Le pape a présidé, ce samedi 3 septembre 2016, place Saint-Pierre, une audience « jubilaire spéciale » à l’occasion du « Jubilé des volontaires de la miséricorde ». Ce jubilé sera marqué », demain, dimanche 4 septembre à 10h30, place Saint-Pierre, par la canonisation de la bienheureuse Mère Teresa de Calcutta (1910-1997).
Catéchèse du pape François :
Chers frères et sœurs, bonjour.
Nous avons entendu l’hymne à l’amour que l’Apôtre Paul a écrit pour la communauté de Corinthe, et qui est l’une des pages les plus belles et les plus exigeantes pour le témoignage de notre foi (cf. 1Co 13,1-13). Que de fois saint Paul a parlé de l’amour et de la foi dans ses écrits ! Pourtant dans ce texte-ci quelque chose d’extraordinairement grand et original nous est offert. Il affirme que, à la différence de la foi et de l’espérance, l’amour « ne passera jamais » (v.
. Cet enseignement doit être pour nous d’une certitude indestructible ; l’amour de Dieu ne fera jamais défaut dans notre vie ni dans l’histoire du monde. C’est un amour qui demeure toujours jeune, actif, dynamique et qui attire à lui de manière incomparable. C’est un amour fidèle qui ne trahit pas, malgré nos contradictions. C’est un amour fécond qui donne la vie et qui va au-delà de notre paresse. De cet amour nous sommes tous témoins. L’amour de Dieu, en effet, vient à notre rencontre ; il est comme un fleuve en crue qui nous emporte, mais sans nous détruire ; bien au contraire, il est une condition de vie : « S’il me manque l’amour, je ne suis rien » – dit saint Paul (v. 2). Plus nous nous laissons prendre par cet amour, plus notre vie est régénérée. Nous devrions dire vraiment de toutes nos forces : je suis aimé, donc j’existe ! L’amour dont parle l’Apôtre n’est pas une chose abstraite ou vague ; au contraire, c’est un amour qui se voit, se touche et s’expérimente personnellement. La forme la plus grande et expressive de cet amour, c’est Jésus. Toute sa personne et toute sa vie ne sont autre que la manifestation concrète de l’amour du Père, jusqu’à parvenir au moment le plus important : « La preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5,
. C’est cela, l’amour ! Ce ne sont pas des paroles, c’est l’amour. Du calvaire, où la souffrance du Fils de Dieu atteint son sommet, jaillit la source de l’amour qui efface tout péché et qui recrée tout pour une vie nouvelle. Portons toujours avec nous, de manière indélébile, cette certitude de foi : « Le Christ « m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi » (Ga 2, 20). Voilà la grande certitude : le Christ m’a aimé, et il s’est livré lui-même pour moi, pour toi, pour toi, pour tous, pour chacun de nous ! Rien ni personne ne pourra jamais nous séparer de l’amour de Dieu (cf. Rm 8, 35-39). L’amour est donc la plus grande expression de toute la vie et nous permet d’exister ! Face à ce contenu si essentiel de la foi, l’Eglise ne pourra jamais se permettre d’agir comme l’ont fait le prêtre et le lévite vis-à-vis de l’homme laissé à terre à moitié mort. (cf. Lc 10, 25-36). On ne peut pas détourner le regard et se tourner de l’autre côté pour ne pas voir les formes de pauvreté si nombreuses qui demandent miséricorde. C’est cela, se tourner de l’autre côté pour ne pas voir la faim, les maladies, les personnes exploitées…, c’est un péché grave ! C’est aussi un péché moderne, c’est un péché d’aujourd’hui ! Nous, chrétiens, nous ne pouvons pas nous permettre cela. Ce ne serait pas digne de l’Eglise ni d’un chrétien de « passer outre » et de supporter d’avoir la conscience tranquille simplement parce que nous avons prié ou parce que je suis allé à la messe le dimanche. NON. Le Calvaire est toujours actuel ; il n’a pas du tout disparu ni n’est réduit à une belle peinture dans nos églises. Ce sommet de com-passion d’où jaillit l’amour de Dieu vis-à-vis de la misère humaine parle encore à notre temps et pousse à donner toujours de nouveaux signes de miséricorde. Je ne me lasserai jamais de dire que la miséricorde de Dieu n’est pas une belle idée mais une action concrète. Il n’y a pas de miséricorde sans concret. La miséricorde, ce n’est pas de faire le bien « en passant » c’est s’engager là où il y a le mal, où il y a la maladie, où il y a tant d’exploitations humaines. Et de même la miséricorde humaine n’est miséricorde tant qu’elle n’est pas devenue concrète dans l’agir quotidien. L’avertissement de l’Apôtre Jean demeure toujours valable: « Petits enfants, n’aimons pas en paroles ni par des discours, mais par des actes et en vérité » (1Jn 3, 18). La vérité de la miséricorde, en effet, se trouve dans nos gestes quotidiens qui rendent visibles l’agir de Dieu au milieu de nous.
