons faire de même, nous voulons nous unir à la prière de Jésus, à ses paroles, pour dire ensemble : « Père, garde-les unis dans ton nom… pour qu’ils soient un comme nous-mêmes » (Jn 17, 11) « et que leur joie soit parfaite » (Jn 15, 11).
Jésus prie et nous invite à prier parce qu’il sait qu’il y a des choses que nous pouvons recevoir seulement comme un don, il y a des choses que nous pouvons vivre seulement comme un don. L’unité est une grâce que seul l’Esprit Saint peut nous donner, il nous revient de la demander et de donner le meilleur de nous-mêmes pour être transformés par ce don.
Il est fréquent de confondre l’unité avec l’uniformité, avec le fait que tous font, sentent et disent la même chose. Cela n’est pas l’unité, c’est l’homogénéité. C’est tuer la vie de l’Esprit, c’est tuer les charismes qu’il a distribués pour le bien de son peuple. L’unité se trouve menacée chaque fois que nous voulons faire les autres à notre image et ressemblance. C’est pourquoi l’unité est un don, ce n’est pas quelque chose que l’on peut imposer de force ou par décret. Je me réjouis de vous voir ici, hommes et femmes de différentes générations, milieux, parcours personnels, unis par la prière en commun. Prions Dieu de faire croître en nous le désir de la proximité. Que nous puissions être des prochains, être proches, avec nos différences, nos habitudes, nos styles, mais proches. Avec nos discussions, nos luttes, en nous parlant en face, et non par derrière. Que nous soyons des pasteurs proches de notre peuple, que nous nous laissions questionner, interroger par nos gens. Les conflits, les discussions dans l’Église sont normales, et j’ose même dire nécessaires ; ils sont des signes que l’Église est vivante et que l’Esprit continue d’agir, continue de la dynamiser. Malheur à ces communautés où il n’y a ni un « oui », ni un « non » ! Elles sont comme ces mariages où on ne discute plus, parce qu’on a perdu l’intérêt, on a perdu l’amour.
En second lieu, le Seigneur prie pour que nous soyons remplis de « la même joie parfaite » qu’il possède (cf. Jn 17, 13). La joie des chrétiens, et spécialement celle des consacrés, est un signe très clair de la présence du Christ dans leurs vies. Quand il y a des visages attristés c’est un signal d’alerte, quelque chose ne va pas bien. Et Jésus demande cela à son Père, juste avant d’aller au jardin, lorsqu’il doit renouveler son « fiat ». Je ne doute pas que vous deviez tous vous charger du poids de nombreux sacrifices, et que pour certains d’entre vous, depuis des décennies, les sacrifices auront été durs. Par son sacrifice, Jésus prie aussi pour que nous ne perdions pas la joie de savoir qu’il est vainqueur du monde. Cette certitude nous pousse chaque matin à réaffirmer notre foi. A travers sa prière, dans le visage de notre peuple, « il nous permet de relever la tête et de recommencer, avec une tendresse qui ne nous déçoit jamais et qui peut toujours nous rendre la joie » (Evangelii gaudium, n. 3).
Que c’est important ! Quel témoignage si précieux, pour la vie du peuple cubain, que celui de rayonner toujours et partout de cette joie, malgré les fatigues, les scepticismes, y compris malgré le désespoir qui est une tentation très dangereuse qui mine l’âme !
Frères, Jésus prie pour que nous soyons un et pour que sa joie demeure en nous ; faisons de même, unissons-nous les uns aux autres dans la prière. | |
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