« Il ne suffit pas d’espérer que les pauvres recueillent les miettes qui tombent de la table des riches. Il faut des actions directes en faveur des plus désavantagés : l’attention à leur égard devrait être prioritaire pour les gouvernants », déclare le pape François.
Dans un message au président du Panama, M. Juan Carlos Varela Rodríguez, à l'occasion du VIIe Sommet des Amériques (10-11 avril 2015), le pape appelle à « une distribution équitable de la richesse » : le bien-être atteint par une distribution inéquitable « est injuste dans ses racines et porte atteinte à la dignité des personnes ».
Dénonçant « des différences scandaleuses et offensives, surtout parmi les populations indigènes », il rappelle qu'« il y a des "biens de première nécessité" comme la terre, le travail et la maison, et des "services publics" comme la santé, l’éducation, la sécurité, l’environnement, desquels aucun être humain ne devrait être privé ».
Le pape évoque aussi les dangers qui guettent les immigrants économiques, « proies faciles pour la traite des personnes et le travail d’esclave, sans droits ni accès à la justice ».
Message du pape François :
À Son Excellence Juan Carlos Varela Rodriguez, président du Panama
En tant qu’hôte du VIIe Sommet des Amériques, je désire vous faire parvenir mes salutations cordiales et, à travers vous, à tous les chefs d’État et de gouvernement, ainsi qu’à toutes les délégations qui y participent. En même temps, j’ai le plaisir d’exprimer ma proximité et mes encouragements afin que le dialogue sincère permette une collaboration mutuelle qui unisse les efforts et dépasse les différences sur le chemin vers le bien commun. Je demande à Dieu que, en partageant des valeurs communes, l’on arrive à des engagements de collaboration sur le plan national ou régional pour aborder les problèmes avec réalisme et transmettre l’espérance.
Je me sens en harmonie avec le thème choisi pour ce Sommet : « Prospérité avec équité : le défi de la coopération dans les Amériques ».
Je suis convaincu, et je l’ai exprimé dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium, que l’iniquité, la distribution injuste des richesses et des ressources, est source de conflits et de violence entre les peuples, parce que cela suppose que le progrès de quelques-uns se construise sur le nécessaire sacrifice d’autres et que, pour pouvoir vivre dignement, il faille lutter contre les autres (cf. 52, 54). Le bien-être ainsi atteint est injuste dans ses racines et porte atteinte à la dignité des personnes. Il y a des « biens de première nécessité » comme la terre, le travail et la maison, et des « services publics » comme la santé, l’éducation, la sécurité, l’environnement, desquels aucun être humain ne devrait être privé.
Ce désir, que nous partageons tous, est malheureusement encore loin de la réalité. Il y a encore des inégalités injustes qui offensent la dignité des personnes. Le grand défi de notre monde est la mondialisation de la solidarité et de la fraternité au lieu de la mondialisation de la discrimination et de l’indifférence et, tant que l’on ne parvient pas à une distribution équitable de la richesse, on ne résoudra pas les maux de notre société (cf. Evangelii gaudium, 202).
Nous ne pouvons pas nier que beaucoup de pays ont expérimenté un fort développement économiques ces dernières années, mais il est tout aussi vrai que d’autres continuent à être prostrés dans la pauvreté. De plus, dans les économies émergentes, une grande partie de la population n’a pas bénéficié du progrès économique général, au point qu’un plus grand fossé s’est fréquemment creusé entre les riches et les pauvres. La théorie de la « goutte d’eau » ou de la « rechute favorable » (cf. Evangelii gaudium, 54) s’est révélée erronée. Il ne suffit pas d’espérer que les pauvres recueillent les miettes qui tombent de la table des riches. Il faut des actions directes en faveur des plus désavantagés : l’attention à leur égard, comme aux plus petits au sein d’une famille, devrait être prioritaire pour les gouvernants. L’Église a toujours défendu « la promotion des personnes concrètes » (Centesimus annus, 46), prenant soin de leurs besoins et leur offrant des possibilités de développement.
J’aimerais aussi attirer l’attention sur le problème de l’immigration. L’immense disparité des chances entre certains pays et d’autres fait que de nombreuses personnes se voient obligées d’abandonner leur terre, leur famille, devenant des proies faciles pour la traite des personnes et le travail d’esclave, sans droits ni accès à la justice… Dans certains cas, le manque de coopération entre les États laisse de nombreuses personnes en dehors de la légalité et sans possibilité de faire valoir leurs droits, les obligeant à se situer parmi ceux qui profitent des autres ou à se résigner à être victimes d’abus. Dans ces situations, il ne suffit pas de sauvegarder la loi pour défendre les droits fondamentaux de la personne, pour laquelle la norme, sans pitié ni miséricorde, ne répond pas à la justice.
Parfois, même à l’intérieur de chaque pays, se créent des différences scandaleuses et offensives, surtout parmi les populations indigènes, dans les zones rurales ou dans les périphéries des grandes villes. Sans une authentique défense de ces personnes contre le racisme, la xénophobie et l’intolérance, l’État de droit perdrait sa légitimité.
Monsieur le président, les efforts pour bâtir des ponts et des canaux de communication, pour tisser des relations, et rechercher l’entente ne sont jamais vains. La situation géographique de Panama, au centre du continent américain, qui en fait un point de rencontre entre le Nord et le Sud, entre les Océans pacifique et atlantique, est certainement un appel, dans l’intérêt du monde, à générer un nouvel ordre de paix et de justice et à promouvoir la solidarité et la collaboration en respectant la juste autonomie de chacune des nations.
Formant le vœu que l’Église soit aussi instrument de paix et de réconciliation entre les peuples, je vous adresse mes salutations cordiales les plus sincères.