Frères et sœurs, vous représentez ici le monde grand et varié du bénévolat. Vous comptez parmi les réalités les plus précieuses de l’Eglise, vous qui chaque jour, souvent dans le silence et en secret, donnez forme et visibilité à la miséricorde. Vous êtes des artisans de la miséricorde : par vos mains, vos yeux, votre écoute, votre proximité, par vos caresses… Des artisans ! Vous exprimez l’un des désirs les plus beaux du cœur de l’homme, celui de faire sentir à une personne qui souffre qu’elle est aimée. Dans les diverses situations de besoin et de nécessité de beaucoup de personnes, votre présence est la main tendue du Christ qui rejoint chacun. Vous êtes la main tendue du Christ : vous avez pensé à cela ? La crédibilité de l’Église passe de manière convaincante aussi à travers votre service des enfants abandonnés, des malades, des pauvres sans nourriture ni travail, des personnes âgées, ses sans toit, des prisonniers, des réfugiés et des immigrés, de tous ceux qui sont touchés par les catastrophes naturelles… Bref, partout où il y a une demande d’aide, arrive votre témoignage actif et désintéressé. Vous rendez visible la loi du Christ, celle qui consiste à porter les fardeaux les uns des autres (cf. Ga 6, 2 ; Jn 13, 34).
Chers frères et sœurs, vous touchez de vos mains la chair du Christ. Soyez toujours prêts à la solidarité, forts dans la proximité, actifs pour susciter la joie et convaincants dans la consolation. Le monde a besoin de signes concrets de solidarité, surtout face à la tentation de l’indifférence, et il demande des personnes capables de contrer par leur vie l’individualisme, le fait de ne penser qu’à soi et de se désintéresser des frères dans le besoin. Soyez toujours contents et remplis de joie dans votre service ; mais n’en faites jamais un motif de présomption qui vous conduirait à vous sentir meilleurs que les autres. En revanche, que votre œuvre de miséricorde soit l’humble et éloquent prolongement de Jésus-Christ qui continue à se pencher et à prendre soin de celui qui souffre. L’amour, en effet, « édifie » (1 Co 8, 1) et jour après jour permet à nos communautés d’être signe de la communion fraternelle. Et parlez de ces choses avec le Seigneur. Appelez-le. Faites comme a fait Sister Preyma, comme la sœur nous l’a raconté : elle a frappé à la porte du tabernacle. Tellement courageuse ! Le Seigneur nous écoute : appelez-le ! Seigneur, regarde cela… Regarde tant de pauvreté, tant d’indifférence, tant de regards tournés de l’autre côté : « Cela ne me regarde pas, cela ne m’importe pas ». Parlez-en avec le Seigneur : « Seigneur, pourquoi ? Seigneur, pourquoi ? Pourquoi suis-je si faible et tu m’as appelé à faire ce service ? Aide-moi, donne-moi la force, et donne-moi l’humilité ». Le noyau de la miséricorde, c’est ce dialogue avec le cœur miséricordieux de Jésus.
Demain, nous aurons la joie de voir Mère Teresa proclamée sainte (Applaudissements). Elle le mérite ! Ce témoignage de miséricorde de notre époque s’ajoute à l’innombrable foule des hommes et des femmes qui, par leur sainteté, ont rendu visible l’amour du Christ. Imitons, nous aussi, leur exemple, et demandons d’être d’humbles instruments dans les mains de Dieu, pour soulager la souffrance du monde et donner la joie et l’espérance de la résurrection. Merci.
Et avant de vous donner la bénédiction, je vous invite à prier en silence pour tant de personnes, tant de personnes qui souffrent ; pour tant de souffrance, pour ceux qui vivent mis de côté par la société. Prier aussi pour tant de volontaires, comme vous, qui vont à la rencontre de la chair du Christ pour la toucher, la soigner, la sentir proche. Et prier également pour tant, tant de personnes qui, devant cette misère, regardent d’un autre côté et entendent dans leur cœur une voix qui leur dit : « Cela ne me regarde pas, cela ne m’importe pas ». Prions en silence.
(Un moment de silence)
Et nous le faisons aussi avec la Vierge Marie: Je vous salue Marie…
(Bénédiction)